Destination Essaouira

Sur la côte atlantique marocaine, entre Agadir et Safi, se trouve une cité historique que l’on connaissait sous le nom de Mogador et qui fut rebaptisée au XVIIIème siècle du nom arabe d’Essaouira. Destination touristique très en vogue, elle accueille entre le 14 et le 17 juin le Festival Gnaoua/Musiques du monde.

Festival des Gnaoua

Sur la côte atlantique marocaine, entre Agadir et Safi, se trouve une cité historique que l’on connaissait sous le nom de Mogador et qui fut rebaptisée au XVIIIème siècle du nom arabe d’Essaouira. Destination touristique très en vogue, elle accueille entre le 14 et le 17 juin le Festival Gnaoua/Musiques du monde.

De Marrakech, il faut deux bonnes heures de route pour arriver dans ce nouvel Eldorado qu’est Essaouira. Cette ville qui accueille pour sa quatrième édition le Festival des Gnaoua, connaît depuis quelques années un engouement touristique considérable. Pourtant dès les années 70, comme nous relate une productrice de télévision, Anaïs Prosaïc, cette petite cité était le point de rencontre de quelques musiciens américains célèbres à la recherche de vibrations authentiques. On y aurait croisé Jimi Hendrix, Bob Dylan ou les Stones. Le Maroc était à la mode. De nombreux poètes et écrivains comme Paul Bowles magnifiaient les charmes de cette contrée si éloignée du pays de l’Oncle Sam. Les remparts rouges lumineux d’Essaouira participaient sans doute aux délires psychédéliques de ces artistes transportés.

Aujourd’hui, les remparts ont été repeints couleur crème. La ville est blanche et bleue. De nombreux travaux de réfection des maisons sont en cours. Les rues sont nettoyées. L’animation y est incessante. On croise des habitantes de la ville nouvelle, haïk (costume traditionnel qui les enveloppe complètement) et foulard sur le visage, des jeunes gens en bande ou des funboarders européens attirés dans la région par le spot qui existe à quelques kilomètres d’Essaouira. En période de festival, on croise aussi des musiciens qui transportent leurs instruments dans de petites carrioles car les véhicules ne circulent pas dans l’enceinte de la medina.

On entend la musique gnaoua à tous les coins de rue. Le soir, le réparateur de frigo cède son échoppe à un vendeur de cassettes. Essaouira se la joue « ville gnaoua ».

Retour sur les confréries

Depuis maintenant quelques années, des musiciens gnaoua sortent de leur confrérie et se produisent dans le monde entier grâce en particulier à des producteurs occidentaux comme Bill Laswell. En France, des groupes comme l’Orchestre National de Barbès ou Gnawa Diffuson ont eux aussi participé à populariser cette culture et ces rythmes gnaoua.

Si leurs origines se trouvent du côté des anciens esclaves africains, les Gnaoua font aujourd’hui partie intégrante de la société musulmane. Rassemblés autour d’un maâlem (maître), les musiciens enchaînent lors de lila (rite nocturne de possession), des invocations aux saints et aux mlouk (esprits). C’est au maâlem, joueur de guenbri (luth-tambour à trois cordes) que revient la charge des pratiques rituelles et initiatiques. Quand ces musiciens jouent dans un contexte profane où n’existe plus la dimension thérapeutique et religieuse, leur art est ramené à l’expression musicale de leur culture.

Le Festival des Musiques du Monde d’Essaouira œuvre dans le sens d’un rapprochement et d’un échange entre les cultures gnaoua et autres. Jeudi 15, on a ainsi pu découvrir sur la grande scène de Bab Sbaâ, le Malien Cheick Tidiane Seck, le violoncelliste français Vincent Segal (arrangeur notamment du dernier album de Vanessa Paradis) en présence du maâlem Hamida Boussou. Ce dernier, originaire de Marrakech mais installé à Casablanca, a déjà participé au Festival de jazz de Paris. Le lendemain, au même endroit on a pu écouter une des rares femmes conviées à ce festival, Hasna el Becharia, Algérienne, femme du désert qui avec sa guitare et sa voix, est venue donner la réplique à Majid Bekkas, musicien marocain qui tente de donner un nouveau souffle à la musique gnaoua en introduisant des instruments non traditionnels. Dimanche, c’est le raï de Cheb Mami qui devrait mettre le feu à Essaouira.

Jouer devant le public souiri qui est chaque jour plus nombreux, ne doit pas être un événement anodin dans la vie d’un musicien. Près de la scène, la foule est compacte et composée dans son écrasante majorité de jeunes gens venus faire la fête, danser et chanter. Une vague sensation de défoulement collectif émerge de ces milliers de jeunes. Un peu plus loin et un peu plus calmes, des familles sont sorties pour profiter de ces quelques moments de musique. Ce festival connaît un succès public remarquable dû sans aucun doute à sa gratuité. Le fait que des musiciens de grande qualité s’y produisent renforce l’idée que le Festival d’Essaouira est une manifestation populaire qui artistiquement, vaut le détour.