Congo, rythmes et rumba

C’était le réveillon de la musique congolaise. En effet, ce 23 septembre Papa Wemba jubilait en sortant de la scène de la grande salle de conférences de l’Unesco à Paris, où venait de s’achever une soirée hommage à cette musique qui a fait ambiancer toute l’Afrique. De nombreux artistes congolais étaient présents à ses côtés pour soutenir l'opération "Congo, un patrimoine en danger".

L’Unesco célèbre la musique congolaise

C’était le réveillon de la musique congolaise. En effet, ce 23 septembre Papa Wemba jubilait en sortant de la scène de la grande salle de conférences de l’Unesco à Paris, où venait de s’achever une soirée hommage à cette musique qui a fait ambiancer toute l’Afrique. De nombreux artistes congolais étaient présents à ses côtés pour soutenir l'opération "Congo, un patrimoine en danger".

Un concert à l’Unesco, c’est rare. De Passi à Wemba, en passant par Kekele, So Kalmery ou le cousin angolais Bonga, ils étaient une cinquantaine d’artistes à se succéder au concert de soutien à la République Démocratique du Congo (RDC). L’Unesco clôturait ainsi une quinzaine intitulée "Congo, un patrimoine en danger". Un Congo qui sort difficilement d’une guerre civile qui l’a ruiné. Les artistes congolais ont donné dans ce bunker en béton un florilège chaleureux de quarante ans de musique. L’occasion de faire un petit voyage jusqu’à Kinshasa confortablement assis dans les fauteuils de cette salle de réunion plénière de l’organisme international. Un spectacle bien huilé aux enchaînements impeccablement réglés par Bony Bikaye, que l’on avait vu jouer voici une vingtaine d’années avec Hector Zazou. Une soirée, donc, qui contredit l’image approximative attribuée généralement aux Congolais. Faut-il de telles occasions pour que tout fonctionne au millimètre?

Le temps était compté. A 23 heures, tout devait être bouclé. Imaginez la surprise des Congolais pour qui une soirée ne commence jamais avant 2 heures du matin. C’est pourquoi, on comptait plus de diplomates et de membres de cette noble institution que le public habituel des concerts tardifs du samedi soir dans les salles de la banlieue nord-parisienne.
Le rappeur Passi était ponctuel : à 20h30, il garait sa BMW devant la salle de conférences et était aussitôt alpagué par une bande de jeune fans venus lui demander aides et conseils. Décontracté, Passi. En blouson noir et tee-shirt blanc, il dénotait avec le groupe Kékélé (en photo), qui venait d’entamer son set en smoking et noeud papillon. Maracas rouge tranchant avec le noir du costume, pas de danses étudiés évoquant le Kinshasa de la belle époque, ces années 60 où tous les espoirs étaient permis et où la rumba congolaise régnait en maître sur les pistes de danse du continent. Et pour rajouter au côté rétro, une accordéoniste française était là pour apporter un côté musette à la bande des quatre papys, que l’on compare toujours au Buena Vista Social Club cubain.

Bonga, le cousin angolais, est né à Luanda d’une mère congolaise. "Je suis venu par solidarité. Il faut aider le Congo à redémarrer dans le droit chemin, même si les politiques font un peu n’importe quoi". Bonga et sa dikanza fascinent toujours. Il est arrivé le matin même de Luanda. Fatigué, il enchaîne deux titres en hommage à ses frères congolais, avant de repartir aussitôt. "Quand on parle de l’Angola, c’est le troisième Congo, après la RDC et le Congo-Brazza".

Puis, c’est donc au tour de Passi. Ou plutôt ses platines. Le pape du hip-hop est là pour le Congo, pour l’Afrique. "J’ai été baigné durant toute mon enfance par ces rythmes congolais qui m’ont beaucoup servi, que ce soit avec Bisso Na Bisso ou maintenant pour mes albums solo. D’ailleurs, dans le dernier, j’ai repris Ancien combattant de Zao". Un titre qu’il interprète d’ailleurs avec son vieux complice du Ministère Amer, son copain de lycée Stomy Bugsy. "La guerre, ce n’est pas bon, jetez vos armes..." Par ces mots, les deux amis font lever la salle, et Stomy jette une bouteille d’eau sur le public de diplomates installés aux premiers rangs. Ambiance électrique dans une salle d’ordinaire plutôt calme.

C’est à une rétrospective de la musique congolaise que l’on assistera ensuite. De Wendo Kolosoy à Franco, tous les grands anciens sont chantés par Bozi Boziana, Yondo Sister, Abby Suria, Academia ou Papa Wemba (en photo). Le groupe Makutano est conduit par Beniko, dit "Zéro faute". Parmi la dizaine de musiciens du groupe, un se distingue particulièrement. Il s’agit Koshi Niwa, un bassiste japonais d’une quarantaine d’années. Il a découvert la rumba il y a une vingtaine d’années à Tokyo et est venu s’installer à Paris il y a trois ans pour jouer avec les artistes congolais. Il a d’ailleurs enregistré avec Empire Bakuba et Aurlus Mabelé, et parle couramment le lingala, la langue principale congolaise.

Wemba est venu soutenir son pays: "Notre pays n’est pas KO. Les gens mangent, vont au travail. Il est KO politiquement. Je n’ai jamais vu dans aucun pays quatre vice-présidents. Ils sont là juste pour l’argent et le pouvoir. Tout est téléguidé de l’extérieur. Ce n’est pas propre à nous Congolais. Culturellement, tout redémarrera après les prochaines élections présidentielles et d’une manière qui vous surprendra." Casquette vissée sur la tête, l’élégant Wemba n’a pas oublié ses habitudes de sapeur avec l’étiquette bien apparente pendant à un fil.

Pour lui, c’était la première fois qu’un tel hommage à la musique congolaise était rendu. Mais on n’était pas à Matongue, le quartier chaud de Kinshasa. A l’Unesco, à 23 heures pile, il fallait impérativement terminer le spectacle. Dommage pour l’ambiance. Ils auraient tous pu faire la fête jusqu’au petit matin.