Yannick Noah

Le nouvel opus de Yannick Noah, ancien joueur de tennis reconverti dans la musique, porte son propre nom et s'écoute comme une sorte d'autoportrait, réalisé à distance, par le biais de mains amies. Cet album sorti chez Sony Music, est en effet l'oeuvre taillée à sa mesure par une bande de copains soucieux de le voir continuer sa carrière d'interprète. Retour sur cette carrière.

Et douze titres dans les bacs.

Le nouvel opus de Yannick Noah, ancien joueur de tennis reconverti dans la musique, porte son propre nom et s'écoute comme une sorte d'autoportrait, réalisé à distance, par le biais de mains amies. Cet album sorti chez Sony Music, est en effet l'oeuvre taillée à sa mesure par une bande de copains soucieux de le voir continuer sa carrière d'interprète. Retour sur cette carrière.

Une opportunité qui en rappelle bien d'autres. Son premier album Black and What, concocté au début des années 90, était une idée d'Eric Ghenassia, producteur familier des grands coups du show-biz musical, tendance Stéphanie de Monaco. Yannick, à l'époque où il le rencontre, envisageait sérieusement sa reconversion hors des courts de tennis et s'excitait surtout sur un vieux rêve de môme : être artiste. "Pour faire passer des émotions" disait-il. Pour éviter la routine également. Car la vie des stars du tennis se résume bien souvent, une fois la raquette de champion rangée au vestiaire, en une série d'exhibitions sponsorisées, ennuyeuses pour la plupart. Noah, qui après bien des matchs, s'est retrouvé à chanter avec ses potes, Wilander ou Mc Enroe, dans des bars ou des clubs, est complètement séduit par une éventuelle carrière dans la chanson. A un confrère, il confie : "Au tennis, le bonheur du vainqueur fait toujours le malheur de l'autre. Alors que sur scène, on était tous heureux ensemble".

Suffit-il de le vouloir, même fortement, pour que cela se réalise ? Yannick, en entraînant Ghenassia dans son sillage, a un avantage indiscutable dès le départ. Il bénéficie d'une image médiatique très forte. Son regard, ses liaisons, sa mystique font florès dans la presse people. De quoi décider TF1 (la première chaîne du paysage audiovisuel français), Carrère (maison de disques passée maître dans les "coups" à succès), plus Wellcome (label indépendant qui ne pouvait rêver mieux pour se faire entendre) à tenter l'aventure. Black and what fait son tabac. Saga Africa, premier single de l'album, devient un tube d'été. Le public, en effet, a suivi sans sourciller. Noah n'aura sans doute pas signé là l'opus qui fera de lui un fabuleux interprète, à l'image de ses idoles de jeunesse (Hendrix, James Brown, Marley). Mais à l'impossible, nul n'est tenu. Yannick cherchait en réalité un autre moyen d'exister et d'exprimer sa rage. Ses chansons sont une aubaine pour poser son nouveau discours. Il parle de racines, de joie de vivre, de fidélité à l'amitié et pointe le racisme du doigt. Le schéma, à quelques différences près, se répétera avec le second album, Urban Tribu sorti en 1993, dans une perspective plus anglo-saxonne mais avec moins de succès. Là aussi, c'est une idée apportée par les autres et en particulier de son producteur, à la rencontre de son obsession pour le chant.

Yannick l'artiste est ainsi fait. A son contact, quelques amis repartent inspirés et lui reviennent avec un album, toujours taillé sur mesure, à la hauteur de sa personnalité. Les chansons écrites en français, en anglais ou en langue camerounaise reflètent au mieux l'aspect international du personnage (il a vécu à Yaoundé, Paris et New York). Les rythmiques ajustées correspondent aux voyages et aux univers passionnels de l'ex-tennisman (reggae, rock, ballades…). Les paroles de sagesse sont puisées dans la vie d'un sex-symbol aujourd'hui également reconverti dans l'humanitaire (dans le cadre des activités de l'association "Les Enfants de la Terre", fondée avec sa mère). Qui ne rêve pas d'avoir des amis aussi attentifs ? Aucun ne le trahit jamais. Tous tiennent des valeurs positives que Yannick dégage. Tous… Y compris ceux qui ont fabriqué ce nouvel album de douze titres. Dans son dossier de presse, il déclare : "La vie a voulu que je rencontre une équipe (Erick Benzi, Jean-Jacques Goldman, J. Kapler…) qui était prête à me faire un cadeau : des chansons écrites pour moi. Un beau cadeau que j'ai accepté tout de suite, avant d'avoir écouté ou lu quoi que ce soit […] Quand j'ai découvert les textes, l'aventure était partie. J'ai ressenti les chansons immédiatement, parce qu'elles me correspondaient vraiment. Et j'ai chanté comme c'est venu". Un vrai conte de fées.

L'album, sur lequel apparaissent quelques amis africains (Lokua et ses voix de dandy inspiré, Sally Nyolo et son bikutsi parigot, Hadja qui semble être une des prochaines surprises du label Frikyiwa, Georges Seba et son chœur…), parle de retour aux sources. Hommage à l'ancêtre décédé (Simon Papa Tara, le grand-père), à la mémoire et à la culture retrouvées des aïeux ("Tu pensais qu'un nouveau langage/ effacerait les traditions/ Que ta force et ton courage/ feraient de toi un de leur nation/ Mais il y a sur nos visages/ l'envie de n'être pas comme eux"), au reggae (Jamafrica), aux femmes (Les Lionnes), aux enfants (J'aime les gosses), au refus du mensonge (Sans moi)… Gros son et arrangements soignés. Nul doute que là encore, la chance pourrait lui sourire. En décembre, il compte pour marquer le coup faire une date à l'Olympia à Paris. Nul doute que le public y sera. Non par passion exacerbée pour sa musique, mais plutôt par fidélité à Noah lui-même.

La vérité dans cette histoire tient à la sincérité d'un homme qui sait et qui aime se donner à son public. Sans calcul ni arrière-pensées. C'est ce que ses producteurs et son entourage ont compris. Et c'est ce qui au fond a permis de pérenniser une carrière qui aurait pu s'arrêter là où elle a commencé. L'odyssée de Noah l'artiste, continue. Reste à savoir si l'effet "saga" se renouvellera ou pas, en termes de vente. Une question qui, probablement, n'interpelle pas l'intéressé, dans la mesure où seul le satisfait la capacité de réaliser son vieux rêve de môme.

Yannick Noah Yannick Noah (Sony Music) 2000
En concert à Paris à l'Olympia le 5 décembre