Clara Plume, entre rire et gravité

Ni vraiment slameuse ni complètement chanteuse, Clara Plume, comédienne de formation, sort un premier album, Mes fils d'encre, particulièrement stimulant, un an et demi après sa victoire télévisée avec la chanson Les Petits Plaisirs.

Certains artistes, en parlant des grandes causes et en manipulant les grands mots, ne parlent que d’eux-mêmes. Plus rarement, on en voit qui, en n’utilisant que la première personne du singulier, donnent des nouvelles de leur époque, donnent à voir et comprendre des éléments fondamentaux de leur génération, des évolutions centrales de leur société.

Clara Plume compte parmi ceux-ci, avec ses confessions, ses autoportraits rosses, ses introspections rigolotes. Elle commence son premier album en criant "j’suis pas une femme parfaite !" et le termine par un bouleversant "je resterai". Entretemps, en quatorze titres, elle révèle un des talents les plus sûrs de cette rentrée, tout à la fois chanteuse, slameuse et comédienne.

Au commencement, elle visait les planches : des années de cours de théâtre, des rôles classiques ou contemporains, la découverte de la pédagogie et de la transmission de son art… Elle fraye un temps dans le milieu hip hop puis, quand le slam déferle sur la nuit parisienne, elle plonge dans une expression qui lui permet de déverser tous ses désirs, tous ses bonheurs, toutes ses angoisses.

Des petits plaisirs

Par de beaux hasards, elle se laisse convaincre qu’elle pourrait chanter et se trouve parmi les huit cents candidats concourant pour la Fête de la chanson française sur France 2 au printemps 2008. Sa chanson Les Petits Plaisirs l’emporte haut la main et une carrière nouvelle se dessine. On lui demande d’écrire pour d’autres, Universal lui propose un contrat pour un album.

Elle conserve son goût de l’urgence et du stress fécond, écrit presque tout le disque en quelques semaines, enregistre à toute allure, le réalisateur Quentin Bachelet faisant appel à des champions de la première prise : Philippe Uminski aux guitares, banjos et ukulélés, Laurent Vernerey à la basse, Régis Ceccarelli à la batterie, Régis Gizavo à l’accordéon…

 

Clara Plume n’appartient à vraiment aucune école, aucune tendance, aucun courant. Parfois, ses chansons ressemblent à du slam, ou à des "vraies" chansons, ou à du ragga, ou même à des monologues de stand up comedian. On pense à une Lily Allen élevée par Juliette Gréco, à une Catherine Ringer avec l’esprit de Coluche, à un croisement contemporain d’Annie Cordy et de Joan Baez – le rire qui rassure devant les rudesses de l’époque, les yeux et le cœur grands ouverts, l’humanisme la fraternité pour avancer dans le monde…

Une salutaire gaieté

Son délirant regard sur L’Homme texto ou ses recettes pour lutter contre la tristesse dans L’Heure de l’amour, l’humeur ambiguë du sale gosse raisonnable de Qu’est-ce qui empêche ou le poignant message de Debout, tout chez elle mêle la comédie et la gravité, l’ironie et la compassion, la vision noblement politique et le conseil de la grande sœur.

Un détail significatif : plusieurs fois dans l’album, on surprend Clara Plume à rire en chantant. Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas entendu une aussi salutaire gaieté dans la chanson française.

Clara Plume Mes fils d'encre (Mercury/Universal) 2010