Maxime Ruiz, l’autodidacte
Il a braqué son objectif sur Francis Cabrel, Dominique Dalcan, Sanseverino... Maxime Ruiz est photographe, mais aussi réalisateur de clips, de films et concepteur de pochettes de disques. Trois métiers qu’il exerce en solo depuis toujours, furieusement libre et créatif. Portrait.
Profession : photographe
Il a braqué son objectif sur Francis Cabrel, Dominique Dalcan, Sanseverino... Maxime Ruiz est photographe, mais aussi réalisateur de clips, de films et concepteur de pochettes de disques. Trois métiers qu’il exerce en solo depuis toujours, furieusement libre et créatif. Portrait.
C’est sans doute l’un des photographes les plus artistiques et multi-cartes de la sphère musicale. Lui ne couvre pas les concerts ("Trop fatiguant, trop de contraintes et Claude Gassian fait ça tellement bien !"). Son truc, c’est plutôt le tête-à-tête, l’intimité, le travail de l’image et du décor. Noir et blanc, couleurs flamboyantes, sépia… Les clichés de Maxime Ruiz ne se contentent pas de montrer, ils disent. Prenez la photo qui illustre la pochette du dernier album de Francis Cabrel, Les beaux dégâts. Le chanteur y figure dans le coin d’une pièce, chez lui, devant une fenêtre. Le dos tourné à l’objectif, il regarde vers l’extérieur. Un instantané banal – "pas du tout mis en scène" dit l’auteur - qui évoque la simplicité légendaire de Francis Cabrel. Tout en le suggérant méditatif sur les "beaux dégâts"qui ont jalonné sa vie et sa carrière. Autre exemple : pour tirer le portrait de la harpiste Isabelle Moretti, Maxime Ruiz lui a glissé entre les mains (par le biais d’un truquage numérique) un immense papillon bleu. Façon poétique et colorée de symboliser l’instrument, et de casser ainsi l’image souvent austère des musiciens classiques.
L’appareil photo s’est greffé au poing de cet Argentin, né à Buenos Aires en 1950, un peu par hasard. Enfant, Maxime Ruiz pousse entre deux langues : un père argentin metteur en scène, une mère française en poste à l’ambassade de France. Adolescent, il fait ses classes au collège français et étudiant, il opte pour l’art (Beaux Arts puis Ecole Panaméricaine d’Art). Arrivent les années 70, les prémices de la junte militaire qui s’emparera du pouvoir en 1976. "C’était une période violente. La vie quotidienne était rythmée par les descentes des différentes polices secrètes, les délations, l’inflation... L’avenir me paraissait bloqué là-bas." En 1974, Maxime Ruiz s’envole pour la France faire des études de cinéma à l’Ecole Supérieure d’Etudes Cinématographiques (ESEC) de Paris. Sorti de là, il lâche un temps le cinéma et devient graphiste free-lance. Pour gagner de l’argent, il butine à droite à gauche, fait de la pub, de la communication. "Je travaillais avec des photographes et j’étais rarement satisfait de ce qu’ils m’apportaient, alors j’ai commencé à faire les clichés moi-même."
Un Thiéfaine bien rock
Voilà comment notre homme se met à la photo. Apprenant sur le tas, lisant des magazines spécialisés, échangeant avec d’autres pour se former. L’univers de la musique l’attire comme une évidence : "J’aime en écouter, je suis ouvert à tous les courants musicaux et quand j’admire un artiste et son travail, je suis inspiré, même s’il n’est pas un succès commercial !" En 1982, il signe la pochette de Soleil cherche futur d’Hubert-Félix Thiéfaine : "A partir de ce moment-là, les disquaires ont déplacé ses disques du bac folk vers le bac rock !". En 1989, Francis Cabrel le contacte pour illustrer Sarbacane. Depuis, Maxime Ruiz façonne tous ses albums sous forme de jolis livrets, signant photo et direction artistique. "Il paraît que cela a changé son image de chanteur fleur bleue pour filles… " A la même période, il renoue avec l’audiovisuel, devenant directeur photo et réalisateur de "films musicaux" (notamment Jamais nous d’Elsa) : c’est le début des clips, popularisés par de la chaîne de télévision M6 (qui naît en 1987). "Rien n’était formaté comme aujourd’hui, le clip était une école de la liberté !" Une liberté chère à cet autodidacte exigent, qui refuse de travailler pour n’importe qui. "J’ai besoin de partager une forme d’affection avec ceux à qui mon travail est destiné" : Dominique Dalcan, la chanteuse Skye, Didier Lockwood, Peter Kröner, Claude Nougaro (pour qui il réalise un 52’ en 1998 et la pochette d’Embarquement immédiat en 2000). Plus récemment, il signe la photo de Sanseverino sur Les Sénégalaises. Laquelle fût prise chez Maxime Ruiz, dans le studio photo installé dans son salon : "On a fait ça sans fard, après un bon repas au cours duquel on a fait connaissance !"
Dégoûté par les artistes "angoissés de l’image qui te font passer 15 jours à éliminer une ride". Contrarié que les photos de promo et d’album se fassent au pire moment, "quand l’artiste est fatigué après l’enregistrement et stressé par la sortie". Sidéré par "la sauvagerie de l’industrie du disque" Maxime Ruiz est ultra-critique. Convaincu qu’une belle pochette d’album a encore le pouvoir de convaincre programmateurs radio et public, il n’en pense pas moins que ces "mini-cartes d’identité visuelles" sont vouées à "une dématérialisation massive due à Internet". Nostalgique ? "Un peu… J’utilise d’ailleurs encore de l’argentique, pour le plaisir d’éprouver cette petite peur en attendant de voir le résultat."