Dan ar Braz au Zénith

"Après Rennes et Quimper, nous commençons ce soir notre tournée à l’étranger : bonsoir Paris !"

"Après Rennes et Quimper, nous commençons ce soir notre tournée à l’étranger : bonsoir Paris !"

C'est de l'humour, bien sûr. Dan Ar Braz n'a pas peur de reprendre de vieilles blagues éculées. Un peu de démago le soir de la Saint-Patrick, devant un Zenith bretonnant, ça ne peut pas faire de mal. D'ailleurs, le dit Zénith se soulève de joie devant la bonne blague. Galvanisé par la Guiness, il saluera toute la soirée avec la même ardeur la moindre envolée de biniou.

Cela s'appelle "L'héritage des Celtes". Un concept malin et une grosse artillerie (50 musiciens venus de toute la Celtie) qui a le mérite d'avoir créé à partir de rien une identité régionale allant, grosso modo, de l'Ecosse à la Galicie !...

Nous, on aime bien. Il suffit d'avoir passé une semaine à Lorient, patrie du Festival Interceltique et de Henri Paul, pour se convaincre de l'ancrage populaire de cette culture. A mille lieues des "festivals parisiens décentralisés" ( Avignon, Aix-en-Provence, Céret, Bourges, etc.) Lorient est un vrai phénomène local, qui ne doit rien aux subventions du ministère de la Culture : Paysan Breton (beurre, oeufs, fromage) et le Crédit Agricole sont les sponsors autorisés. Mais, surtout, ce sont bien les 350.000 spectateurs venus de toute la Bretagne qui font vivre le Festival Interceltique de Lorient.

A RFI, nous avons depuis cinq ans fait le choix de suivre l'Interceltique dans ses décentralisations à l'étranger. A Sydney, Tokyo, Dallas, ou Jakarta, le concept marche. Mettez deux binious à un coin de rue, et vous verrez dare-dare accourir toute la ville. Mieux que les rock-stars ou les boys bands, les souffleurs de cornemuse sont devenus, à l'export, des valeurs sûres de notre patrimoine musical.

Alors, où est le problème ? D'où vient ce malaise qu'on pouvait ressentir hier au Zénith, pour peu qu'on n'ait point trop abusé du Macallan et de la Kilkenny (publicité gratuite) ?

La Saint-Patrick, d'abord. Devenue comme Halloween un rendez-vous commercial de première importance, la fête a perdu ce côté bon enfant qui, dans les pubs irlandais de la capitale française, faisait son charme. Il n'est pas sûr d'ailleurs que l'âme irlandaise se retrouve pleinement dans ces grands barnum télévisés.

Et puis, la musique... Il faut bien le dire, une heure et demi de ce zinzin dans une grande salle anonyme, on est loin des festoù noz ! On a beau s'entourer des meilleurs (la chanteuse écossaise Karen Matheson, le souffleur galicien Carlos Nunez, etc.) la chose devient vite monotone pour quiconque n'est pas né sur les rives de l'Odet.

Le régionalisme, enfin. Dan Ar Braz a mille fois répété qu'il était ni nationaliste, ni autonomiste, "mais tout simplement breton". On n'a aucune raison de douter de sa sincérité; mais alors pourquoi ces nombreux clins d'oeil démagogiques à un public qui, lui, semble prêt à d'autres aventures ?...

Au fond, le vrai malaise, c'est peut-être tout simplement le calendrier : si, en ce moment même, des membres de la droite "républicaine" n'étaient pas en train de magouiller avec le Front National pour essayer de sauver quelques présidences de région, on serait sûrement moins enclin à voir le mal partout !

JJD