Le rap utile de Bideew Bou Bess

Ils avaient à peine 17 ans lorsque Youssou N’Dour, puis Passi, les ont promus. Après sept ans d’absence Bideew Bou Bess, un groupe formé de trois frères (Baïdy, Moctar et Ibrahim Fall), revient avec un nouvel album, Ndoumbélane, sorti le 2 août dernier au Sénégal. Ce nouvel opus mêle acoustique, rock et variété. Rencontre.

Retour du trio sénégalais

Ils avaient à peine 17 ans lorsque Youssou N’Dour, puis Passi, les ont promus. Après sept ans d’absence Bideew Bou Bess, un groupe formé de trois frères (Baïdy, Moctar et Ibrahim Fall), revient avec un nouvel album, Ndoumbélane, sorti le 2 août dernier au Sénégal. Ce nouvel opus mêle acoustique, rock et variété. Rencontre.

RFI Musique : Depuis le succès de l’album Original, enregistré avec Passi en 2003, vous ne vous êtes plus produit. Pourquoi un si long silence ?
Baïdy : En 1999, lorsque nous avons sorti notre premier album, Ndékété Yo !, avec l’appui de Jololi, le label de Youssou N’Dour, les choses sont allées très vite. Nous avons enchaîné les tournées à travers le monde. Nous nous sommes produits à Bercy et à l’Olympia. C’était une expérience importante pour un jeune groupe venant de la banlieue dakaroise. Nous étions très jeunes. Nous maîtrisions un peu le show, mais pas du tout le business. En 2003, nous sortions notre premier album international avec Passi. Nous avions rencontré des problèmes de contrat et de droits. Nous avons alors décidé de faire un break car il nous fallait plus de connaissances pour nous armer contre cette jungle qu’est la musique. Ces sept années de silence nous ont permis d’asseoir notre concept : être enracinés et ouverts. Et nous avons créé notre boîte de production pour être indépendants.

Que signifie "Ndoumbélane", le titre de votre nouvel album ?
Baïdy : Cela signifie la "jungle", en wolof. C’est une référence à notre expérience dans le milieu de la musique, où tous les coups sont permis, où l’argent règne en maître, où il n’y a ni éthique, ni morale. Nous voulons rappeler aux gens qu’il faut respecter l’étique africaine.

Ndoumbélane s’éloigne du rap pur : vous y mêlez des sonorités acoustiques, orientales etc… Est-ce un signe d’épuisement du hip hop sénégalais ?
Moctar : Nous voulons rehausser le niveau du rap sénégalais, parce que la tendance est à la baisse. Il y a 4 000 groupes de rap et à peine deux ou trois qui émergent. Dès 1999, notre choix a été d’être original et ouvert d’esprit. Nous sommes influencés par plusieurs musiques du monde. Nous essayons d’adapter toutes ces influences à notre musique hip hop. Nous ne suivons pas les tendances. Nous créons notre propre style. Nous voulons être différents en puisant dans la richesse des sonorités sénégalaises : la culture pulaar, sérère et peulh.  

Plusieurs titres de votre dernier album font référence aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). Comment divulguez- vous ces thèmes théoriques?
Baïdy : Bideew Bou Bess a un fort engagement social. Lorsque nous composons un morceau qui parle du Sida, du paludisme ou de la mortalité infantile, nous allons voir les Sénégalais dans les villages pour mieux vivre ces problèmes et le traduire fidèlement. Nous pouvons faire passer des messages de sensibilisation par la musique. Notre musique est contestataire et elle se veut aussi "utile".

Quelle place accordez- vous à la religion et notamment à la Tidjania, l’une des confréries musulmanes du Sénégal, dans votre musique ?
Baïdy : Nous lui accordons une place importante. Nous sommes des Tidjanes et Baye Niasse (l’héritier de Cheikh Ahmed Tijane, fondateur de la Tidjania en Algérie vers 1781, ndlr) est notre guide spirituel. Notre message, c’est que le spirituel et le temporel peuvent aller de pair. Nous pensons que l’inspiration est divine. A un moment de notre vie, Baye Niasse est intervenu, a répondu à nos interrogations sur le sens de la vie, nos orientations etc… C’est une découverte intérieure, une connaissance absolue. A travers ce titre, qui rend hommage à Baye Niasse, nous disons aux gens que l’essentiel repose sur le respect d’autrui.

Bideew Bou Bess Ndoumbélane (Bideew Bou Bess Production) 2010