Mouss & Hakim à la plage

Membres du groupe Zebda, les deux frères Mouss et Hakim sont venus présenter leur premier album sur les quais de Paris aménagés en plage pendant un mois. Au cours de cette opération estivale qui a attiré au total près de 3,8 millions de flâneurs, trente jeunes talents étaient invités à se produire sur scène dans ce cadre inhabituel.

Temps lourd, nuages gris, la météo et le calendrier s’accordent sans doute possible : la fin des vacances approche. En ce jour délicat, le dernier concert du festival Indétendances débute en douceur, porté par la voix chaude d’Elizabeth Kontomanou. Avec des standards tels Fever ou I’ve Got The Right To Sing The Blues, la chanteuse propose un jazz sans grande originalité mais habité d’une passion évidente. Le site, très largement bétonné, n’offre pourtant pas un cadre idéal à cette formation. Une partie du public trouve la parade, affalée dans l’herbe, profitant de la musique un verre à la main.

L’apéritif bat son plein lorsque qu’apparaît Nouvelle Vague. Moins indé que tendance, le concept des musiciens Marc Collin et Olivier Libaux a tout pour plaire : des tubes new wave des années 80 revisités à la sauce bossa nova. Trois charmantes chanteuses à la voix câline se relaient sur scène. Sans forcément connaître les titres originaux, le public ondule tranquillement sur ces accents brésiliens.

Le vent du Nord se fait malheureusement de plus en plus insistant. Les derniers petits hauts et jupes courtes désertent la place. L’esprit de la Jamaïque en profite alors pour investir les lieux. Livin’Soul, formation poitevine, se taille un beau succès avec un reggae classique mais réellement enthousiasmant. Chapeau de rude boy vissé au crâne, le chanteur reprend sans singer les gimmicks du genre. À chaque solo, le saxo chauffe davantage l’assistance. Après l’excellente version ska du Proud Mary d’Ike & Tina Turner, les semelles entament le bitume sans plus s’arrêter.

Un esprit d’ouverture

Ambiance bouillante, donc, lorsque arrive les têtes d’affiche : Mouss et Hakim, les deux frères membres de Zebda. Crânes rasés et t-shirt bleu, pas facile de les différencier, d’autant qu’ils bondissent et virevoltent sans cesse. Leurs trois premiers titres se révèlent imparable, un mélange haut en couleur élaboré avec la complicité de Rémi Sanchez, déjà claviste de la formation toulousaine. Pour Mouss, travailler avec lui s’imposait comme une évidence : “On était déjà un des noyaux dur de Zebda, le groupe des gamins ! D’entrée, on s’est retrouvé dans un état d’esprit rock. Pour nous, ça signifie la liberté. Tu arrives dans un endroit, tu te branches et tu joues. Tu n’as pas forcément besoin d’être très bon techniquement mais il faut que tu sois inspiré. On aime bien l’idée de tous pouvoir apprendre les uns des autres, cet esprit d’ouverture. Avec aussi une volonté de sonner live.”

 

À ce niveau, le contrat est rempli. Le son de l’album Ou le contraire claque aux oreilles. Avec sur chaque titre, une petite trouvaille, des percussions de ci, un banjo de là. Le trio a expérimenté plusieurs mois durant. Les multiples collaborations (Brigitte Fontaine, Tiken Jah Fakoly…) leur ont aussi permis d’explorer divers univers. Dernièrement, ils ont flashé sur le groupe La Phaze, adepte d’un mélange rock et drum’n’bass. De cette association est née une idée : un groupe hardcore kabyle…

Les jeunes des faubourgs

“Le seul repère musical que l’on se propose, c’est de savoir à quel moment on s’éclate”, précise Hakim. Le style des deux frères donne le tournis : ska, hip-hop, chanson. Une mixture plus facile à apprécier sur enregistrement que sur scène. D’autant que, dans la folie du concert, capter les paroles se révèle ardu. Plutôt dommage quand des auteurs comme Magyd Cherfi, Marc Estève ou Claude Nougaro ont trempé leur plume. C’est même ce dernier qui a véritablement lancé l’aventure. “Je l’ai rencontré il y a deux ans, à la fin d’un de ses spectacles, confie Mouss. Il nous appelait toujours les “jeunes des faubourgs”. Je lui ai expliqué que l’on préparait un album et il m’a dit qu’il avait justement écrit un texte en pensant à nous. Une fable inspirée des émeutes dans le quartier toulousain du Mirail en 1999. Il a pris un papier et l’a ré-écrit sur un coin de table. Quand tu arrives en studio le lendemain avec un texte de Nougaro, ça met une petite pression. C’est le morceau sur lequel on a le plus travaillé.” Malheureusement, le chanteur emblématique de Toulouse s’est éteint avant d’entendre Bottes de banlieue.

Si Mouss et Hakim ont du coeur à revendre, certains titres tournent un peu en rond sur scène. Et l’ombre de Zebda plane sans cesse. Hakim le reconnaît :“On a tout appris avec ce groupe, on ne va pas changer notre style, on assume.” Tant et si bien qu’un titre du groupe, Oualalaradime, clôture leur prestation. Dernier instant de folie sur Paris Plage. Le duo enchaîne maintenant avec une tournée de trois mois, l’occasion de continuer à peaufiner son style.

Mouss et Hakim Ou le contraire (Atmosphériques) 2005