Daft Punk
Discovery, la suite de l'épopée "daftpunkienne" a atterri cette semaine sur terre. Succédant au légendaire Homework, Guy-Manuel De Homen Christo et Thomas Bangalter nous replongent en plein cœur des années 80. Révolutionnaire pour les uns et complètement à côté de la plaque pour les autres, rarement un album français aura été autant commenté. Thomas Bangalter, le plus prolixe du duo parisien se livre et joue la carte de la sincérité. A vous de juger.
Le duo plus que jamais en orbite
Discovery, la suite de l'épopée "daftpunkienne" a atterri cette semaine sur terre. Succédant au légendaire Homework, Guy-Manuel De Homen Christo et Thomas Bangalter nous replongent en plein cœur des années 80. Révolutionnaire pour les uns et complètement à côté de la plaque pour les autres, rarement un album français aura été autant commenté. Thomas Bangalter, le plus prolixe du duo parisien se livre et joue la carte de la sincérité. A vous de juger.
Quand le premier extrait de l'album des Daft Punk, One More Time, a commencé à tourner sur les platines des DJ's, la surprise fut de taille : quid des beats imparables du duo, de cette house surpuissante et de ses gimmicks hyper malins ? Que venait faire chez nos Daft ce titre à la limite de l'Eurodance, et qui n'aurait pas dépareillé sur un album de Cher ou d'Eiffel 65 ? Certains malins nous ont même assuré que ce titre ne figurerait pas sur l'album, que c'était une blague, un clin d'œil. Finalement c'est ce titre, chanté par Romanthony qui ouvre l'album. Décalage assuré !
En se rendant chez Labels, leur maison de disques, je me souviens de notre première entrevue, lorsque les deux surdoués de l'électro se prêtaient à reculons aux interviews, à la limite de la paranoïa. Et puis, à force de les croiser dans les clubs, de discuter loin des micros, on reste malgré tout étonné de voir ces deux gamins, âgés de 21 et 22 ans à l'époque de la sortie de Homework, garder la tête froide. Sereins.
Guy-Manuel de Homem-Christo a laissé son alter ego répondre aux questions des journalistes radio qui défilent aujourd'hui, les uns après les autres. Une demi-heure en tête-à-tête, top chrono. Affublé d'un t-shirt marron pas tout jeune, Thomas Bangalter ne semble pas stressé alors que dans quarante-huit heures plus d'un million de Discovery seront mis en place dans tous les magasins de disques de la terre. Le premier album Homework, "le travail à la maison", contraste avec le Discovery, aux sens musical et littéral, explications : "On peut comprendre ce titre comme on veut. Bien sûr, il y la navette spatiale mais aussi "la découverte" en français. On pencherait plutôt pour l'ouverture d'esprit. On a découvert beaucoup de choses entre les deux disques, on a eu la chance de vendre beaucoup, de gagner de l'argent et de vivre des choses inhabituelles, du coup on a su de manière empirique ce qui nous rendait vraiment heureux et malheureux."
C'est justement l'une des nouveautés. Les Daft Punk, malgré leurs masques de robots, laissent entrevoir un côté plus humain que sur leur précédent travail, nostalgique même : " La house music s'est toujours penchée sur le passé, principalement le disco. Notre musique n'est donc pas plus nostalgique que les productions house. Il est vrai que nos influences sont puisées dans les années 70-80, mais l'album est très varié. Nous avons énormément d'influences. Si tu prends un groupe comme Oasis, ils n'en ont qu'une, elle est bien définie. Nous, on aime bien s'attarder sur du rock, de la musique électronique baroque, de la house, du funk et de l'électro."
"Pour nous la house doit être un état d'esprit plutôt qu'un style musical. Sinon le danger c'est de se retrouver avec la techno et la house qui seraient des genres rigides, et ça on n'en a pas du tout envie ! Ce qui nous intéresse, c'est de détruire ces catégories, de survoler ces influences sans se prendre au sérieux. Le principal est de cristalliser une émotion sur un morceaux, le reste ce n'est que de l'arrangement. "
C'est vrai qu'à force de parler gros sous et marketing à outrance, on oublierait presque que cet album regorge d'humour et de premier degré : " S'il y a beaucoup de références aux années 75-85, c'est que cette décennie représente nos premières années. On avait envie de retrouver cet état d'esprit proche de l'enfance où on ne juge pas la musique ni ne l'intellectualise. C'est ce caractère immédiat et spontané que nous avons voulu retrouver. Homework était un manifeste pour la musique électronique, pour qu'elle soit acceptée, ce qui est fait. Donc on ne voulait pas radoter. Notre manifeste aujourd'hui c'est de se prendre moins au sérieux, de s'amuser et surtout de continuer à casser les règles qui sont apparues il y a trois-quatre ans et qui nous obligent à un certain bon goût et un certain purisme. " Malgré le succès de Madonna, on peut se dire qu'une certaine musique électronique, et seulement une, a le droit de cité. Pour les autres courants de cette famille, le combat est loin d'être gagné. De toute manière, c'est du côté de la pop que lorgne le duo : " Je ne suis pas sûr que ce soit un album pop. Ce qui est certain, c'est qu'il est plus innovant de faire un morceau d'électronique en quatre minutes que de développer la même idée sur dix. Et puis quel intérêt pour nous puisque tout le monde le fait ?! Le premier morceau que nous avons composé c'est Too Long chanté là aussi par Romanthony, c'est notre vision de la house music, c'est lui qui conclue l'album. Quand nous l'avons enregistré, on s'est dit qu'on n'allait pas faire quatorze morceaux de cette veine. On a, je crois, acquis une certaine maîtrise du dancefloor, de la musique de club, donc, on ne voulait pas se répéter. " A l'écoute de cet OVNI, on imagine bien deux sales gosses piller leur discothèque d'enfance, en sortir les albums de Supertramp, 10cc, Rondo Veneziano ou Europe, vous savez The Final Countdown, et les sampler à tour de bras. Cette nostalgie fonctionne bien sur certains morceaux dont Crescendolls ou Digital Love. Sur d'autres, on frise le ridicule, notamment sur Superheroes, et ses ambiances Goldorak.
Même si Thomas Bangalter refuse de lire les nombreux articles qui leurs sont consacrés, il ne lui a pas échappé que les fans de la première heure reprochent à Daft Punk son sens du marketing, de la promotion et le manque de générosité envers la communauté house parisienne. Au point qu'un journaliste leur demande d'ouvrir un club à Paris pour promouvoir cette scène. Bref, on demande toujours plus aux Daft, on leur demande d'endosser des responsabilités qui ne sont pas forcément les leurs : "Nous, c'est clair on les refuse ces responsabilités ! Il y a un vrai problème en France, poursuit Thomas, un problème avec l'argent et le succès de la jeunesse. Quand on a tourné dans le monde en concert pour promouvoir Homework, on nous a reproché de prendre 50.000 francs par concert. Mais quand on leur rétorquait que nous perdions deux millions et demi de francs sur l'ensemble de la tournée nous devenions alors formidable. "
Les deux Parisiens, toujours en recherche d'innovation et jamais déconnectés des nouvelles réalités commerciales du disque, viennent de lancer le Daft Club, une réponse positive au développement de Napster et consorts. Une mini-révolution pour l'auteur d'Around The World, qui s'enflamme : " Moi, je suis fan de Napster. Mais aujourd'hui il n'y a plus de différence entre acheter un CD et le récupérer sur Napster. Quand les gens acquièrent un disque tu as l'impression qu'ils font la charité aux artistes et aux maisons de disques. Ce n'est pas normal. Si des gens veulent copier nos disques sur internet, aucun problème, qu'ils le fassent. Nous, avec le Daft Club, on propose un plus. Avec l'album tu as une carte personnelle qui te permet pendant deux ans d'obtenir des titres exclusifs sur le site ainsi que des remixes. L'idée c'est de casser le format CD. Avant, l'acte de création artistique s'arrêtait au bout des 71 minutes de musiques sur le CD. Avec nous, il se poursuivra sur le Net. Le seul problème avec Napster, c'est de croire que la musique puisse être gratuite ! Cent quarante francs, je suis d'accord c'est hors de prix pour un CD, mais ça ne vaut pas non plus zéro franc. "
Reste à savoir si c'est le rôle des musiciens d'apporter des réponses au piratage informatique. Thomas, lui, enfonce le clou : " Nous sommes très fiers de proposer ce service avec des multinationales et des entreprises réactionnaires comme les maisons de disques. Cela prouve qu'on n'a pas besoin d'être petit pour innover. Cela dit, c'est un projet qui coûte très cher ! "
Marketing, coût de distribution, prix du CD, promotion ciblée, bonus, on a l'impression à certains moments de discuter avec un chef d'entreprise qui régit et anticipe tout : "Les gens sont étonnants, nous nous sommes battus pour que One More Time sorte sans publicité, sans clips ni affichages et on nous dit, "le plan marketing est trop bien pensé". Alors au bout d'un moment, tu zappes. Après tout si chercher à faire avancer l'industrie du disque et produire des choses innovantes c'est du marketing, alors ok, nous sommes marketing ! "
Ce qui est sûr, c'est qu'une fois de plus les deux musiciens ne feront pas l'unanimité, musicalement et "businessement" parlant. Mais nous ferions bien, nous les Gaulois jamais contents, d'apprécier ce duo qui joue désormais dans la cour des grands, celle des Michael Jackson et Madonna. Depuis combien de temps, cela n'était pas arrivé à un artiste français ?… Dur à avaler pour les puristes de l'électro mais riche de promesses pour le grand public.
Willy Richert
Photo de homepage: Labels/Virgin Music
Discovery (Virgin/Labels)
Daft Punk en ligne mais le site n'est accessible qu'avec la carte du Daft Club vendue avec le CD.