Festival Marsatac 2004
Après avoir fait ses dents sur le hip hop, s’être ouvert à l’électro et connu de nombreux déboires au fil des ans, le festival marseillais Marsatac réussit cette année une édition plurielle qui accueille entre autres le quartet Nouvelle Vague et ses relectures de quelques classiques punk ou new wave.
De nouvelles directions
Après avoir fait ses dents sur le hip hop, s’être ouvert à l’électro et connu de nombreux déboires au fil des ans, le festival marseillais Marsatac réussit cette année une édition plurielle qui accueille entre autres le quartet Nouvelle Vague et ses relectures de quelques classiques punk ou new wave.
Peu après l’ouverture des portes de la dernière soirée de Marsatac, Dro Kilndjian le programmateur du festival avait du mal à appréhender le retour public: "Nous savons au regard du nombre de pré-locations que ce soir devrait être un bon soir" confiait-il sans oser vraiment figer un pronostique. "Au moins 3000 entrées payantes, peut-être 4000". Au final, il dépassera légèrement ce dernier chiffre et pourra même se targuer d’avoir vendus plus de 8000 billets sur l’ensemble du festival. L’édition 2005 est d’ores et déjà envisagée sous les meilleurs auspices. Mais, tout n’a pas toujours été rose pour ce festival ancré sur le rivage de la Grande Bleue. Initié en centre-ville, ce festival aux options hip-hop affirmées a su évoluer avec son temps dans cette ville de beaux parleurs, où des musiques électro souvent muettes sont venues jouer les trouble-fêtes sous l’impulsion d’artistes de premier plan comme Jack de Marseille, David Caretta, Alif Tree ou les Troublemakers.
En 99, autour d’une programmation marseillo-marseillaise, Marsatac pose ses marques. L’année suivante attire des artistes d’autres horizons musicaux ou géographiques (Cheb Aïssa, Dax Rider, Guem Percussions, DJ Feadz...). 2001 voit la première édition au Dock des Suds, gigantesque entrepôt qui abrite chaque automne la Fiesta des Suds. Plombé financièrement par une double billetterie pirate, le festival devra faire preuve d’ingéniosité pour ne pas sombrer corps et âme. En 2002, un mauvais coup de mistral soufflera sur l’édition insulaire (au Frioul à quelques encablures du Vieux-Port), écourtant la première soirée et annulant la seconde. 2003 sera marqué d'un changement tardif d’implantation. Un retour sur la terre ferme est organisé. Prévu un temps face à la mer à l’Hippodrome Borély, le festival aurait dû finalement se dérouler dans les jardins du Palais Longchamps, écrin du festival de jazz des Six continents. Face aux levées de boucliers des Comités de Quartier environnants, la municipalité à l’approche des élections lui préfèrera le J4 dans la zone portuaire. L’hypothétique déroulement de l’America’s Cup à Marseille interdisant une nouvelle édition au pied de la Major, Marsatac 2004 abandonne le plein-air et pose sa programmation au Trolley Bus, au Poste à Galène et au Dock des Suds.
Marsatac dans les grandes largeurs
Désormais déroulé sur cinq soirées, Marsatac s’ouvrait cette année à de nouveaux horizons musicaux. "Nous avons souhaité élargir le champ de vision, tout en mélangeant les genres. Cette édition est plus généraliste. C’est un axe pour les années à venir. Nous ne souhaitons pas nous adresser uniquement aux spécialistes de l’électro ou du hip-hop, mais satisfaire ou du moins intéresser tous les fans de musiques actuelles". L’affiche des différentes soirées est à la hauteur des ambitions du festival avec beaucoup plus de live. On peut y lire les noms de Mocky, nouveau trublion du hip-hop (annulé à la dernière minute pour des raisons d’avion loupé), l’égérie pop-rock Feist, le petit génie des platines Kid Koala, le trio Overhead, le duo new-yorkais électro-clash Djs are not rock stars, le trio Mister Aul, les Marseillais Matéo & Gantelmi, l’ex-Galliano Earl Zinger, le rappeur londonien Roots Manuva. Le public, un temps déconcerté par cette diversité artistique, finira par trouver ses marques ovationnant aussi bien le set du ninjesque Kid Koala, que l’électro a capella de Bauchklang (appelé à remplacer au pied levé The Herbaliser, dont la tournée a été annulée) ou le concert amuse-gueule de Nouvelle Vague.
L’hommage aux années punk
Sensation de l’été avec 25.000 albums vendus en deux mois en France et autant à l’étranger sur un petit label anglais Peacefrog, cette formation programmée en début de soirée était très attendue. Tout à fait charmantes sur disque, ces reprises à la sauce bossa-nova de tubes punk ou new wave auraient fort bien pu ne pas passer le cap de la scène. Il n’en est rien, même si l’on a connu chanteuses de bossa plus inspirées que Camille et Mélanie Pain. Car au-delà de la performance (fort courte il est vrai, tout juste 45 mn), c’est l’atmosphère intimiste de leur concert et la sincérité du projet mené par Marc Collin et Olivier Libaux qui a séduit le public, quelque-soit son âge. "Nous avons constamment à faire à deux types de public" confie Marc Collin, "ceux qui connaissent les originaux et ceux qui ne les ont jamais entendus. Les premiers nous remercient d’avoir repris de manière très personnelle ces titres qui ont bercé leur jeunesse, sans pour autant ramener toute l’artillerie de ces années-là et les autres se laissent porter par le charme de ces admirables chansons. Car avant tout, ce sont de très belles chansons. Olivier et moi sommes deux fans, nous avons écouté beaucoup de new wave et en réécoutons parfois encore. C’est d’ailleurs comme ça qu’est né le projet" explique le compositeur et producteur (Indurain, Ollano, Héléna Noguerra, B.O des Kidnappeurs...).
"Quand tu réalises que ces chansons tiennent très bien la route juste guitares/voix, tu comprends que tu peux les arranger à la sauce que tu veux. Le rapprochement avec la musique brésilienne et la bossa en particulier nous a paru évidente. Tous deux signifient "nouvelle vague", tous deux sont nés en réaction au pouvoir en place, à l’establishment : la junte militaire au Brésil, les années Thatcher en Angleterre" explique-t-il. Cet hommage enregistré avec la participation de huit chanteuses ne se focalise pas uniquement sur les tubes de ces années-là mais aborde aussi des chansons moins populaires ou moins faciles. "Ce sont des morceaux écrits et composés par des songwriters de premier plan. Nous n’avons fait que les ré-arranger".
Véritable succès outre-Manche pour certains à l’époque (les radios britanniques étant beaucoup moins formatées que les fréquences hexagonales), ils trouvent ici une nouvelle fraîcheur. "De ce côté-ci du Channel, ils sont nombreux à les découvrir aujourd’hui" confie Marc Collin. "Camille est de ceux-là". La chanteuse qui a participé activement au projet prêtant sa voix sur plusieurs titres dont un Too drunk to Fuck des Dead Kennedys qu’elle incarne magistralement sur scène en confiant au public juste après qu’elle n’avait jamais entendu les titres repris. "Pour ne pas être influencée par les versions originales, elle n’a pas souhaité les entendre depuis" précise Marc Collin, qui se félicite du succès du projet: "Dans la crise actuelle que traverse l’industrie du disque, les majors pleureraient pour avoir un tel résultat en tout juste deux mois et sans aucun euro dépensé en marketing" lâche-t-il. "L’histoire n’est pas finie". De nombreux concerts en France et en Europe sont annoncés dont une date à Paris dans le cadre du Festival des Inrocks le 9 novembre à l’Elysée-Montmartre. Un deuxième album pourrait voir le jour. "Evidemment, nous ne referons pas exactement la même chose, mais travaillons déjà sur de nouvelles corrélations entre des répertoires apparemment distants".