Chanteurs français cherchent export

Hier soir, mardi 21 janvier, s'est tenue au Midem de Cannes, la 12ème édition des Talents, opération destinée à présenter aux professionnels internationaux de la musique quelques artistes français en quête d'une carrière hors Hexagone. Sélectionnés par l'ADAMI et la Sacem, les candidats 2003 sont Kad Achouri, Avril, Padam et le quatuor Aston Villa.

12e édition des Talents au Midem de Cannes.

Hier soir, mardi 21 janvier, s'est tenue au Midem de Cannes, la 12ème édition des Talents, opération destinée à présenter aux professionnels internationaux de la musique quelques artistes français en quête d'une carrière hors Hexagone. Sélectionnés par l'ADAMI et la Sacem, les candidats 2003 sont Kad Achouri, Avril, Padam et le quatuor Aston Villa.

Lundi 20 janvier dernier, le Bureau Export de la Musique Française fêtait dix printemps très productifs au cours desquels chanteurs et musiciens français ont été activement promus hors Hexagone. Les résultats sont probants puisqu’en une décennie, les ventes françaises à l’export sont passées d’environ 4 millions à… 40, chiffre annoncé pour 2001. De plus, alors que l’industrie du disque française annonce une certaine santé (+4,4% de ventes en 2001) face à un tassement à l’international (-9,2%), ces chiffres ne peuvent que motiver les professionnels de la musique à déployer de plus en plus de moyens pour faire connaître la production française à l’étranger. Ils sont en cela très aidés par des organismes tel l’Adami (société de défense et de gestion des droits des artistes et interprètes) qui depuis 12 ans organise au Midem cannois l’opération Talents destinée, justement à profiter d’une audience professionnelle internationale présente sur le marché du disque pour leur suggérer quelques artistes français, souvent encore «en développement», susceptibles de se faire un nom hors de France. L’Adami organise les Talents avec la Sacem (Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique), le FCM (Fonds pour la Création Musicale) et bien sûr le Midem.

Longtemps installée sous le Magic Mirror, magnifique petit chapiteau itinérant, la manifestation se tient désormais dans une des salles du Palais des Festivals ce qui lui retire un certain charme. Déjà une centaine d’artistes a profité de cette vitrine dans le passé (Helena, Arthur H, Paris Combo, De Palmas…). Le processus est simple: chaque année, environ 200 chanteurs ou groupes sont proposés par les maisons de disques pour leur «fort potentiel à l’export». Un comité d’écoute composé des différents partenaires (sous la sous la houlette de Tina Charlon, directrice de l’association artistique de l’Adami) en choisit quatre. Quels sont les critères? Au vu des artistes sélectionnés cette année (Aston Villa, Kad Achouri, Padam, Avril), il est clair que l’on marche dans les traces de prédécesseurs ayant déjà largement fait leurs preuves à l’export.Mais par ailleurs, leurs albums circulent à l’étranger avec une certaine reconnaissance, à défaut d’un réel succès encore. Notons d’ailleurs que les efforts pour exporter un artiste ne dépend pas forcément d’un succès déjà établi sur le territoire français: on exporte très bien des gens inconnus en France et un chanteur comme Jean-Jacques Goldman s’est toujours désintéressé d’une éventuelle conquête des charts étrangers.

Né en 1969, Kad Achouri est, comme sa musique, le fruit d’un métissage, dans son cas, hispano-berbère. Ayant vécu à Barcelone et aujourd’hui installé à Londres, Kad Achouri a déjà une vaste expérience professionnelle hors de France. Il rencontre son manager, Marc Eagle (également celui de Natacha Atlas) à Athènes en 2001 et son premier album Liberté est sorti en octobre 2002 sur un label londonien de musiques du monde, Stern’s Music. Fan de world-jazz, pianiste autodidacte, voyageur, ses chances à l’export s’alignent directement dans les pas d’un Manu Chao ou d’un Rachid Taha.

A Padam, on peut souhaiter un succès à la Paris Combo, lesquels avec leur jazz parigot, ne cessent de cartonner (dans une certaine mesure) aux Etats-Unis et en Australie. Evoquant avec leur nom une Piaf encore très connue dans le monde, les cinq de Padam mêlent depuis 1998 leur sang libanais, français et polonais dans une musique-cocktail où l’on entend le monde oriental, slave, gitan ou latino, mariage qui colle de toute évidence à l’image qu’on se fait aujourd’hui des musiques françaises, entre chanson traditionnelle et musiques du monde. Après un premier essai auto-produit écoulé à 1.500 exemplaires, ils ont sorti leur deuxième album en 2001, déjà distribué en Suisse et en Belgique. Le chanteur, Nader Mekdachi avoue que le CD tourne aussi sur les platines de ses amis au Japon et au Québec. Suite au Midem 2003, une distribution nippone, voire coréenne, ne devraient pas tarder.

Pour Avril, l’autoroute French Touch ne peut que lui ouvrir des portes. Le jeune lauréat du premier prix Constantin (du nom de Philippe Constantin, éditeur, journaliste, patron de label et découvreur de talents, décédé en 1996) a sorti un premier album en juin 2002, That Horse Must Be Starving, sur le label F-Com. Outre les longues plages instrumentales down-tempo-chic, le single Like everybody else est clairement un morceau susceptible de faire un hit dans la vague électro-pop d’un groupe comme Rinôçérôse. L’artiste entame en février 2003 une tournée française mais va vite dévier vers l’Espagne et la Belgique, où l’album a été lancé en juin 2002 parallèlement à l’Autriche, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Suisse. Au printemps 2003, Avril attaque les Etats-Unis et l’Angleterre.

Dans cette configuration, Aston Villa fait figure de «star». Premier album éponyme en 1996, second en 1999, Extraversion. Puis après un douloureux départ forcé de chez BMG, le groupe revit grâce à leur signature chez Naïve et l’enregistrement d’un album live en 2001. Succès et Victoire de la Musique du meilleur Espoir 2002 (après sept années de tournées…). Le groupe s’est enfin installé en France dans une notoriété tardive mais bien méritée. Leur nouvel album, Strange, sorti en septembre 2002 s’est déjà écoulé à 60.000 copies. Le choix d’Aston Villa pour l’export est moins évident que pour les artistes évoqués plus haut mais dans la tendance actuelle, leur album s’est naturellement vu distribué en Belgique et en Suisse mais aussi en Espagne par l’antenne locale de leur label, Naïve Iberia. Licenciés aujourd’hui en Italie, le groupe se tourne maintenant vers le Québec voire l’Australie et les Etats-Unis où des radios les diffusent avec des commentaires élogieux : «Mature French Rock, an achieved singer» (2NRC FM, East Limore, Australie), «Wonderful rhythm, very-well interpreted» (W-DNA FM Miami, Floride, USA). A l’export, Aston Villa va sans doute jouer sur l’auditoire croisé de Noir désir (qui cartonne par exemple en Italie), Dolly ou Autour de Lucie.

Joli programme pour une belle opération mais il est cependant étonnant de constater un certain décalage entre le concept présenté par les organisateurs et l’attitude des artistes qui sont apparus, pour certains, lors ce Midem, peu impliqués dans ce processus destiné à les faire connaître aux professionnels étrangers. Avril en particulier a exprimé vivement son désintérêt des choses «commerciales» lançant: «Arrêtez de faire chier les artistes avec les ventes de disques!» et refusant de répondre aux questions évoquant son export, soi-disant parce qu’il n’y comprend rien. Moins offensif, le groupe Padam semble également guère soucieux de savoir si une carrière hors France est viable ou non: «Si ça marche tant mieux. Nous n’avons pas d’idées sur l’export.» Ces propos inattendus peuvent peut-être émouvoir ceux en France et ailleurs - maisons de disques, Adami, Bureau Export, tourneurs - qui travaillent à promouvoir ces artistes. Mais à l’époque des carrières academysées entièrement tournées vers les chiffres, il est rassurant de rencontrer des artistes seulement soucieux de leur musique et contents de jouer, ici ou là, tout simplement.