LE STUDIO DES VARIÉTÉS A 20 ANS
Lundi 22 septembre, le Studio des Variétés fêtera sa 20ème année d’enseignement par un grand concert à la Cigale où se succéderont des « élèves »parfois inattendus : Dionysos, Rokia Traore*, Axelle Renoir, K2R Riddim...
Alex Dutilh: «A talent égal, le travail fait la différence.»
Lundi 22 septembre, le Studio des Variétés fêtera sa 20ème année d’enseignement par un grand concert à la Cigale où se succéderont des « élèves »parfois inattendus : Dionysos, Rokia Traore*, Axelle Renoir, K2R Riddim...
Depuis 1983, ce centre de formation artistique aide les chanteurs à travailler leur technique vocale (la demande n°1) mais aussi l'aisance scénique, le théâtre musical, les castings, le travail sur le son, etc.
Homme de jazz (ex-rédacteur en chef de Jazzman), directeur artistique de festival (St Sever), conteur et amoureux de la chanson, le chaleureux Alex Dutihl est à la tête du Studio depuis 1990. Il a pris la suite de Jean-Marc Ghanassia, agent et actuel producteur de spectacles (Emilie Jolie) et de Bob Socquet, alors directeur artistique chez BMG. Il nous ouvre les portes de ce petit immeuble du 9ème arrondissement de Paris, ce lieu vivant qui a vu passer Etienne Daho, Bénabar, Tiken Jah Fakoly, Silmarils ou Ophélie Winter... Et dont certains professeurs se nomment Bertrand Burgalat, CharlElie, Richard Cross, Ignatus, Jean Fauque ou Kent.
Comment est née cette école ?
Elle a été créée par le ministère de la culture sous Jack Lang et par la Sacem. Le Ministère avait l’envie au départ d’ouvrir un voie d’accès démocratisée aux métiers du spectacle, une voix qui ne relève pas que du facteur chance ou du piston. Pour la Sacem, il s’agissait de trouver des interprètes pour que les auteurs compositeurs éditeurs trouvent des gens pour chanter leurs chansons.
Pourtant, assez vite, le Studio a noté un désintérêt de l’industrie du disque ?
Oui, à la fin des années 80. Le constat était que les maisons de disques ne venaient pas faire leur marché aux auditions du Studio. On touchait là un problème de fond de leur métier: ils sont des Pygmalion et si on leur enlève le plaisir et l’ego de dire qu’ils ont découvert untel, on leur enlève une partie de leur travail… Ils aiment être des accoucheurs donc le fait qu’on découvre des artistes à leur place, ça ne leur plait pas d’où le succès de la formule actuelle du studio qui inverse la logique: ils découvrent les artistes, on s’en occupe après.
C’est là que le Studio a développé la formation continue ?
Oui, ça n’a rien de révolutionnaire mais dans ce secteur-là, un peu. Ça commence à rentrer dans les moeurs depuis une dizaine d’années. C’est l’effet positif de ces plaies télévisuelles, Star Academy, Pop Stars, etc. Ça a fait comprendre à un tas de gens y compris dans les métiers du disque qu’on pouvait travailler, que ce n’était pas honteux.
Les artistes ne le savent-ils pas ?
Ils le savent mais ne le disent pas. Il y a une vision romantique du métier qui veut qu’on soit touché simplement par la grâce divine, que c’est comme ça. Aujourd’hui ça change avec une nouvelle génération d’artistes plus «collectivistes», qui sont moins sur une carrière individuelle. Ces gens-là savent qu’à talent égal, le travail fait la différence. Je trouve qu’il y a un changement d’état d’esprit.
Au concert du 22 à la Cigale, il y aura des groupes de rap. A quel type de formation ont-ils eu recours au Studio ?
D’abord la technique vocale, la musculation. Comme les gens du rock, ce sont des gens qui ont presque toujours démarré par la scène, en se débrouillant seuls, en ayant une hygiène de vie plutôt catastrophique et qui casse leur voix très rapidement. Ils viennent donc sur le réflexe allo-docteur-bobo. Leur voix ne tient pas parce qu’ils ne savent pas l’utiliser avec puissance sans être à fond. La deuxième demande est la mise en place rythmique. On leur fait faire du solfège sans leur dire que ça en est. Enfin, certains viennent pour des demandes sur le home studio, pour apprendre à se servir du matériel multipistes.
Quel est l’effet d’émissions télévisées type Star Academy sur votre école ?
On a effectivement un afflux de très jeunes filles qui ne veulent pas être artistes mais stars ! Donc, on leur explique qu’on ne fait pas ce travail-là mais qu’on forme des gens qui sont déjà sur des projets professionnels. Il nous arrive de prendre des débutants, par exemple pour des castings de comédie musicale et qu’il faut mettre à niveau. On renvoie donc tous ces jeunes sur les écoles existantes, ou en cours de création, qui font travailler les débutants. Plus ou moins bien. On évite d’envoyer les gens-là où nous ne sommes pas sûrs des profs de chant.
Il nous arrive cependant de voir revenir quelqu’un qui était passé par une de ces émissions et qui revient travailler sur la durée, qui a enfin perçu la notion du travail comme normale. Donc je ne suis pas entièrement négatif mais je dis juste: méfiance.
Propos recueillis par Catherine Pouplain
* La chanteuse Malienne Rokia Traore (nouvel album le 26 septembre, Bowmboï) témoigne :
« Le Studio m’a apporté beaucoup, beaucoup de choses, c’est bien que cette structure existe pour des gens comme moi. C’est moins lourd qu’une école, ce sont des formations à la carte et ça m’a permis de tourner en même temps que je prenais des cours de chant et de composition. J’ai pu choisir de faire ce que j’avais envie de faire quand j’avais envie de le faire. C’est un système de formation qui a été inventé pour les artistes qui ont déjà commencé à travailler. Ça m’a énormément apporté notamment mes cours de chant avec Géraldine Ross. J’espère que ça va continuer à exister! »
Propos recueillis par Pierre René-Worms
Concert anniversaire lundi 22 septembre à La Cigale, boulevard Rochechouard, Paris 18. Gratuit sur réservation (01 53 20 64 00) à 19h30.