Le grand départ pour Davy Sicard

Une journée avec le chantre moderne du maloya

Repéré lors des Découvertes 2005 du Printemps de Bourges, le Réunionnais Davy Sicard a depuis sorti son très beau deuxième album Ker Marron. Il se produit cette année aux Francos dans la catégorie Etoile Montante. Nous l’avons suivi avant son concert du dimanche 16 août. Rencontre avec un artiste à part.


10h40 : Davy nous attend dans le minibus avec toute sa petite famille. C’est la première fois que Sandra, sa campagne, et leurs deux enfants le suivent sur une partie de la tournée. Direction le Lycée d’enseignement maritime et aquacole de La Rochelle.

10h40 : Davy nous attend dans le minibus avec toute sa petite famille. C’est la première fois que Sandra, sa campagne, et leurs deux enfants le suivent sur une partie de la tournée. Direction le Lycée d’enseignement maritime et aquacole de La Rochelle.L’invitation des CEMEA, Davy Sicard va présenter ses compositions aux lauréats des Rencontres Internationales, 45 jeunes de 16 pays différents (Chine, Turquie, Bosnie, Soudan, …).

11h30 : "Le matin c’est dur !" Davy s’éclaircie la voix et entame un chant traditionnel. La rencontre jusque-là un peu timorée, s’anime. Les jeunes veulent tout savoir : "C’est quoi ton instrument ? Le cayamb, des tiges de cannes à sucre, tenu par des lanières en peau de chèvre. A l’intérieur, on met des graines pour imiter le bruit de la mer."  Le chanteur évoque aussi le maloya, musique traditionnelle interdite à <?xml:namespace prefix="st1" />la Réunion jusqu’en 1981. Il présente le rouler, gros tambour typique du style, nommé ainsi "car la main roule sur la peau, ça évoque les battements du cœur. " Seul à la guitare, il interprète un Au Nom de mes pères captivant, on entendrait presque le ressac. Il se lance ensuite dans une improvisation avec l’autre groupe invité, les provençaux de Fatche d’eux. La démarche est la même : se réapproprier la culture populaire. L’entente est directe, les artistes doivent se revoir dans le courant du mois de juillet sur un festival.

12h30 : Passage à la cantine, au menu : bouchée à la reine, lapin et blocs de riz. Tout le monde pique dans son assiette, plus par politesse que par envie. Sandra est très contente d’être en France. "Je comprends maintenant un peu mieux ce que me dit Davy quand il rentre chez nous, les tournées, les gens qu’il rencontre. Même pour les enfants, c’est mieux. Ce n’est jamais évident de le voir partir plusieurs semaines."

13h20 : On retourne à l’hôtel. Chacun prend une douche et un peu de repos, histoire d’affronter la suite de cette journée caniculaire.

15h : Arrivée dans les loges de la scène de l’Horloge. Davy enchaîne les interviews. Patiemment, il prend le temps à chaque fois de réexpliquer sa démarche et l’histoire du maloya.

15h55 : Alain, le manager appelle les musiciens. Ils ont bien profité de l’ambiance des Francos hier soir, jusqu’à très très tard. Promis, ils seront là pour la balance.

16h30 : Effectivement, Massimo, Vincent et David arrivent. Ils montent sur scène, Davy les rejoints. "On met toujours du temps à trouver les réglages, constate Massimo, le bassiste. Notre formation est assez inhabituelle puisque nous jouons aussi bien sur des instruments traditionnels qu’avec des guitares. Les sonorisateurs ne sont pas habitués. En plus, on doit caler très précisément nos voix pour rendre les chœurs aussi beaux que sur l’album. Ce sont plein de petits détails." Pendant ce temps, Alain est parti repasser les costumes de scène. Il faut être polyvalent dans la musique !

17h15 : Un jeune punk passe devant la scène pendant la balance : " Il est terrible votre truc, bravo les gens !". Le gros bras de l’entrée des loges trouve que ça ressemble à Corneille "mais en mieux". Afin de peaufiner les réglages, le groupe joue Maloya Kabosé. Deux espagnoles de passages craquent directement, elles attendent la fin du morceau pour demander un autographe à Davy. Promis, ce soir, elles seront là.

18h : "Avec David, le guitariste, on est rarement d’accord mais là il n’y a pas photo, tu es vraiment une très belle femme." Avec son accent sarde, Massimo drague la chef de projet de la maison de disque de Davy. Il ne tient pas en place, voudrait bien partir en vadrouille avant le concert. Les autres préfèrent rester sur place. Finalement, il fait les cent pas : " C’est le moment le plus dur, juste avant le concert, tu dois attendre, gérer ton stress. Tu anticipes la première note que tu vas jouer. Si tu la rates, c’est tout le concert qui foire."
Davy, lui, préfère s’isoler. Reclus dans sa loge, il fait le vide. Il appelle ensuite toute son équipe. Tous forment une grande ronde, marmonnent comme une prière.

19h : "Komen Il Lé, c’est comme ça que l’on dit ‘comment ça va’ à la Réunion, les gens répondent ‘Léla’" La foule s’épaissit à mesure que le concert progresse. Même de façon approximative, tout le monde entonne avec entrain les refrains. Sur scène comme à la ville, Davy est impressionnant de calme et de sérénité. Sa voix vous bouleverse.

19h45 : Une Anglaise court acheter l’album pour avoir une signature, Davy s’apprête à affronter une demi heure de dédicace. Disponible, souriant. Un peu plus loin, deux spectateurs se disputent une affiche collée sur un mur. On en trouve quasiment plus sur le site des Francos. Pourtant elles étaient en nombre avant le concert… La prestation de Davy Sicard a semble-t-il convaincu.

20h30 : Davy se retrouve à nouveau seul dans sa loge. Dehors, tous les représentants de sa maison de disques ont le sourire. Lui reste modeste : "Ce n’est que de la musique" Dans peu de temps, il aura pourtant une décision importante à prendre : "Je suis agent recenseur à la mairie de Saint-Denis de la Réunion. J’ai le droit à 11 mois de disponibilité. Je vais devoir faire rapidement un choix : abandonner ou non ce travail, cette sécurité pour essayer de ne vivre que de la musique. Quoique je fasse, je le ferai dans l’intérêt de ma famille."

Ludovic Basque