Tété, le metteur en scène
À travers ce recueil de contes au nom improbable et sa galerie de personnages, Tété propose, entre mélodie et conscience, ses visions du monde qui nous entoure. De chroniques du quotidien en observations averties des rapports humains, ses chansons mettent en lumière des questions de société - identité, racisme, politique, pauvreté - et plus encore. Une pièce en trois actes organisée par un nouveau Tété, plus incisif, moins orchestré. Rencontre.
Le Sacre des Lemmings
À travers ce recueil de contes au nom improbable et sa galerie de personnages, Tété propose, entre mélodie et conscience, ses visions du monde qui nous entoure. De chroniques du quotidien en observations averties des rapports humains, ses chansons mettent en lumière des questions de société - identité, racisme, politique, pauvreté - et plus encore. Une pièce en trois actes organisée par un nouveau Tété, plus incisif, moins orchestré. Rencontre.
RFI Musique : Le sacre des Lemmings et autres contes de la lisière, pourquoi un tel titre ?
Tété : L'idée était de trouver un titre qui puisse faire le lien entre tous les morceaux, un nom qui renvoie à la thématique centrale de l'album, l'alter-sensibilité et l'altérité. Est-ce que l'espèce humaine n'est pas en train de courir à sa perte à force de ne pas réussir à interagir ensemble, un peu à l'image de cette légende des Lemmings* ? C'est la question que sous-tend cet album. Le plus grand nombre définit la norme, la barrière invisible qui existe entre ce corpus et les petites populations satellites, c'est ce que j'appelle la lisière.
Que reflètent tes chansons ?
C'est un jeu de miroirs. Ce corpus, cette société est passé au prisme de mon regard sur les choses. C'est très subjectif, de l'ordre du parti pris. Depuis deux, trois ans, l'actualité nationale et mondiale est dense, intense. Un certain nombre de sujets focalise l'attention et moi, en tant que chanteur, en tant que citoyen, je vis ces choses au quotidien. Jusqu'à présent je n'avais jamais trouvé les angles pour en parler. Aujourd'hui c'est fait. Pour moi, les chansons sont des sortes de chroniques. J'aime cette idée de ne pas donner toutes les clefs, de laisser plus de place pour l'interaction. Mon travail est de lancer des idées, pas de proposer des solutions.
Le thème de l'identité est très présent dans cet album ?
À mesure que l'on vieillit se pose forcément la question de l'identité. Pour interagir avec l'autre j'ai besoin de savoir qui je suis, ce que je suis, de savoir ce qu'est la France aujourd'hui, ce que signifie le pacte républicain… Il était important pour moi d'utiliser toutes ces choses très cryptiques, très référencées pour aborder ces idées de manière distanciée, sans stigmatiser qui que ce soit. Il y a toujours un moment où il faut s'enfermer, se retrouver avec soi-même pour savoir de quoi on a envie et de quoi on veut parler. Il existe un petit côté thérapie dans le fait d'écrire. Vouloir partager ses expériences avec quelqu'un oblige à trouver ses mots et donc, au sortir de cette discussion, d'être plus au clair avec soi-même.
Conçois-tu les textes et les mélodies comme un tout ?
Gainsbourg disait que la chanson est un art mineur, c'est vrai. Avec une chanson tu peux tricher parce qu'elle est emmenée par une mélodie, des artifices. Ça n'a rien à voir avec la rigueur qu'il faut pour écrire un livre ou une pièce de théâtre. Et moi j'aime cette idée de rigueur. Si par curiosité, quelqu'un qui ne me connaît pas et ne connaît pas mon travail ouvre le livret de mon album, il doit pouvoir se dire, même s'il n'est pas d'accord avec le sujet ou l'angle utilisé, qu'il existe une cohérence, un sens dans mes textes. Un procédé trop direct phagocyte le sujet qui en devient alors contre-productif. J'ai sciemment eu recours à cette légende jusqu'au costume et ce côté Monsieur Loyal sur la pochette de l'album. Ce sont des contes, ça ne vient pas de moi, ça vient de ce personnage-là.
Tu vis toujours entre les disques du Delta et la pop Motown ?
Oui, clairement. J'ai aussi été très marqué par l'approche en studio des Beatles, ce côté "pop song", "folk song" qui fonctionne avec une base piano-voix, guitare-voix et derrière les arrangements de facture très classique de George Martin. Je voulais retrouver la base, l'âme, l'essence même de mes chansons. Ce qui s'est précisé à travers cet album, ce sont aussi de nouvelles influences, la musique classique et les musiques européennes klezmer et italienne, pour ses chants révolutionnaires. Toutes ces musiques sont chargées d'émotions, c'est ça le pont qui les unit.
Sur cet album, tu étais réalisateur et co-arrangeur. Ton approche de la musique a-t-elle changé en travaillant ainsi ?
Pour ce troisième album, j'avais envie de m'investir encore plus dans les arrangements, de proposer des idées et c'est pourquoi j'ai travaillé avec David Hadjadj qui est, entre autres, un réalisateur de musique de films. J'arrivais avec mes morceaux et mes idées et lui m'aidait à mettre de l'ordre dans tout ça. Ce nouveau rôle s'inscrit dans un cheminement. J'étais dans une logique d'écrire des morceaux guitare-voix que je serais content de jouer chez moi et que j'aurais envie d'aller faire exister sur scène. La démarche en a donc été différente, l'enjeu n'était pas le même, tu t'autocensures moins. L'idée était de se faire plaisir et d'aller sur scène, c'est aussi ça la finalité de cet album.
* tous les quatre ans, après de véritables explosions démographiques, ces mammifères disparaissent en masse, sans que l'on sache réellement pourquoi. Accidents, régulation orchestrée par leurs prédateurs, suicides ? Mystère.
Tété, Le sacre des Lemmings et autres contes de la lisière (Epic) 2006
En concert dans toute la France dès le 13 novembre, à l'Olympia (Paris) le 13 décembre.