Daniel Yvinec, l’assoiffé de jazz
L’édition 2009 du festival Banlieues Bleues ouvre ses portes ce vendredi 6 mars à Saint-Denis, près de Paris. Le musicien Daniel Yvinek y présentera Broadway in Satin, une relecture de l’œuvre de Billie Holiday. Une de ses premières créations en tant que directeur artistique de l’Orchestre National de Jazz. Malgré un agenda dément, l’homme prend le temps de s’expliquer. Portrait d’un dingue de musique, propriétaire d’une collection de 30 000 disques.
Un éclectique à la tête de l’ONJ
L’édition 2009 du festival Banlieues Bleues ouvre ses portes ce vendredi 6 mars à Saint-Denis, près de Paris. Le musicien Daniel Yvinek y présentera Broadway in Satin, une relecture de l’œuvre de Billie Holiday. Une de ses premières créations en tant que directeur artistique de l’Orchestre National de Jazz. Malgré un agenda dément, l’homme prend le temps de s’expliquer. Portrait d’un dingue de musique, propriétaire d’une collection de 30 000 disques.
Ses sélections musicales tiennent du kaléidoscope. Chaque mois, Daniel Yvinek publie, sur son site internet, une sélection de ses plaisirs musicaux. Il n’hésite jamais à proposer les collisions les plus improbables, telle celle réunissant Prokofiev, le rappeur Talib Kweli et les rockeurs de System of a down. Le contrebassiste n’est pas un iconoclaste dans ce milieu du jazz qui se targue tant d’en regorger. Plutôt un amoureux, très large d’esprit.
Yvinek débute la musique classiquement, au conservatoire, avec dix ans de hautbois. A quatorze ans, il découvre Meditations de John Coltrane : "J’avais acheté ce disque un peu au pif parce que j’avais entendu dire que c’était génial, confie-t-il. A l’époque, j’étais friand de pop un peu bizarre. Via ce genre de musique, j’en suis venu à des gens qui faisaient des trucs liés au jazz et qui parlaient régulièrement de Coltrane. J’ai acheté ce vinyle d’occasion. C’était assez free. Je me souviens d’avoir été complètement décontenancé. J’ai réécouté cinq fois la même face. Je ne comprenais rien mais il y avait un truc là dedans !" L’adolescent troque peu de temps après son hautbois pour une guitare, puis pour une basse. Il rôde son jeu en France, passe par la prestigieuse Manhattan School of Music de New York puis parcourt le monde entier aux côtés d’artistes aussi variés que Salif Keita, Cheb Mami, Maceo Parker ou… Francis Cabrel !
En parallèle, Daniel Yvinek multiplie les expériences de studio. Là encore version bigarrée, avec Peter Gabriel ou Hector Zazou. Une véritable quête pour le musicien : "J’aime bien réfléchir à la musique en terme de casting, me dire : "Avec lui, il va se passer un truc, c’est sûr". En général, j’ai une assez bonne intuition pour ça". Une bonne mémoire également : après sept ans de silence total, il rappelle le pianiste Guillaume de Chassy, rencontré lors d’un concert sur une péniche. Ils publient ces jours-ci Songs From the Last Century, dernier volet d’un triptyque consacré aux mélodies du XXe siècle. Cette fois-ci, le duo - accompagné des prestigieux Paul Motian et Mark Murphy - revisite, en apesanteur, le répertoire de Paul Simon, Prince ou Vernon Duke.
C’est certainement cette soif d’aventures musicales qui a séduit l’Orchestre National de Jazz. L’institution a nommé Daniel Yvinec directeur artistique pour les trois années à venir. Depuis, le contrebassiste enchaîne auditions, répétitions, enregistrements, mixages. Et continue à tout mener de front. Daniel Yvinec annonce la sortie prochaine d’un album pop, sur lequel l’instrumentiste se lance dans un exercice inédit : chanter. "C’est un peu l’étape ultime. Au final, c’est ce qu’on vit à travers un instrument, on cherche à s’épanouir en tant que chanteur."
Trois questions à…
Daniel Yvinec, nouveau directeur de l’Orchestre National de Jazz
"Le jazz fout la trouille à tout le monde !"
Institution publique, l’Orchestre National de Jazz (ONJ) désigne tous les trois ans son directeur artistique. En octobre 2008, Daniel Yvinec a été élu parmi plus d’une vingtaine de prétendants.
Etre désigné directeur artistique de l’ONJ a-t-il été pour vous une surprise ?
Oui. Quand j’ai postulé, j’avais précisé que je voulais faire ce que j’aime sans aucune concession artistique. Tout à fait déterminé à ne pas avoir ce poste. Ce n’est pas arrogant, j’étais déjà parfaitement épanoui dans ma vie de musicien. J’ai donc été pris pour de bonnes raisons.
Quelle va être votre ligne directrice ?
J’ai envie de mener des projets complètement nouveaux avec des musiciens complètement nouveaux pour moi ! J’ai passé un mois et demi à auditionner de très jeunes interprètes poly-instrumentistes repérés à droite et à gauche. Voir qui pouvait jouer avec qui, en prenant en compte qu’ils n’étaient pas forcément issus des mêmes familles musicales. Décloisonner ces mondes parfois trop compartimentés, c’est une autre de mes envies.
Le jazz peut-il devenir grand public ?
Le jazz fout la trouille à tout le monde ! Je conçois parfaitement que les gens n’y comprennent rien, que ça les ennuie. Si l’on écoute l’histoire et la culture du public, on peut lui faire découvrir des tas de choses, pas forcément dans les clous de ce qu’il écoute habituellement. Je n’ai pas envie que les gens se posent des questions métaphysiques, mais qu’ils réveillent une part d’enfance chez eux. Quand j’écoute de la musique, je suis toujours dans la position d’un enfant qui découvre. Sans préjugé. Les commentaires les plus intéressants que j’ai sur ma musique viennent souvent de spectateurs qui commencent par "Je n’y connais rien mais …"
Daniel Yvinec & Guillaume de Chassy Songs from the last century (Bee Jazz) 2009
Ses premières réalisations à la tête de l’ONJ :
L’album Around Robert Wyatt, qui sortira le 23 avril 2009 (Bee Jazz)
La mise en musique du film Carmen, de Cecil B. DeMille, le 26 juin 2009 à l’Opéra Comique de Paris.