Tournée générale de Leeroy
L'ancien membre du Saïan Supa Crew ne s’endort pas sur ses lauriers fraîchement coupés. Avec Open Bar, un premier opus solo évidemment généreux, Leeroy conjugue au présent les valeurs originelles du hip-hop.
Open Bar pour tout le monde
L'ancien membre du Saïan Supa Crew ne s’endort pas sur ses lauriers fraîchement coupés. Avec Open Bar, un premier opus solo évidemment généreux, Leeroy conjugue au présent les valeurs originelles du hip-hop.
“Ton disque, c’est ovni.” Cette phrase, Leeroy l’a entendue à plusieurs reprises dans les murs de Virgin, la major en charge de la sortie de son premier album solo. Forcément fier du commentaire, il se doute bien des limites du compliment tout en espérant détonner dans le paysage hip-hop avec cette première livraison. “Tu peux dire que c’est un ovni, que cet album à plein d’entrées (comprendre qu’il est pluri-générationnel, ndlr), ça reste du rap”, clame le trentenaire au look de tombeur décomplexé et nonchalant. “Je voulais proposer quelque chose de neuf, ne pas me répéter tout en restant hip-hop.”Leeroy n’a pas oublié le credo de cette musique née au pied des tours new-yorkaises. “Le hip-hop brasse les cultures, autorise tous les croisements. Je ne pense pas qu’à la musique, mais à toutes les disciplines du mouvement. Dans la danse, tu peux mixer influences contemporaines, déplacements de capoeira, mouvements de karaté piqués dans un film et faire ton truc. Dans le graff, tu peux superposer calligraphie, technique d’aplats de la bande dessinée et contre-plongée photographique. Pourquoi pas en musique ?”
Faut que ça sonne
Cette liberté, cette ouverture d’esprit et cette bonne humeur évidente commençaient à lui manquer au sein du Saïan, groupe révélé en 2000 avec le tube Angela. “Ça a été pour l’instant l’aventure la plus forte de ma vie. C’est là que j'ai fait l’apprentissage de mon métier. En janvier, j’ai préféré en tourner la dernière page plutôt que de voir cette aventure mourir à petit feu. Il y avait un ras-le-bol généralisé, on ne s’entendait plus et nous n’avions plus la même vision stratégique”, explique-t-il. Depuis plusieurs années, il a su s’enfoncer sur le crâne plusieurs casquettes : celle de rappeur bien sûr, de producteur – sa première machine à boucles, Leeroy se l’est achetée en 2000 – mais aussi celle de patron de structure de production, de management (Toxic, Aktarus…). “Etre seul, c’est forcément plus de travail, mais c’est aussi la possibilité de construire ton propre univers. Là, dès que j’ai une idée, je peux me mettre au boulot. Je fais mes choix pour moi !”
Y’a des jours, premier titre aux allures de blues déstructuré presque bancal, dessine le portrait des jours “sans” du rappeur, son côté “down”, comme il dit. “Y’a des Jours marque la différence. Le style est assez indéfinissable. Ça tourne, c’est bien et tu ne peux pas dire pourquoi. C’est un hybride et j’aime ça”, commente-t-il. “Le hip-hop a redonné le goût de la liberté aux créateurs. Par principe, tout y est permis. La sanction est simple : ça le fait ou ça le fait pas. Je ne me suis rien interdit tant que ça sonnait”, confie celui qui participa au sein du Saïan à faire éclore un hip-hop débridé, jovial et conscient à la fois. “Hey Yo est un titre plus facile, presque trop simple”, précise le rappeur habitué à “se prendre la tête, parfois trop, sur les instrus”. “Il aurait très bien pu ouvrir l’album. Tout comme Open Bar d’ailleurs”, ajoute-t-il.
Composé pour l'essentiel soit par Leeroy, soit par Alsoprodby, un producteur qui avait travaillé sur le premier opus du Saïan, Open Bar harponne ses publics en jouant sur la diversité : hip-hop racoleur et enjoué à l’image des titres susnommés, mais aussi tentatives électro abouties (Petits travers, Elle), influences ethniques de bon aloi (Indigène ou Je viens de là où l’on m’aime enregistré avec Idir), beat reggae (Je n’ai jamais choisi, featuring Féfé), grosses guitares (sa version d’Antisocial de Trust) et juste ce qu’il faut de chœurs R&B (Home Sweet Home) pour ne pas écœurer.
L’art du clin d’œil
Ses textes très imagés donnent à voir avant même d’inviter à réfléchir. “J’aime écrire dans les cafés. C’est une mine d'idées pour moi. Tout n’est pas bon à prendre, mais c’est là que l’étincelle peut jaillir, d’un bout de phrase entendu, d’une réflexion lâchée à l’emporte pièces.” Mais tout ne vient pas de là non plus. “L’idée de Comin' Out (titre où le rappeur révèle à la face du monde son hétérosexualité, ndlr) est née en entendant un sketch de Bigard et elle a fait son chemin”, confie-t-il avec un sourire sur lequel se lit son sens de la dérision.
Si certains essaient de camoufler ou d’estomper leurs influences, Leeroy les revendique haut et fort. “Pour moi, c’est comme un clin d’œil, une sorte d’hommage.” Qu’il cite Philippe Katerine (“Et je coupe le son…”), qu’il se moque gentiment du côté midinette de la jeune demoiselle à la recherche d’un mec mortel ou qu’il reprenne Antisocial de Trust, Leeroy ne se prend pas réellement au sérieux. “Je ne peux plus seriner à longueurs de lyrics les refrains de mes débuts. Faire comme si je n’avais pas changé serait une escroquerie.”
Changement dans les textes, et changement dans sa vision de la scène également. Leeroy a pris d’assaut ses Bastille, combattu ses a priori, bousculé les conventions d’un genre aujourd’hui en âge d’être adulte. “Pour les dates Open Bar, je serai accompagné par Control Club, un vrai groupe où figurent deux ex-AS Dragon et par DJ Karve aux platines. Il y aura aussi pas mal de chœurs. Les chansons n’auront pas la même physionomie que sur le disque. C’est un bon challenge”, lâche-t-il en songeant à sa prochaine tournée… générale !
Leeroy Open Bar (Aktarus/Virgin EMI) 2007
En concert le 28 septembre à L’Affiche à Paris