Le dyptique de Lourau

Apres avoir réinventé le funk tricolore avec le Groove Gang, dynamité l'électrojazz, traversé le jazz acoustique et rendu hommage à son père, Julien Lourau revient en quintet. Fire est le premier volet d'un projet qui sera suivi d’un deuxième disque, Forget accompagné d’un court-métrage du réalisateur haïtien Michaelange Quay. En attendant, le saxophoniste dispensera son efficacité live imparable en France, en Malaisie ou en Equateur...

Les nouveaux albums

Apres avoir réinventé le funk tricolore avec le Groove Gang, dynamité l'électrojazz, traversé le jazz acoustique et rendu hommage à son père, Julien Lourau revient en quintet. Fire est le premier volet d'un projet qui sera suivi d’un deuxième disque, Forget accompagné d’un court-métrage du réalisateur haïtien Michaelange Quay. En attendant, le saxophoniste dispensera son efficacité live imparable en France, en Malaisie ou en Equateur...

 

 Si Bojan Z avait laissé à son vieux complice, une caméra Aton ou même un vieux boîtier super 8 en dépôt, Julien Lourau aurait peut-être fait un  film... Il aurait alors trituré, malaxé et sublimé en technicolor ses après-midi de ballade avec enfants, ses nuits de groove et d’expérimentations ou ses soupers devant le JT de 20H00 et sa litanie d’aventures de GI’s en l’Irak ou de prisonniers en combinaisons orange à Guantanamo. Seulement voilà, l’excellent Bojan Z lui a laissé un piano Fender Rhodes un peu trop encombrant. Et notre Lourau national a écrit les grandes lignes de Fire et Forget au clavier, chez lui, avec en mémoire quelques notes montées au cours de voyages sur un séquenceur et un mélange d’actualité internationale (Guantanamo) et personnelle (Lisa et Flavio).

Collaboration avec Jeff Sharell

Entre temps, pendant près d’un an, le saxophoniste-compositeur originaire de Rambouillet a revendiqué son "groove campagnard" dans l’un des plus vieux quartiers de Paris. Sur la très branchée rue Oberkampf, au Cithéa, en compagnie de Jeff Sharel, il a laissé planer quelques invitations et échafaudé quelques expérimentations sonores. "Ma collaboration avec Jeff Sharel avait commencé bien avant, mais elle s’est approfondie pendant cette année de live au Cithéa. C’est là que j’ai commencé à utiliser le saxophone pour ses textures et non plus seulement comme instrument, en tâtonnant pour trouver une nouvelle place dans les musiques électroniques, loin des solos classiques, un peu comme le fait Jon Hassel. Toutes ces nuits ont renforcé ma confiance pour accorder à Jeff Sharel la réalisation de cet album et laisser la place à d’autres regards sur mon travail ...  Je pense qu’il est resté très respectueux de ce que l’on a joué sans abuser de l’informatique et du copier-coller".

Si le grand manitou de la production tricolore a juste subtilement arrangé les couches sonores de ce Lourau nouveau, c’est que Julien avait bien écrit le scénario et pensé le dispositif. Il lui fallait une bonne équipe (Bojan Z aux claviers, Eric Lohrer à la guitare, Daniel Garcia Bruno à la batterie et Vincent Artaud la basse), la porte ouverte aux invités (Mina Agossi, l’Anglais John Greaves, Allonymous, Sebastien Quezada ou Magic Malik), peu de répétitions, un studio très basique, pas de casque et du jeu autour de quelques directions... Pendant ces quelques jours, un disque dur tournait en permanence, seul témoin digital de cette fièvre organique. "On a joué tous ensemble comme en répétition, je voulais que ce projet soit le plus naturel possible, le plus ouvert pour avoir une matière très fraîche raconte Lourau. Puis, on a réécouté et dérushé avec Jeff Sharel pour composer une pâte sonore". Le résultat est teinté d’envolées jazz, de spoken word, de musiques d'Europe centrale ou latines, de pop anglaise, paré de couleurs tantôt électriques tantôt acoustiques.

"Tirez et oubliez"

 

    Comme deux réalisateurs penchés sur un montage de film, ordonnant des images, les deux compères réalisent alors que "cette pâte sonore" donnera finalement naissance à deux albums, deux volets d’une expérience. Il y a Fire et son faux-jumeau Forget. "C’est un diptyque qui pose la question de dualité. Il y a de l’un dans l’autre. Fire and Forget (Tirez et oubliez) c’est ce que disent les Anglais : on tire et on boit le thé. Je ne fais pas de politique, mais je trouve que cette expression parle du monde d’aujourd’hui. Qui parle encore de l’Afghanistan ? On tire et on oublie. Porter un regard sur l’actualité dans ma musique aussi clairement c’est nouveau pour moi, mais j’avais envie d’aborder le double discours ambiant, un peu à l’image de Guantanamo (un des titres de l’album), une ville coupée en deux à la fois cubaine et prison américaine".

La pâte sonore sera aussi inspirée par le grand écran et notamment par une rencontre au bar du Cithéa avec le réalisateur haïtien Michelange Quay qui propose à Lourau de composer la musique de son court-métrage présenté à Cannes, L’Evangile du Cochon Créole, supplément DVD qui figurera sur Forget. "Ma musique a souvent accompagné des images, les reportages de Thalassa par exemple, raconte le saxophoniste cinéphile, mais composer spécialement pour cela et échanger avec un réalisateur vraiment intéressé par la musique, c’est nouveau pour moi et très intéressant". Du coup, Michelange Quay devrait à son tour accompagner en images le quintet de Lourau pour quelques concerts, ce sera un baptême du feu pour Lourau. Il y aura sûrement de l’un dans l’autre. La performance promet d’être incandescente et inoubliable.  

Julien Lourau Fire & Forget (Label Bleu) 2005
En concert : à La Cigale à Paris le 5 avril