On dirait Nino

Le 13 août 1998, Nino Ferrer mettait fin à ses jours. Sept ans après sa disparition, quinze artistes et groupes se sont réunis en studio pour lui rendre un vibrant hommage. Arno, Miossec, Cali, la Grande Sophie, chanteurs confirmés ou talents de la nouvelle génération, revisitent les plus célèbres chansons de cet écorché vif en brassant les différents genres musicaux. On dirait Nino, un opus surprenant et créatif.

Reprises des chansons de Nino Ferrer

Le 13 août 1998, Nino Ferrer mettait fin à ses jours. Sept ans après sa disparition, quinze artistes et groupes se sont réunis en studio pour lui rendre un vibrant hommage. Arno, Miossec, Cali, la Grande Sophie, chanteurs confirmés ou talents de la nouvelle génération, revisitent les plus célèbres chansons de cet écorché vif en brassant les différents genres musicaux. On dirait Nino, un opus surprenant et créatif.

   

Nino Ferrer était atypique dans le paysage de la chanson française. Originaire de Gènes, il était baptisé "Le Nègre Blanc" par ses compatriotes italiens. Personnage complexe, il était à la fois le chanteur rigolo, figurant parmi les icônes des années yéyé, et l’artiste tragique rongé par le mal de vivre.

Derrière son apparente légèreté et son sens aiguisé de la dérision, il dissimulait une profonde détresse. Ses allers-retours entre genre comique (à l’origine de ses plus grands tubes dans les années soixante) et romantique ont parfois dérouté le public et lui ont valu une carrière en dent-de-scie. Les titres choisis dans On dirait Nino traduisent cette dualité de l’homme : à côté de chansons hilarantes et déjantées, telles que Mirza ou le Téléfon, on retrouve des airs mélancoliques comme Le Sud ou Nathalie. Je voudrais être noir ou Mon copain Bismarck, chansons politisées, dévoilent une autre facette de Nino Ferrer.

 

 

 

 Des innovations musicales réussies

Pop, rock, classique, l’album diversifie judicieusement les genres musicaux. La Rua Madudeira, sublime chanson de l’artiste, est déclinée dans deux registres aux antipodes. Cali livre une version épurée absolument magnifique. Sa voix troublante se pose sur un instrumental classique (piano, violon et contrebasse) donnant une solennité poignante à la chanson. Nathalie Leulliot du groupe Autour de Lucie, dans un style bossa nova, baigné de douceur, nous berce de volupté. Ambiance rock’n’roll pour Arno ou La Grande Sophie, artiste révélation des Victoires de la Musique 2005. Le chanteur belge, avec sa voix cassée, ressuscite Mirza dans une version punk rock, totalement explosive. Le Copain Bismarck, chanté par Tété, poète et roi de la pop folk, prend des accents world. Quant à JP Nataf, ancien leader des Innocents, il habille Oh hé hein bon de coeurs et de rythmes country sautillants. Le choix d’instruments particuliers contribue à l’originalité des mélodies. Ainsi, Alain Bashung, interprète Le Sud de sa voix chaude et sensuelle, accompagné à l’harmonica. L’accordéon se substitue à la trompette dans la nostalgique Maison près de la Fontaine (chanté par Art Mengo), lui donnant une dimension particulière. Et le son du banjo fait vibrer la voix de  Daniel Darc dans la poétique Rondeau.

Le charme de cet album résulte de l’audace des artistes, qui ont su s’approprier les chansons de Nino, en imprimant leur touche personnelle. Helena transforme le Téléfon en une douce mélodie évanescente. Le charme féminin agit. M propose une version lente de Je vends des robes. Miossec, avec son timbre inimitable, rythme Chanson pour Nathalie en conservant son intensité dramatique. Fabien Martin fait osciller sa voix entre graves et aigus dans Riz Complet, parvenant à nous hypnotiser. On découvre également Un ano de amor interprété en italien par Fabio Viscogliosi, chanteur intimiste, guitariste des Married Monk et le Sud, traduit en anglais par Vénus, groupe belge de pop rock.

Un modèle pour toute une génération de chanteurs

   

 

Ces artistes de différentes générations, partageant leur admiration pour Nino, ont souhaité saluer son talent. "Parce que ses chansons sont indémodables" selon Valérie de Leulliot d’Autour de Lucie. Fabio Viscogliosi définit sa musique "de croisement étrange entre chanson, rock’n’roll et expérimentation". Pourquoi cet album ? Réponse de Bashung : "Pour ne pas oublier Nino qui nous a séduit et qui continue". Après plus d’une dizaine d’albums et des millions d’exemplaires vendus,

Nino Ferrer avait progressivement déserté la scène music ale au début des années 80. Il s’était retiré dans sa bastide de Lataillade dans la région du Quercy (sud-ouest), se consacrant à la peinture et à ses projets musicaux. Quelques retours médiatiques en France et en Italie, dans les années quatre-vingt-dix, s’étaient soldés par des désillusions. Il ne supportait plus le show biz, ce monde de paillettes qui ne lui ressemblait pas. À l’âge de 64 ans, il décidait d’en finir avec la vie, en se tirant une balle en plein coeur. Incompris toute sa vie, il serait fier de l’hommage musical éclectique qui lui est rendu aujourd’hui.

 

Compilation On dirait Nino (ULM/Universal) 2005