Ultramarine, un retour attendu
Pièce maîtresse du développement des musiques du monde dans un registre très lié au jazz, le groupe Ultramarine se réforme temporairement à l’occasion du festival Carib’in jazz organisé à l’Olympia les 23 et 24 janvier. Rencontre avec quelques membres de cette dream team de la fin des années 1980 qui a marqué les esprits de façon d’abord collective, puis individuelle.
Le groupe phare de la scène jazz world remonte sur scène
Pièce maîtresse du développement des musiques du monde dans un registre très lié au jazz, le groupe Ultramarine se réforme temporairement à l’occasion du festival Carib’in jazz organisé à l’Olympia les 23 et 24 janvier. Rencontre avec quelques membres de cette dream team de la fin des années 1980 qui a marqué les esprits de façon d’abord collective, puis individuelle.
RFI Musique : Est-ce la première fois que vous rejouez ensemble sous le nom d’Ultramarine ?
Pierre-Olivier Gauvin : Ça s’est déjà fait une fois. En 1999, Etienne avait réuni le groupe et on avait joué au Sunset pendant une semaine, après huit ans d’arrêt.
Etienne Mbappé. : En fait, c’est une lumière qui ne s’est jamais éteinte. Honnêtement, l’envie est toujours là. Au delà d’Ultramarine, au-delà de la musique, nous sommes des amis. C'est-à-dire qu’on peut aussi se retrouver autour d’une table pour partager un dîner. Chacun aujourd’hui est très pris par sa carrière, donc il faut que l’occasion se présente. Je ne dis pas qu’on va recréer des choses – il n’en est pas question –, mais dès qu’il y en a un qui sonne le rappel, on accourt.
Mokhtar Samba : A la fin des concerts, j’entends toujours les gens demander : "Et Ultramarine ?", "Et Nguyen ?", "Et Mario ?". Il y a beaucoup de gens qui ont envie de réécouter les vieux morceaux d’Ultramarine, et c’est une très bonne occasion de donner des nouvelles, de rendre hommage à une époque.
Vous arrive-t-il encore souvent de réécouter le répertoire que vous avez conçu et enregistré ensemble ?
E. M. : On le réécoute surtout à travers les gens. Je vais souvent en Afrique, et j’ai remarqué en tout cas que dans cette partie du monde, ce groupe a influencé des générations de musiciens. On est une référence. J’étais sidéré qu’un grand chanteur ivoirien comme Fréderic Meïway, qui a un succès incroyable dans son genre, me dise qu’à l’époque, quand on jouait au Baiser Salé, il était au premier rang, qu’il faisait la queue dans le froid, qu’il attendait le troisième set pour entrer !
M. S. : En Afrique, l’influence est effectivement énorme : j’ai beaucoup tourné avec Salif Keïta et c’est vraiment incroyable à quel point ce groupe a attiré l’attention des musiciens africains… Mais au Brésil aussi, beaucoup de gens ont écouté nos albums qui se sont retrouvés là-bas par je ne sais pas par quels moyens. Je me rappelle qu’à Bahia, où je jouais pour un festival, de jeunes Brésiliens avaient repris Djanea d’Ultramarine. Ça m’avait vraiment surpris !
Qu’est-ce qui, d’après vous, a fait la spécificité d’Ultramarine ?
E. M. : L’authenticité de la musique d’Ultramarine vient de ce mélange du jazz et de ces origines diverses qui sont les nôtres. Ce jazz nous a aidés à mieux superposer, même sans le vouloir, nos musiques ethniques. C’était le tapis qui nous unissait tous. À l’époque, on n’a pas réalisé à quel point on pouvait être précurseur, sans le revendiquer.
M. S. : Ce n’était pas de la fusion ni du jazz rock. L’idée était de s’appuyer sur nos background, qu’on soit Asiatique, Africain, Français, Antillais… C’était vraiment un challenge de pouvoir mélanger des cultures qui sont différentes mais en fait extrêmement proches.
Aviez-vous très vite trouvé ce terrain commun pour vous exprimer lorsque le groupe s’était monté ?
Nguyen Lê : Je vais parler en vétéran d’Ultramarine. En fait, le groupe a commencé en 1983 et il y a eu une première période avec Mario Canonge, Bago et moi comme membres fondateurs. Eddy Gaulein-Stef était à la basse, Jean-Luc Pinot au violon et Chris Henry à la batterie. C’était une espèce de fusion antillaise, plus électrique. Quand Mokthar Samba et Etienne Mbappé sont arrivés, ils ont injecté une forte dose d’Afrique et de rythmes inexpugnables. Cette deuxième génération d’Ultramarine a donné les deux disques, E Si Mala et De.
Dans vos carrières personnelles, a-t-il été facile de vous écarter d’Ultramarine ?
E. M. : Non. Pour moi, c’est clair. Ça a été très dur de trouver mon identité au-delà d’Ultramarine. Ça m’a pris énormément de temps. Toutes les compositions que je faisais étaient très teintées Ultramarine. J’ai tout appris dans ce groupe-là. Quand on monte son petit groupe à part, ensuite, et que ces individualités aussi fortes ne sont pas là, ça se ressent. Pas plus tard qu’avant le début de l’interview, je leur ai dit que je voulais qu’ils viennent sur mon prochain disque. Après les trois jours de répétition que nous venons de faire, je me rends compte que c’est un son qui m’a manqué énormément.
Ultramarine Programme Jungle (MPO) 1988
Ultramarine Dé (Musidisc) 1989
Ultramarine E si mala (Musidisc) 1991
Festival Carib in Jazz à l'Olympia les 23 et 24 janvier 2010.
Ultramarine en concert le 24 janvier.