Montevideo libère la basse

Jamais depuis les débuts de Deus, un groupe belge ne nous avait autant enthousiasmé. Les quatre Bruxellois de Montevideo relève bien haut l’étendard du rock foutraque et de l’électro jubilatoire avec un premier album taillé pour rassembler toutes les communautés.

1er album détonnant

Jamais depuis les débuts de Deus, un groupe belge ne nous avait autant enthousiasmé. Les quatre Bruxellois de Montevideo relève bien haut l’étendard du rock foutraque et de l’électro jubilatoire avec un premier album taillé pour rassembler toutes les communautés.

Il y a Jean, le chanteur beau gosse, son frère Pierre, imperturbable batteur aux t-shirts décalés, Julien, le marathonien de la basse à l’accent bruxellois prononcé et Manu, guitariste lunaire fan de rock progressif. Un quatuor aux influences musicales a priori antagonistes qui font la force et l’originalité de Montevideo.

Jean prend le premier la parole : "Quand on a commencé à travailler ensemble, on sentait fort que l’on venait tous d’univers différents. Mon frère et moi étions plutôt influencés par le funk et le jazz alors que les deux autres étaient plus proches du folk et du rock." Et Julien d’enchaîner : "Et même dans le rock, on n'aimait pas les mêmes choses. Je n’ai jamais fait attention avant aujourd’hui à la production, j’étais plus pour le plaisir direct alors que Manu lui aime beaucoup des groupes comme Pink Floyd. Je crois qu’on ne peut que s’améliorer car on communique de mieux en mieux. Nos frontières musicales vont s’étendre mais en gardant toujours une base rock."

Pour passer l’épreuve du premier album, Montevideo a eu la bonne idée de prendre l’option géométrie variable. Entre la pop dansante de Sunshine, les riffs tendus de Boys from Brazil et les cuivres étonnants d’I’m a trouble maker, chaque titre s’impose à la fois comme une surprise et un coup de grâce. Ne recherchez pas les hits policés et prévisibles des hérauts habituels de la Belpop, ici on fait dans le brut de décoiffage ! En partie grâce au jeu de basse survitaminé de Julien qui dès le premier titre, Groovy station, redonne ses lettres de noblesse à un instrument souvent délégué aux bons copains pas forcément habiles de leurs dix doigts.

L’électro, du rock avec de nouveaux moyens

A l’image du titre dantesque Drunk for the last time, le quatuor n’hésite pas à marier rock et effets électroniques. Un mélange aussi logique que fortuit selon Julien : "Dès le début nous sommes partis sur des rythmes hypnotiques dans la lignée des premiers albums de Sonic Youth. On fonctionnait beaucoup à l’impulsion. Le travail en studio nous a permis d’avoir du recul sur ce qu’on voulait vraiment. L’album sonne plus électro que ce qu’on avait avant. Mika, le bassiste de Ghinzu, est très doué pour les arrangements, il nous a fait profité de son expérience. Et puis l’électro aujourd’hui, c’est du rock avec de nouveaux moyens, c’est le même esprit, c’est une énergie. Quand tu entends de la musique bien roots dans les pubs irlandais, c’est aussi du rock !"

Qu'en est-il de la restitution de ce son très travaillé en concert ? Jean essaie de reprendre la parole : "Sur scène je ne me contente pas de chanter…" Julien intervient : "Oui, tu danses aussi… " Jean reprend, hilare : "Le clavier a un rôle assez important en se mélangeant avec la basse, c’est lui qui apporte cette touche très électro."

Ni Wallon, ni Flamand, Bruxellois !

Dans le top 3 des questions récurrentes posées à Montevideo, il y a d’abord le patronyme du groupe : choisi pour sa sonorité sans aucune liaison avec l’Uruguay. Puis, leurs accointances sonores avec Franz Ferdinand ou The Rapture : les influences sont certes similaires même si les Belges avaient déjà posé les bases de leur style alors que ces deux pointures ne jouaient encore que sur des scènes confidentielles.

Sur la dernière question, leurs liens avec Ghinzu, ils sont volontiers plus prolixes. Et ça ressemble à la chaîne du bonheur ! Lors d’un tremplin musical en 2005, Jean refile une cassette démo de Montevideo à Christophe, ingénieur du son attitré du groupe phare de Bruxelles. Emballé, ce dernier décide de sonoriser leurs concerts et en parle à Johnny Stargasm, leader de Ghinzu. Tout aussi vite convaincu (après une prestation que Jean considère comme la pire du groupe !), ce dernier signe le groupe sur Dragoon, le label autonome de Ghinzu. Un beau pied de nez à toutes les maisons de disques du plat pays qui, décontenancées par tant d’audace musicale, avaient préféré passer leur chemin.

Entre Wallons et Flamands, Montevideo choisit Bruxelles ! "Dans le paysage musical, il n’y a pas trop de frontière entre les groupes, explique Julien. Mais du point de vue intercommunautaire, il y a vraiment des choses à faire, chaque région subventionne sa culture. Mais pour nous, l’expression rock belge est obsolète, Montevideo est un groupe de grande ville cosmopolite comme Berlin, Milan ou Paris. On est plus proche de l’intelligentsia électro locale, de formations néerlandophones comme Deus ou Das Pop que de groupes typiquement wallons." Et de balancer en guise de conclusion bien sentie : "De toute façon la Belpop, c’est une étiquette mise sur trois groupes belges qui ont explosé en France au même moment. Rien de plus".

Montevideo Montevideo (Dragoon / PIAS) 2007