BUREAU DES MUSIQUES ACTUELLES

Paris, le 29 juin 2000 - Le Bureau des musiques actuelles, c'est un peu la voix de la France outre-Manche. Et pas n'importe quelle voix ; exit la variété bien de chez nous qui ne recevrait que trop peu d'échos chez nos voisins anglais. Ce qu'ils aiment, c'est notre French Touch électronique, c'est la France multiculturelle et multicolore, la France de l'Afrique noire et du Maghreb, la France bretonnante, la France du rap, du raï, du jazz, du m'balax. Ah, c'est ça la France?! Rencontre avec Marie-Agnès Beau qui dirige le Bureau depuis sa création, il y a maintenant un an.

Londres sous influence française

Paris, le 29 juin 2000 - Le Bureau des musiques actuelles, c'est un peu la voix de la France outre-Manche. Et pas n'importe quelle voix ; exit la variété bien de chez nous qui ne recevrait que trop peu d'échos chez nos voisins anglais. Ce qu'ils aiment, c'est notre French Touch électronique, c'est la France multiculturelle et multicolore, la France de l'Afrique noire et du Maghreb, la France bretonnante, la France du rap, du raï, du jazz, du m'balax. Ah, c'est ça la France?! Rencontre avec Marie-Agnès Beau qui dirige le Bureau depuis sa création, il y a maintenant un an.

Installé dans les locaux de l'Institut Français, à deux pas du Musée d'Histoire naturelle, le Bureau des musiques actuelles est encore un nouveau-né puisque crée au printemps dernier. Et pourtant, le travail ne manque pas pour les deux personnes qui y travaillent, Marie-Agnès Beau et Mickaelle Begue. Après six ans passés au sein du Bureau Export à Paris, Marie-Agnès décide que Londres sera son nouvel office. Explications.
Créer ce Bureau à Londres a été une démarche personnelle encouragée par les professionnels. La Grande-Bretagne est la plate-forme internationale de la pop music et le marché le plus dur à pénétrer. C'est venu de la découverte qu’il y a des choses à faire ici, qu’il y a une demande par rapport à ce que l’on fait en France, nos mélanges de musiques. Ici, la demande porte sur les musiques électroniques. Je me suis aperçue de l’ouverture du marché anglais aux DJ’s français, la French Touch. Ça agaçait les Français, c’est bizarre car pour une fois que les Anglais s’intéressaient à nous. Ce sont les Anglais en premier qui se sont aperçus que l’on avait de bons DJ’s. A l’époque en France, personne ne s’intéressait à eux. C’est grâce aux médias, aux DJ’s et aux distributeurs anglais que ces artistes ont fait le tour du monde avant de revenir en France. Ça a mis deux ans. Deux ans pour que les Français réalisent qu’ils avaient de la bonne musique électronique.
Il y a également une demande au niveau du rap, du hip hop. Les Anglais sont intéressés par le rap français parce qu’ils reprochent au rap américain d’être trop violent, mais ils ne comprennent pas les textes. Or le rap, c’est les textes. C’est donc une difficulté sur laquelle on travaille via le programme Rap in Zep
(une ZEP est une Zone d’Education Prioritaire, ndlr) que l’on a monté dans les écoles pour que les jeunes de 13 / 14 aient envie d’aller aux cours de français. On les fait travailler, non pas sur les purs textes de rap parce que c'est beaucoup d'argot et de verlan, mais sur les dossiers de presse, les biographies des artistes quand le groupe vient ou quand le disque sort ici. Avec Saïan Supa Crew et Djoloff on a fait des choses extraordinaires. Les enfants se mobilisent, ils deviennent hyper créatifs, tout le monde est ravi.
Ce programme Rap in Zep, Marie-Agnès y tient beaucoup, d'autant que les résultats sont plus qu'encourageants et qu'il n'a pas été simple de faire venir des rappeurs pour représenter la culture française dans les écoles. Ça ne fait pas sérieux. Mais Marie-Agnès fait fi des conventions. Il faut répondre aux attentes du marché anglais. C'est ainsi que des artistes comme DJ Cam, Kojak, Les Négresses Vertes, Richard Bona, Saïan Supa Crew, Alan Stivell, Youssou N'Dour, Rokia Traoré, Zebda, Cheb Mami, P 18, Amina, et bien d'autres, bénéficient du support du Bureau, que ce soit pour leur sortie d'album ou leur tournée anglaise.
Mon travail c’est conseil, information, mise en contact, coordination. Quand il y a un vrai travail de la maison de disques ici avec distribution, promotion, investissement du producteur français et de l’artiste qui est prêt à venir jouer dans d’autres conditions qu’en France, tous les acteurs professionnels sont donc présents. A ce moment-là, nous pouvons aider financièrement avec les budgets qui me sont alloués, et des professionnels et de l’Etat. L’originalité du Bureau des musiques actuelles c’est d’avoir un budget d’intervention fifty/fifty, privé/public.

Mais, l'action du Bureau ne s'arrête pas là. Afin de mieux faire sentir la french culture, des journalistes anglais sont régulièrement invités à des festivals (Les Francofolies de la Rochelle, Le Printemps de Bourges, Les Transmusicales de Rennes, La Techno Parade). Au sein du Bureau, les professionnels ont à leur disposition une médiathèque avec les dernières nouveautés françaises en matière de CD's, LP's, magazines musicaux français et anglais, ainsi qu'un fichiers complet de contacts. Bref, le kit complet de tout-pour-pénétrer-le-marché-anglais. Le hip hop et la musique électronique font régulièrement l'objet de parties (Serial Nights, Kojak Nights) largement promotionnées par le Bureau des musiques actuelles.

Et la chanson française dans tout ça?
La chanson française n’est pas la culture de ce pays. Le gros problème ici, c'est la langue. Les gens sont habitués à comprendre ce qu’ils écoutent. Comment amener du texte dans un pays qui ne comprend pas la langue ? C’est le problème que l’on a partout (la chanson française marche en Allemagne sur la zone frontalière). Il faut donc que les artistes soient prêts à communiquer avec le public (ce qui n’était apparemment pas le cas pour Les Négresses Vertes lors de leur passage à Londres pour la promotion de l'album "Trabendo", ndlr). La chanson française, c’est de la culture française dans laquelle les gens ici ne sont pas spontanément immergés.Une certaine génération s'intéresse à notre patrimoine, une autre aux années yéyé. A nous de nous appuyer sur cet intérêt pour apporter la nouvelle chanson française.
Ici, la musique est un business, ça n’est pas de la culture. Les pays anglo-saxons n’ont pas de scrupules, ils font du business avec la culture. C’est la grande différence avec la France où quand la musique commence à devenir commerciale, elle n’est plus vraiment culturelle. En France, il y a énormément de subventions pour la culture. Mais dès que l’on considère l’aspect commercial des choses, l'intérêt est moindre. Pas en Grande-Bretagne. Ici, on ne peut pas faire ça, on a besoin de cet argent, il faut investir. Les maisons de disques ne gagnent pas d’argent à l’international sauf, coup de chance, pour un Daft Punk ou un Stardust, et ça n’est pas typiquement français.
Notre force, c’est les mélanges de races, de styles, d’influences, de générations, d’instruments, acoustiques ou de machines. Nous n’avons pas besoin d’exporter notre variété purement française. Par contre, notre richesse et notre diversité culturelles, nos richesses musicales qui mélangent tout, ça c’est notre force actuellement. Les Anglais commencent à s’en rendre compte. Les artistes africains traditionnels produits en France ont bonne presse ici depuis lontemps. Pour la "global fusion", ça commence.

On travaille actuellement sur un festival intitulé Paris sur Scène, qui se déroulera au Barbican Center qui est Le gros centre culturel de Londres (2.000 places) et qui peut donc se permettre d’investir. Il y aura, entre autres, Juliette Gréco qui est un des derniers piliers de la chanson française.
La chanson française ne peut pas être une priorité commerciale tout de suite, mais sur le long terme. On ne peut pas l’imposer. Ça reste de l’ordre du culturel.
Message reçu, on ne peut quand même pas être partout. En attendant, ne pas manquer le festival Paris sur Scène au Barbican Center avec à l'affiche : Juliette Gréco et Yann Tiersen le 30 juin, Lojo, Sawt El Atlas, Rokia Traoré, l'Orchestre National de Barbès, Amina, Claude Challe et U-Cef le 1er juillet.

Frédérique Hall