Le retour de l'artistique dans le business de la musique

Les nouveaux modèles économiques de la musique se cherchent toujours, les relations entre filières musicale et technologique sont encore crispées, mais l’artistique semble revenir progressivement au premier plan au Midem, ainsi qu’une certaine confiance en l’avenir.

Un Midem 2008 en demi-teinte

Les nouveaux modèles économiques de la musique se cherchent toujours, les relations entre filières musicale et technologique sont encore crispées, mais l’artistique semble revenir progressivement au premier plan au Midem, ainsi qu’une certaine confiance en l’avenir.

L’industrie musicale se débattait toujours, cette année à Cannes, dans la recherche des nouveaux modèles économiques qui vont lui permettre de sortir d’une crise qui perdure, avec le modèle publicitaire en ligne de mire, sur lequel les labels fondent de gros espoirs, un peu trop gros peut-être.

"Je ne vois pas comment on peut financer la diffusion de musique à la demande sur Internet avec de la publicité au CPM (coût pour mille affichages, NDLR)", déclare Ludovic Leu, P-DG de MusicMe, service de musique français sur abonnement, qui craint de se voir directement concurrencé par un "nouveau modèle" monté en sauce artificiellement.

Sa démonstration semble imparable : "Mille affichages correspondent à mille diffusions (streams), qu'il faut rémunérer entre 0,01 et 0,015 euro l'unité en fonction des labels, soit 10 euros HT au CPM. Or les sites Web qui font le meilleur score sur le marché français ne dépassent pas les 7 euros H.T. au CPM", explique-t-il.

Les limites du modèle publicitaire

"On constate que l’écoute à la demande attire principalement des fans de musique qui savent exactement ce qu’ils veulent écouter, lui répond en écho Jonathan Benassaya, co-fondateur du site Deezer. Or, le grand public ne sait généralement pas ce qu’il veut écouter. On se retrouve donc avec des utilisateurs qui basculent très vite sur des webradios classiques ou lancent une programmation intelligente [grâce à des systèmes de playlists automatiques, NDLR], dont les modèles économiques sont complètement différents, et surtout moins coûteux. C’est ce qui nous permet de monétiser la musique à la demande. Les webradios la financent en partie."

Une webradio classique coûte en effet à Deezer 6 % de son chiffre d’affaires publicitaire en droits d’auteurs et 16 % à 18 % en droits voisins. Ce qui permet donc à la plateforme de dégager 76 % de marge et de financer ainsi l’écoute de musique à la demande. "C’est ce principe de vases communicants qui nous permet d’être rentables", indique Jonathan Benassaya.

Les exigences des maisons de disques à l’égard de ces services de musique gratuits sont très importantes : partage des revenus publicitaires, mais aussi avances sur recettes considérables, revenu minimum garanti tous les mois, voire participation dans le capital.

"Des gens comme Youtube ou Last.fm ont fait beaucoup de mal à cette industrie. Ils ont réalisé des opérations purement financières, en lançant un produit sympa et sexy qui a généré un gros trafic sur Internet, pour le revendre ensuite à quelqu’un qui cherchait à acquérir du trafic. […] Dans le cas de Last.fm, sur les 280 millions de dollars du rachat par CBS, personne n’a rien vu, à part quelques majors qui avaient pris des options sur la société", explique Jonathan Benassaya.

Les acteurs de la filière musicale supportent de moins en moins les fortunes colossales amoncelées par les fournisseurs d’accès à Internet, les opérateurs mobiles, les fabricants de hardware ou certains acteurs d’Internet "sur le dos de la musique", dont les créateurs ne voient jamais la couleur. Ce fut la teneur d’un discours prononcé par Paul McGuiness, manager du groupe U2, en ouverture du Sommet international des managers, qui a fait beaucoup de bruit dans le Palais des festivals à Cannes.

"Mc Guinness a même évoqué l’idée de demander des dédommagements sur le tord qui a été causé ces dernières années aux artistes", indique Marc Thonon, le patron du label Atmosphériques, qui assistait à son intervention.

De la généralisation des mesures préconisées en France par la mission Olivennes (réponse graduée, filtrage des contenus illégaux) – ce qui a valu à notre pays d’être cité en exemple - à la négociation d’accords de partage des revenus générés par l’accès à Internet ou la vente de baladeurs MP3, toutes les options sont désormais envisagées pour sortir de la crise.

Renouer avec un certain esprit artistique

Une chose est sûre, les services de musique gratuits financés par la publicité "ne vont pas se substituer, en terme de revenus, à la vente de CD", confie Jonathan Benassaya de Deezer. "La musique à la demande et les autres formes de webradio sur Internet relèvent plus d’une évolution de la radio hertzienne." Il faut donc encore trouver de nouvelles sources de revenus alternatives à la vente de CD, que le téléchargement ne semble pas permettre de dégager pour l’instant.

"Nous sommes convaincus que les services sur abonnement sont l’avenir de l’industrie" a déclaré Pascal Nègre, PDG d’Universal Music France, lors de la conférence de presse du SNEP. Mais tous les patrons de majors français ne semblent pas se rendre à son avis.

Malgré tout, les conclusions de la mission Olivennes, l’augmentation des crédits d’impôts décidée par le gouvernement pour soutenir la production et de nouvelles facilités de crédits semblent redonner confiance à de nombreux acteurs de l’industrie, en particulier les labels indépendants."Je ne sais pas quel sera le prochain grand succès d’Atmosphériques, mais j’entends beaucoup de choses qui m’excitent artistiquement et j’ai déjà deux ou trois sorties programmées dans les mois qui viennent dont je suis très content", indique Marc Thonon.

Entendre reparler d’excitation artistique en lieu et place de situation de crise, de business et de nouveaux modèles d’affaires, voilà qui redonne un peu d’espoir et renoue avec un certain esprit du Midem, ou plutôt de la musique.