Kyo

Placé dans la catégorie des nouveaux poids lourds de la pop hexagonale grâce à son deuxième album en forme d’usine à tubes, le groupe Kyo effectue un retour tonitruant dans les bacs avec 300 Lésions, un nouvel opus qui tutoie dès sa sortie les places d’honneur des classements de disque. Qu’on le juge disciple d’un rock poli ou prince de la variété électrique, le populaire quatuor semble avoir trouver le chemin du succès. Au risque d’en irriter certains, pas vraiment mis K.O. par la méthode Kyo.

300 Lésions

Placé dans la catégorie des nouveaux poids lourds de la pop hexagonale grâce à son deuxième album en forme d’usine à tubes, le groupe Kyo effectue un retour tonitruant dans les bacs avec 300 Lésions, un nouvel opus qui tutoie dès sa sortie les places d’honneur des classements de disque. Qu’on le juge disciple d’un rock poli ou prince de la variété électrique, le populaire quatuor semble avoir trouver le chemin du succès. Au risque d’en irriter certains, pas vraiment mis K.O. par la méthode Kyo.

      Les artistes estampillés "grand public" le savent bien : tout succès est, par définition, suspect. Autant dire qu’avec son lot de Victoires de la musique, son camion d’NRJ Awards et des chiffres de vente à six zéros, Kyo n’échappe pas à cette règle tacite, que les scores fulgurants de leur nouvel album 300 Lésions (disque d’or quatre jours après sa sortie) ne devraient pas faire mentir. "On s’y attendait", avance Florian Dubos, qui tient la guitare au sein du groupe."Personne n’a parlé de nous pour le premier album" (justement nommé Kyo et royalement ignoré du public et des médias)."Quand le deuxième s’est mis à cartonner, on s’est préparé aussi à ce que les gens en parlent parce qu’ils considèrent que ça marche trop, et se mettent à essayer d’en tirer des conclusions sur la bêtise des adolescents aujourd’hui…".

Trop générationnel ? Pas assez tranchant ? Trop commercial ? Les détracteurs du quartet des Yvelines le verraient volontiers en accoucheur de tubes jetables, épinglant une "méthode Kyo" fonctionnant à plein régime sur 300 Lésions. Soit un mélange de naïveté textuelle et de fougue électrifiée devenue pour le groupe une quasi-marque de fabrique. "La peur que des gens n’aiment pas nos nouvelles chansons parce qu’il y a une sur-exposition, c’est le revers de l’aventure" poursuit, volubile, Flo, ("nous-même, on n'est pas les derniers à adorer un truc parce qu’il est un peu underground !", confesse-t-il au passage), évoquant pour sa défense les lettres de fans, les concerts enfiévrés ou le fait que certaines chansons du groupe soient étudiées à La Sorbonne ("du point de vue social, sur la position de la jeunesse, les sentiments"). "Il y a un besoin d’expliquer notre succès. Nous, on est juste content que les salles soient pleines, que les gens chantent les paroles des chansons."

 

 Il n’empêche : l’insolente réussite du groupe francilien n’est pas du goût de tous, surtout quand certains s’ingénient à le bombarder relève du rock made in France. Une hérésie pour les gardiens du temple binaire, d’autant que les profils du blondinet Ben Poher et de ses petits camarades – tous fils de bonne famille – s’accordent mal à la mythologie du genre. Et que leurs looks gentiment tendance, entre bad boys polis et mannequins pour gel coiffant, ne séduit pas davantage les tenants d’une branche plus volontiers "brute". Pas boys band new age pour autant, Kyo, par l’entremise de Flo, prend ces aimables commentaires avec le recul de rigueur. "Tu ne satisfais jamais tout le monde. Ceci dit, on ne cherche pas à satisfaire les gens non plus. Mais tu as toujours un gars plus extrême que l’extrême qui va dire que ce n'est pas du vrai rock. En plus, on n'a jamais dit qu’on faisait du rock pur et dur. On ne se pose pas vraiment ces questions-là. L’avantage, c’est qu’au moins, on suscite des réactions : les gens aiment ou n’aiment pas." Et de renchérir : "Je pense que plus aucun groupe n’est “rock” aujourd’hui. On pourrait se dire que le rap a pris la relève, à la limite, mais le problème, c’est qu’il ne défend pas du tout des valeurs anti-capitalistes, c’est tout l’inverse. Le vrai groupe rock aujourd’hui, c’est le mec à qui tu proposes un contrat et qui dit qu'il n'en a rien à faire et veut continuer à jouer dans son petit bar avec ses potes. Plus personne ne raisonne comme ça. De plus, on n'a jamais dit qu’on était LE groupe de rock indé, qu’on allait retourner le gouvernement et tout ça ! Il y a peut-être une incompréhension à ce niveau-là."

Il y a donc fort à parier que les réputés puristes snoberont ce Kyo nouveau millésime, malgré l’efficacité de ses riffs pleureurs et de ses accords rageurs, et qu’ils ne manqueront pas de lui adresser des tacles plus ou moins vigoureux. Qu’importe. Le groupe se montre suffisamment sincère pour s’imposer comme garant d’une certaine branche populaire du rock.

Kyo 300 Lésions (Jive/BMG) 2004