Escapades maghrébines à l’Institut du Monde Arabe
Traditionnellement, l’Institut du Monde Arabe (IMA) propose, pour la fête de la musique, une plongée au cœur de la musique arabe. Le public, constitué majoritairement de jeunes maghrébins, découvre une nouvelle génération d’artistes, issus du Maroc, d’Algérie ou de Tunisie.
Nouvelle génération
Traditionnellement, l’Institut du Monde Arabe (IMA) propose, pour la fête de la musique, une plongée au cœur de la musique arabe. Le public, constitué majoritairement de jeunes maghrébins, découvre une nouvelle génération d’artistes, issus du Maroc, d’Algérie ou de Tunisie.
Sur le parvis de l’Institut du Monde Arabe, le célèbre triptyque "merguez-frites-bière" traditionnel à la fête de la musique, cède la place aux saveurs orientales : loukoums, thé à la menthe et autres cornes de gazelle. Chaque année, l’IMA propose une escapade musicale au cœur de la culture arabe, mais hors des sentiers balisés. Le programme fait ainsi la part belle aux nouvelles générations, aux aventures innovantes et aux sons inouïs. Au menu de cette édition 2007 : quatre itinéraires originaux à travers le Maroc (Binobin), la Tunisie (Nabil Solaani), la Kabylie (Taouès) et l’Algérie (Najim).
A dix-neuf heures, la place s’emplit doucement, surplombée par une voûte bleue-grise, aux allures capricieuses. Pleuvra ? Pleuvra pas ? Le ciel décide de se montrer clément. Constitué dans sa grande majorité de jeunes Maghrébins, le public attend patiemment, assis par terre dans une atmosphère familiale et détendue. Dans l’air, quelques chansons de Bob Marley. Tous, venus grâce au bouche à oreille, affirment leur désir d’entendre les sons de leur pays, de danser sur ses rythmes, de se retrouver, au fil d’une musique qu’ils n’écoutent pas toujours au quotidien. Les mirettes tendues s’apprêtent à ne pas perdre une miette d’un concert, dont ils ne connaissent pas les protagonistes. Même la balance fait l’objet d’applaudissements épars !
Vingt heures: le maître d’œuvre de la cérémonie, Rabah Mezouane, programmateur musical à l’IMA, présente la soirée à venir. En véritable "entertainer", il chauffe la salle improvisée, suscite les applaudissements et souhaite à tous une "bonne fête de la musique", tandis que retentissent les premières notes du saxophone, cadencées par une derbouka encore invisible. Les voilà !
Les deux frères Adlane et Badr du groupe Binobin pénètrent sur scène, l’un armé de karkabous, l’autre de sa guitare et de son guembri. A leurs côtés : une blonde choriste pétulante, un percussionniste, un saxophoniste, un bassiste, et un accordéoniste. Binobin signifie "entre deux". Cet entre deux cultures parmi lesquels les deux frères refusent de choisir : la marocaine, et la parisienne. "Nous avons toujours refusé d’opter pour l’une ou l’autre", note Badr. "Cet entre-deux constitue une culture à part entière. Nous sommes citoyens du monde, et tâchons de trouver les outils les plus appropriés à notre expression identitaire. Notre musique tente d’être au plus proche de nos idées.".
Leur art, cocktail explosif entre rock, pop, envolées jazzy et musique gnawa, relie ce pont tissé entre Paris et Marrakech. Ils prodiguent ainsi des "merci-choukran" à la fin de chaque chanson, inventent leur "casbah sur Seine", et maîtrisent à la perfection le "frarabe" à mi-chemin entre la langue de Molière et celle de Sidi Kaddour El Alami. "Etre né quelque part" : les deux frères font mentir Maxime le Forestier. Entre deux places auxquelles ils appartiennent, leur cœur balance. Le public se reconnaît dans cette hésitation. Malgré cela, leur détonnant Gnawa Groove et leur énergique Marock’n pop peine à soulever une foule encore un peu timide, qui frappe des mains mais peine à se trémousser. "L’IMA représente un lieu de métissage, et nous sommes fiers d’avoir pu jouer dans cet endroit symbolique", s’enthousiasme Badr à sa sortie de scène, tandis que s’approchent de nouveaux fans, conquis.
Succède à Binobin le Tunisien Nabil Solaani, un véritable showman à lunettes, tout de noir brillant vêtu, mu par une bonne humeur et un sourire contagieux. A la musique de son pays, il ajoute d’élégantes touches orientales, et des envolées disco assurées par un orgue Hammond rugissant, le groove irrésistible d’une basse dans la place, et les solos endiablés d’une derbouka virtuose ! On nous avait promis un "déhanchement total" ; la publicité n’était pas mensongère ! Tout le public se trémousse, improvise des danses du ventre et des arabesques. Même les bébés dansent dans les poussettes ! Un sourire unanime parcourt l’assistance sur une place désormais noire de monde –environ 5000 personnes.
Le voyage se poursuit avec le chant kabyle de Taouès, charmeuse de foule. Et s’achève avec la prestation du tout jeune Najim. Du haut de ses vingt-deux ans, il s’affirme comme le nouveau prince franco-algérien du raï, collabore avec le poète Salah Rahoui, et a déjà chanté avec des stars telles Cheikha Rimitti. Son déhanché sensuel, sa voix haut perchée et son modernisme font de lui la relève du raï.
Mille et une nuit enveloppent donc celle du vingt-et-un juin parisien, décidément douce.