DISQUE EN CRISE, SCÈNE PROSPÈRE

La musique en crise? Le festival du Printemps de Bourges qui a débuté le 20 avril, semble prouver le contraire. A l’année noire que traversent le marché et l’industrie du disque en France répond la spectaculaire prospérité de la scène. L’ouverture de nombreuses salles ces dernières années n’explique pas tout: la largeur et la qualité de l’offre artistique sont au centre de l’évolution.

Ouverture du Printemps de Bourges

La musique en crise? Le festival du Printemps de Bourges qui a débuté le 20 avril, semble prouver le contraire. A l’année noire que traversent le marché et l’industrie du disque en France répond la spectaculaire prospérité de la scène. L’ouverture de nombreuses salles ces dernières années n’explique pas tout: la largeur et la qualité de l’offre artistique sont au centre de l’évolution.

27%! Le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) annonce 27% d’augmentation du produit de la taxe parafiscale en 2003. Si le chiffre ne veut pas dire grand-chose pour le commun des mortels – ni même pour beaucoup de professionnels –, il est pourtant le seul indice fiable de l’activité du spectacle vivant dans le domaine des musiques populaires. En clair, il signifie que le chiffre d’affaire des concerts en France au cours de l’année dernière a augmenté d’environ un quart, ce qui tranche violemment avec les discours alarmistes qui feraient de la crise du disque, une crise de la musique tout entière.

Daniel Colling, directeur du Printemps de Bourges et président du CNV disait par boutade, il y a quelques semaines, qu’il aurait pu intituler les rencontres professionnelles qui se déroulent dans le cadre du festival: «Disque – 20%, scène + 20%». Car le contraste est saisissant entre une industrie du disque qui licencie massivement (plan social chez Warner, nouveau plan social dans quelques jours chez EMI-Virgin, compressions de personnel attendues chez Sony et BMG au cas où les autorités européennes accepteraient la fusion des deux majors du disque) et le secteur du spectacle, constitué de centaines de petites d’entreprises qui, pour la plupart, avouent leur bonne santé.

Une exception française ? Peut-être. Il s’agit entre autres d’un rattrapage: pendant des lustres, les artistes de rock et même de musiques de monde avaient l’habitude de jouer à Paris puis dans deux ou trois salles de province, alors qu’ils visitaient une vingtaine de villes en Allemagne. En une douzaine d’année, le maillage des salles de concert françaises s’est resserré et un Stanley Beckford, par exemple, qui commence sa tournée française par le Printemps de Bourges, va ensuite passer par quatorze villes dont Paris. Les Nits, ces jours-ci, ne passent même pas par Paris, visité à l’automne, mais par Strasbourg, Annecy, Clermont-Ferrand, Brest, Rennes et Nantes. Et, dans un format plus imposant, l’Américain Ben Harper, après quatorze concerts en province et trois Bercy (plus de 90.000 spectateurs) en 2003, donne encore en juin trois concerts dans des Zénith de province. Ainsi, Clermont-Ferrand qui ne disposait jusqu’alors que d’un méchant hall des sports pour accueillir des concerts, a vu s’ouvrir en 2000, la Coopérative de Mai (environ huit cents places) et en 2003, le Zénith de Cournon (8.500 places), devenant ainsi une étape régulière des tournées, pour un public qui n’avait aucune offre comparable à moins de quelques centaines de kilomètres.

La croissance a véritablement commencé en 1998. A l’époque, l’augmentation de la perception de parafiscale par le Fonds de soutien (prédécesseur du CNV) était imputée à un «effet Notre-Dame de Paris», l’énorme succès de la comédie musicale de Luc Plamondon et Richard Cocciante venant après plusieurs années de morosité, voire de crise dans le spectacle vivant. Puis d’année en année, la prospérité du secteur s’est affirmée, l’ouverture constante de nouvelles salles en province venant soutenir l’augmentation spectaculaire de l’offre. Car c’est sans doute cela l’élément le plus important de l’évolution du paysage des dernières années: de plus en plus d’artistes donnant de plus en plus de concerts et ayant de plus en plus de succès. Car comment ne pas énumérer les interminables tournées de Thomas Fersen, des Têtes Raides, de M, de Sanseverino, de Bénabar, d’Alain Bashung – tous présents cette année au Printemps de Bourges? Et ceux-ci viennent après Zazie, Vincent Delerm, Dionysos ou La Tordue, autres acharnés de la scène programmés l’année dernière…

Ces succès de scène ont ceci d’heureux qu’ils correspondent à des choix esthétiques affirmés, à des carrières souvent construites sans l’apport des gros moyens du marketing des maisons de disques. Alors que, depuis le dernier Midem, professionnels de la scène et du disque discutent d’une redistribution de leurs rôles respectifs dans la filière musicale, la programmation du Printemps de Bourges 2004 semble manifester le dynamisme d’une scène française florissante et à l’écart des grosses valeurs de la variété. Le Phénix, le plus grand chapiteau du festival, accueille ainsi, sur vingt artistes en cinq jours, quinze Français et francophones.

Et la palette est large, des créneaux pointus (métal avec Enhancer, quelques chapelles électroniques) à mille manières neuves de décliner les codes de la chanson française, du parlé-chanté de Loïc Lantoine à l’incursion de la comédienne Jeanne Balibar dans le rock, de la performance solo de Dominique A au charme tavelé de Dani… Son équipe se disait, il y a quelques jours, plutôt optimiste quant à la fréquentation du Printemps, qui pourrait une fois de plus faire le plein, dans la droite ligne d’une année 2003 qui, à la notable exception de l’annulation des Francofolies de La Rochelle, a été franchement prospère pour les festivals.

Bertrand  Dicale

Et la palette est large, des créneaux pointus (métal avec Enhancer, quelques chapelles électroniques) à mille manières neuves de décliner les codes de la chanson française, du parlé-chanté de Loïc Lantoine à l’incursion de la comédienne Jeanne Balibar dans le rock, de la performance solo de Dominique A au charme tavelé de Dani… Son équipe se disait, il y a quelques jours, plutôt optimiste quant à la fréquentation du Printemps, qui pourrait une fois de plus faire le plein, dans la droite ligne d’une année 2003 qui, à la notable exception de l’annulation des Francofolies de La Rochelle, a été franchement prospère pour les festivals.