I Muvrini plein sud
Formation corse dont la réputation a fait le tour des cinq continents, I Muvrini a enregistré Alma, son quinzième opus à Johannesburg en compagnie de chanteurs sud-africains. Jean-François Bernardini, le chef de la tribu des Mouflons et par ailleurs auteur de Carnet pour Sarah son deuxième livre qui vient de sortir, revient sur cette étonnante rencontre.
Quand voyage rime avec métissage
Formation corse dont la réputation a fait le tour des cinq continents, I Muvrini a enregistré Alma, son quinzième opus à Johannesburg en compagnie de chanteurs sud-africains. Jean-François Bernardini, le chef de la tribu des Mouflons et par ailleurs auteur de Carnet pour Sarah son deuxième livre qui vient de sortir, revient sur cette étonnante rencontre.
"Alma est né d’une intuition" se souvient Jean-François Bernardini, le leader d’I Muvrini. "D’une intuition et d’un peu d’amour" ajoute-t-il. Le cadre est tracé pour ce quinzième album. Fidèle aux paysages que le groupe corse sublime depuis plus de deux décennies, Alma (âme en corse) est un album généreux et ouvert sur le monde, un album au message universel. "Depuis toujours, nous défendons la même définition de l’identité. Une définition qui nous pousse à aller vers les autres. Notre confiance dans notre identité, dans notre vérité artistique, fait que nous ne risquons pas de nous perdre au contact de l’autre, mais plutôt de nous trouver, de nous retrouver ensemble" précise-t-il, avant de poser la question qui résume toute la démarche d’I Muvrini : "Est-ce qu’on a le droit d’être un artiste contemporain quand on vient d’une culture minoritaire ou minorée ?"
Une rencontre éblouissante
Sur Umani, leur précédent long format, I Muvrini avait convié Stéphan Eicher, MC Solaar et la chanteuse afghane Manila Fazel. Pour l’enregistrement d’Alma, les chanteurs et musiciens corses ont fait le voyage jusqu’en Afrique du Sud. "Un pays 80 fois plus grand que notre île" se plait à répéter Jean-François Bernardini. "L’Afrique du Sud est un pays qui donne du sens au monde d’aujourd’hui, un pays qui a fait un gros travail sur lui-même, un pays qui a toujours du blues dans sa voix. De plus, c’est un peuple qui a trouvé dans le chant le moyen de dire qu’il avait une âme." Une notion chère au coeur de ces natifs de l’île de Beauté qui considèrent que la création comme plus belle des traditions. "Nous avons travaillé avec sept chanteurs et chanteuses de talent, de vrais musiciens respectueux et accueillants. Ils ont eu les larmes aux yeux la première fois qu’ils ont écouté nos musiques, nos chants. De les voir ainsi, nous aussi avons été submergés par l’émotion" se souvient-il. "Ensuite le travail s’est déroulé le plus simplement du monde. C’est comme un peintre qui accueille une couleur inconnue sur son tableau. Nous avons travaillé les textes pour qu’ils nous accompagnent en zoulou".
Au final, treize titres et un remix co-produit avec le bassiste ivoirien César Anot. Des titres qui ne surprendront pas les fans de toujours d’I Muvrini. La rencontre y est si subtile qu’elle n’est pas forcément perceptible à la première écoute. Pourtant, elle irradie réellement cet opus, enrichit cette âme d’un instant de partage rare. En bonus, sur l’édition limitée commercialisée à la sortie, un reportage sur l’enregistrement permet mieux de percevoir la finesse de cette rencontre, quand de jeunes Sud-Africains dansent sur les musiques de cet album sans ne rien perdre de la richesse des pas de danse zoulous. Il est évident alors que l’intuition dont parlait Jean-François Bernardini a été heureuse et la rencontre qui s’en est suivie, éblouissante.Thank you, my boss
Cet été, une première série de concerts en Corse a permis d’accueillir deux des chanteurs invités sur le disque, avant un retour pour une tournée en France, Suisse et Belgique en novembre et décembre (Paris Bercy le 9/12). Encore ému par ce voyage par cette collaboration, Jean-François Bernadini perçoit les choses un peu différemment depuis : "On ne ressort pas indemne d’une telle aventure, d’un tel voyage. Quand un enfant à qui tu donnes une pièce, te réponds : "thank you, my boss". Tu te dis que les hommes ont dû faire quelque chose de grave, ici. Tu réalises alors que tu vis, ici du côté injuste du monde".
Et comme si un nouveau disque ne suffisait pas à étancher sa soif d'écrire, Jean-François Bernardini livre un Carnet pour Sarah, une deuxième publication, en fait. Ce n'est pas un roman, mais plutôt un recueil de textes concis qui réunis ensemble, peuvent constituer selon son auteur "un petit guide de la société corse contemporaine". Proche de la construction d’un disque où chaque chanson est une partie indépendante d’un tout cohérent, ce recueil où se mêlent réel et imaginaire est tendu par la même volonté de parler au plus grand nombre. "Carnet pour Sarah est plus narratif, moins poétiques peut-être que mon premier livre. Il est plus proche d’une certaine façon de la vie, du concret. Les histoires sont corses, mais les valeurs universelles" concède-t-il, fidèle à son credo.
I Muvrini Alma (Capitol/EMI) 2005
Jean-françois Bernardini. Carnet pour Sarah. (Editions Anne Carrière)