REGGIANI, TOUJOURS EN SCÈNE
Après qu’on l’a cru perdu pour la chanson, Reggiani est remonté sur scène au printemps dernier. Et, alors qu’il est une fois de plus dans l’actualité discographique et éditoriale, il annonce une tournée en février, avec passage à l’Olympia.
Le chanteur tourne encore
Après qu’on l’a cru perdu pour la chanson, Reggiani est remonté sur scène au printemps dernier. Et, alors qu’il est une fois de plus dans l’actualité discographique et éditoriale, il annonce une tournée en février, avec passage à l’Olympia.
Cela fait des lustres que l’on va voir Serge Reggiani sur scène avec en tête l’idée un peu morbide que ce pourrait bien être pour la dernière fois. Ses annulations, ses ennuis de santé, les épreuves par lesquelles il est passé - et dont il n’a jamais fait secret -, les manifestes atteintes de l’âge, nombre d’éléments ont souvent donné l’impression qu’il faisait plus ou moins explicitement ses adieux à la scène. Lui-même semblait ironiser sur cette dernière fois qui n’arrive jamais en titrant son album paru en 1999 Les Adieux différés, du nom d’une chanson d’amour écrite par Claude Lemesle sur une musique de Raymond Bernard - «Ma promise, ma première/Mon infinie âme sœur/Les adieux que l’on diffère/Sont toujours les meilleurs».
Pour tout dire, on a souvent cru Serge Reggiani perdu: en 1980, son fils Stéphan, également chanteur, se suicide. L’homme au caractère volontiers ombrageux, l’artiste taraudé de doutes va dès lors traverser de très rudes années. L’alcool, la dépression, le corps qui faiblit lui font vivre mille épreuves nouvelles: sont cœur l’oblige à annuler une rentrée parisienne au dernier moment, ses récitals sont parfois difficultueux... Le métier le croit perdu pour la chanson lorsqu'en 1995, son récital à l'Olympia le montre barbu et bravant la camarde avec des ricanements de jeune homme. On attendait des adieux, et c'est un nouveau souffle, qu’il inaugure en mimant le vieillard en entrant sur scène, pour mieux ricaner de ce que croit le Tout-Paris.
Et si chacun l’imagine prêt à faire ses adieux, il est le dernier à y songer. En 1999, pourtant, peu après qu’il a sorti l’album Les Adieux différés, son état de santé le contraint à annuler une série de concerts prévus. En 2000, paraît un album que l’on se plaît à supposer testamentaire, Enfants soyez meilleurs que nous (Tréma). Et lorsque, en décembre 2002, sort l’album d’hommage Autour de Serge Reggiani (Tréma), c’est presque toujours à l’imparfait que l’on parle de sa carrière. Ses chansons sont interprétées par une pléiade de chanteurs respectueux, toutes générations confondues, avec des rapprochements évidents comme des contre-emplois audacieux: Ma solitude par Marc Lavoine, Ma liberté par Enrico Macias, Le Déserteur par Michel Piccoli, L’Italien par Bénabar, Les loups sont entrés dans Paris par Juliette, Et puis par Patrick Bruel, Il suffirait de presque rien par Sanseverino, Sarah par Arno, Votre fille a vingt ans par Maxime Le Forestier...
Contre toute attente, en mars 2003, Serge Reggiani chante deux soirs au Palais des Congrès à Paris. Les professionnels sont dubitatifs et le public acclame Serge Reggiani qui donne l’essentiel de son répertoire assis. Il le dit désormais ouvertement: il ne sera jamais à la retraite. Si depuis plus de vingt ans il s’est détourné du cinéma, il entend rester fidèle à la chanson tout en affirmant sa plus récente passion, la peinture. D’ailleurs, il illustre lui-même les livrets de sa nouvelle «intégrale», publiée à la rentrée dernière (chez Universal). Plus récemment, Universal a publié une autre «intégrale» en plus de 250 chansons et treize CD illustrés.
Et il est toujours présent au rayons nouveautés: cet automne est paru également Succès et confidences, double-CD présentant une compilation des grandes chansons interprétées par Reggiani et une série de lettres inédites, derniers enregistrements du chanteur qui s’adresse à sa mère, à Paris, à Simone Signoret, à Romy Schneider, à sa compagne Noëlle Adam-Chaplin, à Boris Vian, à Edith Piaf, à l’alcool, au public - des textes poignants, qui invitent à passer de l’autre côté du disque, dans l’intimité d’un artiste et d’un homme malmené par le destin et qui trouve, à plus de quatre-vingt ans, l’énergie d’encore se donner des défis.
Il se raconte même encore une fois, au micro de Rémi Bouet, qui signe avec lui le beau livre Un enfant de mon âge (chez Marque-Pages). C’est tout Reggiani qui est raconté dans cet ouvrage abondamment illustré: l’enfant d’immigrés italiens, l’apprenti coiffeur, le comédien de théâtre, l’acteur de cinéma, le chanteur, le peintre. Tout à la fois biographie, longue interview, album de souvenirs iconographiques, réflexion critique sur sa peinture, Un enfant de mon âge parvient à rendre compte d’une vie foisonnante, exigeante, plurielle, qui semble avoir croisé tous les grands noms de la scène et de l’écran en France, de Sartre à Barbara, de Gabin à Montand...
Que l’on n’imagine pas Serge Reggiani satisfait de ces hommages et de ces nouveautés: à partir du 1er févier, il est de nouveau sur la route, avec notamment un récital à l’Olympia le 23. Et rien n’annonce que ce sera le dernier...