LE PORTRAIT DU MARDI : PHILIPPE LAUGIER
Paris, le 4 septembre 2001 - Suite de nos portraits d'activistes ayant permis à la musique électronique française d'être l'une des plus créatives et reconnues au monde. Découvrez cette semaine le parcours de Philippe Laugier.
Le baroudeur de clubs
Paris, le 4 septembre 2001 - Suite de nos portraits d'activistes ayant permis à la musique électronique française d'être l'une des plus créatives et reconnues au monde. Découvrez cette semaine le parcours de Philippe Laugier.
Philippe Laugier est un beau mec. Ne riez pas ! Cela peut vous sembler déplacé pour dresser le portrait professionnel de quelqu'un, mais quand on navigue dans le cercle très fermé de la hype parisienne, comprenez les décideurs de tendances, mieux vaut être physiquement plutôt beau gosse. La preuve : dans les soirées VIP, tout le monde il est beau et tout le monde il s'aime. Laugier est un autodidacte. Ses diplômes, obtenus dans les clubs du monde entier avec une formation de night-clubber, complètent un cursus de fêtard qui l'a amené à s'occuper de Sound of Barclay, la division électronique de Barclay. Mais sans travail, le don n'est rien qu'une sale manie comme dirait l'autre…
Quittant en 1990 la région niçoise pour la capitale le petit Philippe se voyait déjà, si ce n'est star lui-même, fréquentant au moins le gratin musical. Tel le Small town boy de Bronski Beat, le voilà donc à l'assaut de Paris. Il fait la découverte de ces soirées à l'époque où les futures stars de la French Touch apprennent à faire du vélo. De nuits blanches en soirées mondaines, il fait la connaissance de Martine Mayer, une reine de la nuit qui organise entre autres, les premières soirées garage en France.
Son pouvoir de persuasion, sa gouaille et sa connaissance du monde nocturne font de Laugier l'un des meilleurs attachés de presse de soirées et lui apprennent que derrière le clubbing, se cache une véritable organisation. A partir de 1991, il devient journaliste de musique électronique et collabore à Eden, Coda et FG, la radio parisienne 100% techno. Durant toutes ces années, il se confronte de manière professionnelle au monde de la nuit avec toujours en filigrane sa passion : la musique. Plus particulièrement la house music. En 93, il s'occupe et compile Rave Action chez Mercury et pénètre pour la première fois dans une maison de disques.
Sa connaissance de la musique électronique le fait entrer au pôle dancepool chez Polygram où il s'occupe des inoubliables compilations Dance Machine qui se vendent comme des petits pains. Malheureusement, elles ne volent pas très haut. C'est donc du côté d'Omnisonus et des compilations N°1 techno que Laugier s'amuse en compilant Laurent Garnier, Aurora Boréalis ou Carl Cox. Olivier Caillart, le directeur général de Barclay, lui donne pour la première fois de sa vie le pouvoir de signer des artistes. C'est le début de carrière d'un des meilleurs directeurs artistiques de la place de Paris.
Sound of Barclay
Au commencement de l'aventure Sound of Barclay, il s'occupe principalement du catalogue électronique étranger et pour la France, d'Orbital, de Goldie, de Björk… Il obtient son premier hit avec You don't know me d'Armand Van Helen.
Premier coup de maître et véritable premier projet personnel, la série Future sound of Paris, l'une des premières compilations qui regroupe la crème de la French Touch : Motorbass, Superdiscount, Dimitri From Paris, Eric Rug et Bob Sinclar, entre autres. Bien avant la déferlante électronique française, Philippe Laugier sent le vent tourner et devine qu'il se passe enfin quelque chose de glamour au pays de Pascal Obispo. Il lui faudra pourtant encore attendre quatre ans.
"Et ton tube coco, c'est pour quand ?"
Laugier développe le label Sound of Barclay et prend alors en licence quelques-uns des meilleurs labels français : Prozak-trax, avec Aleem et Kojak pour le côté house, Artefact avec Daphreephunkateers alias Eric Rug et Dr.L pour l'expérimentation, Pschent avec Charles Schilling et les compilations Costes signées Stéphane Pompougnac pour la musique lounge. Même si certaines productions se vendent bien (Costes et ses 300 000 exemplaires), plusieurs gros futurs vendeurs signent chez l'ennemi d'Universal, Virgin, et pas des moindres, Daft Punk. Sound of Barclay est à deux doigts de signer Stardust et son Music sound better with you mais Thomas Bangalter à l'origine du tube préfère rester fidèle à Virgin sur lequel son autre groupe, Daft Punk est déjà signé.
Alors qu'il était sur FG, Laugier a été le premier journaliste à interviewer ce duo électro balbutiant. Le frère de Guy-Manuel De Homem-Christo, l'un des deux compositeurs d'Around the world, lui apporte un jour un titre de deux de ses amis : coup de foudre immédiat. Le contrat est signé pratiquement dans la foulée et Modjo est prêt à conquérir le monde. Modjo est le premier groupe français de l'histoire à devenir n°1 des charts en Angleterre. L'album arrive d'ici quelques semaines et devrait suivre le même chemin.
Pour une sombre histoire de sample non déclaré, Philippe Laugier fait la connaissance de Cerrone et quelques mois plus tard Bob Sinclar mixe et remixe les tubes du maître du disco sur CD. Nouveau carton puisque cet album est désormais Disque d'or. 2001 est un excellent cru.
Le clubber a enfin réalisé son rêve, fréquenter les plus grands et développer des artistes qu'il découvre et développe. Il vient juste de signer Gotan Project du label Ya Basta et devrait sortir le premier album du jeune surdoué Jackson dans les prochains mois.
J'oubliais, le responsable de Sound of Barclay continue à sortir comme un jeune clubber, le seul moyen de ne pas finir largué par les nouvelles musiques. Ça lui a plutôt réussi jusque-là.