LE RAP TAILLE XXL DE DRIVER

Découvert il y a 4 ans avec son premier album Le Grand Schelem, Driver ne donne pas dans le style mauvais garçon, pourtant cher à de nombreux rappeurs. Son créneau, c'est le rap qui fait rire, ce qui ne fait pas de lui un rigolo pour autant ! Sa nouvelle livraison, Swing Popotin en apporte la preuve. Rythmé, varié, grand public au sens noble du terme, il multiplie les influences passant avec bonheur du hip hop californien au r’n’b, et chose plus inattendue, au zouk et au makossa. Rencontre avec un authentique poids lourd du rap français !

Positive rappeur

Découvert il y a 4 ans avec son premier album Le Grand Schelem, Driver ne donne pas dans le style mauvais garçon, pourtant cher à de nombreux rappeurs. Son créneau, c'est le rap qui fait rire, ce qui ne fait pas de lui un rigolo pour autant ! Sa nouvelle livraison, Swing Popotin en apporte la preuve. Rythmé, varié, grand public au sens noble du terme, il multiplie les influences passant avec bonheur du hip hop californien au r’n’b, et chose plus inattendue, au zouk et au makossa. Rencontre avec un authentique poids lourd du rap français !

Quatre ans séparent vos deux albums…Vous n’êtes apparemment pas un bourreau de travail !
(rire) Il y a un peu de ça ! Je l’avoue, j’ai pris une année sabbatique. J’ai ensuite écrit une trentaine de titres pour n’en garder que la moitié sur cet album, ce qui a pris un certain temps. A cela s’ajoutent les histoires de business. J’ai connu le changement Polygram/Universal, ce qui ne m’a pas aidé… Beaucoup de têtes sont tombées, et j’ai résisté ! (rire)

Sur Swing popotin, le fan de rap californien s’offre un détour par l’Afrique avec Lions indomptables, titre sur lequel intervient Manu Dibango reprennant pour l’occasion Soul Makossa. C’est un clin d’œil à vos racines qui se situent plus du côté de Yaoundé que de Los Angeles ?
A la base, j’avais fait un morceau qui mélange zouk, influences caribéennes et rap et qui s’appelle An Nou Alé avec la chanteuse N’Jie. En l’écoutant, un de mes compositeurs Gary Gangster Beat, qui est lui-même antillais, m’a dit : " pourquoi ne pas faire également un titre pour la population africaine, pour ceux qui aiment le makossa, le kouassa-kouassa etc. Tu es camerounais, comme Manu Dibango : fait une chanson avec lui !". On a donc repris Soul Makossa en y intégrant des guitares qui sonnent très "Afrique de l’Ouest", et on a amené ce morceau à un autre niveau : nombre d’artistes Américains l’ont utilisé sans jamais intégrer ce côté africain. Ce qui a plu à Manu, c’est justement qu’on prenne cette direction. Il a même dit que c’était la meilleure version qu’il avait entendu de son morceau ! Justement parce qu’il y a ce côté africain en plus du côté soul, et que les Américains n’ont que le côté soul.

Vous voulez dire que vous êtes plus fort que Michael Jackson* !
(rire) Sur ce coup-là, j’ai été plus fort que lui ! J’ai eu les droits du morceau. Manu lui-même joue du sax et fait le refrain avec moi !

Dire que le rap est une musique noire-américaine est une lapalissade. En revanche, ses racines africaines sont souvent oubliées. C’est un point d’honneur pour vous de rappeler que le rap vient aussi d’Afrique ?
Je ne l’ai pas fait dans cette optique-là. C’est avant tout une question de feeling. Je me suis retrouvé à faire un morceau zouk parce que j’en avait envie ! C’est un peu le même principe avec Soul Makossa. Le retour aux racines… Ça va trop loin pour moi ! Le problème, c’est que certains se mettent des œillères : le zouk pour les Antillais, le makossa pour les Africains etc. Je me suis dit "Ok, on va tous vous parler, mais vous allez tous être réunis sur cet album ". Ce que je veux, ce n’est pas qu’on se dise que le rap vient de tel ou tel continent… Le rap c’est de la musique, et la musique, c’est pour tout le monde. C’est dans cet esprit-là que j’ai fait le truc !

De la même manière, vous dites faire du rap pour le plus grand nombre, et non pour les rappeurs…
Trop de rappeurs écrivent en fonction du qu'en dira-t-on. Dans les interviews, les rappeurs aiment bien descendre le collègue d’à côté et dire "faites comme moi, pas comme l’autre". Certains se font d’ailleurs influencer par ce genre de réflexions. Sauf que ce n’est pas le rappeur qui va acheter ton disque ! En ce qui me concerne, je fais d’abord ce qui me plaît en espérant que ça plaira au plus grand nombre.

Sur le livret qui accompagne l’album, vous vous montrez plutôt souriant. Un rappeur souriant, ce n’est pas banal !
Je trouve ridicule les gens qui serrent la mine sur les photos. Un jour on les croise et on se rend compte qu’ils ne sont pas méchants du tout ! En un sens, ça m’arrange de voir tous ces gens qui jouent les durs. Ça me permet de me démarquer directement ! Et puis, je n’aime pas jouer un rôle, surtout s’il est radicalement éloigné de ma personnalité. Mes disques sont en total accord avec moi-même. J’ai le sourire parce que je suis quelqu’un d’assez joyeux dans la vie. J’ai bien insisté pour que ça apparaisse sur les photos, pour marquer cette différence, et traduire l’ambiance de l’album qui n’est pas vraiment un album triste ! A une période, entre les deux albums, j’ai essayé de faire un peu ce que tout le monde faisait et d’écrire sur le quotidien des cités, mais je ne m’éclatais pas, et les chansons ont fini à la poubelle ! Je ne peux pas faire des albums tristes et dire que c’est la merde en bas de chez moi, même si dans un sens, c’est le cas… Il y a aussi beaucoup de bons côtés, personne n’en parle. Je me suis dit "Je vais être l’ambassadeur des bons côtés de la vie en banlieue !". Je suis donc vite revenu à ma première formule, à savoir l’humour.

Vous épinglez dans cet album les attitudes caricaturales de certains rappeurs (Histoire de racailles, L’air fier, On refait le monde)…Vous souhaitez montrer du doigt les dérives de certains de vos collègues ?
Beaucoup d’attitudes, pas spécialement chez le rappeur, mais plus généralement chez l’habitant de quartiers, de cités, sont carrément ridicules même si elles sont plus ou moins glorifiées. Je dis ça parce que ça m’est aussi arrivé, et que ça peut m’arriver encore, de faire des choses ridicules en croyant que c’est bien ! C’est vraiment propre à nous. Il faut juste s’en rendre compte le plus tôt possible. Je pense que je m’en suis rendu compte assez tôt, ce qui me permet de prendre un certain recul.

Le rap "bad boy" est également un fond de commerce…
Pour moi, c’est du cinéma ! Dans une interview, Larry Hagman, le J.R de la série TV Dallas raconte qu’il s’est un jour fait tiré dessus par un déséquilibré dont le motif était "JR est trop méchant ! Comment a-t-il pu faire autant de mal à Sue Ellen ?!". C’est un cas extrême, et je pense que la majorité des gens arrivent à faire la part des choses quand il s’agit de cinéma, mais dans le cas du rap, ils ne la font pas parce que la plupart des rappeurs prétendent que le rap parle de la réalité.

La caricature dont vous parlez tend néanmoins à devenir une norme. Pour le grand public, rap rime forcément avec mauvais garçons…
C’est parce qu’à un moment, les groupes véhiculant cette image ont eu une forte exposition médiatique. Personnellement, je ne pense pas qu’en chantant les malheurs du monde, les gens vont se sentir mieux. Je ne prétend pas solutionner les problèmes du monde avec mon rap, mais si pendant les quatre minutes d’un morceau, les gens oublient leurs soucis, j’ai gagné mon pari. C’est ce que je cherche. La plupart des rappeurs hardcore prétendent avoir un message à faire passer, mais quelle solution apportent-ils ? Rien du tout. Ils pensent essentiellement à eux, ils savent qu’il y a une demande pour ce genre de rap, et ils gagnent de l’argent !

Vous vous placez de vous-même dans l’underground, en faisant de l’anti-hardcore ?
Malheureusement. Mais je suis persuadé que le public sait au bout du compte reconnaître la sincérité. Sur une vingtaine d’artistes hardcore, il y en a peut-être trois de sincères. Quand un groupe qui parle de misère dans un premier album qui fait double disque d’or, reprend ce même discours misérabiliste pour son deuxième album, on peut se demander si ses membres ont gagné de l’argent avec leurs chansons ! (rire) A un moment, le public va sentir la supercherie ! Je reste persuadé d’être dans la bonne voie : le jour où la roue va tourner pour moi, je ne ferai pas un petit score ! (rire) Je ne m’inquiète pas, et je garde ma ligne de conduite !

Driver Swing popotin (Polydor) 2002

*Michael Jackson avait " utilisé " des éléments de Soul Makossa sur un titre de l’album Thriller, sans en aviser son auteur.