Une postérité inattendue
La glorieuse carrière posthume du chanteur Boris Vian et son influence revendiquée par beaucoup d’artistes d’aujourd’hui font oublier les échecs connus de son vivant.
L'influence de Vian sur la chanson française
La glorieuse carrière posthume du chanteur Boris Vian et son influence revendiquée par beaucoup d’artistes d’aujourd’hui font oublier les échecs connus de son vivant.
On a oublié combien Boris Vian n’a pas eu de succès. Sa destinée posthume de romancier, l’usage qui a été fait de ses chansons (et notamment du Déserteur) dans mille combats des années 60, l’aura singulière qui entoure le souvenir de son personnage depuis les années 70, sa position de référence pour des artistes actuels qui, souvent, n’étaient pas nés lorsqu’il est mort, en 1959, tout contribue aujourd’hui à faire oublier que sa carrière de chanteur a été un échec.
Cette carrière, d’ailleurs, a été très courte (au sens strict, de janvier 1954 à mars 1956, Vian ne montant sur scène qu’à partir de décembre 1954) et remarquable seulement par la radicalité de son échec commercial et critique. Certes, on parlera de certaines de ses chansons : Le Déserteur, qui le fera chahuter lors de certains concerts en province, mais qui sera surtout connu dans la version de Mouloudji, ou On n’est pas là pour se faire engueuler, qui passe à la radio dans la version de Philippe Clay… Comme auteur, il connaitra peu de vrais succès de son vivant, sauf avec ses chansons de comédie, comme Faut rigoler ou Blouse du dentiste chantés par Henri Salvador, et c’est précisément avec ce répertoire qu’il connaitra sa première gloire posthume, comme lorsque Serge Reggiani enregistre Arthur où t’as mis le corps ou La Java des bombes atomiques.
Ensuite, on ne sait plus si c’est le touche-à-tout de génie, le romancier de L’Ecume des jours, le critique de jazz ou seulement l’auteur des chansons qui séduit ses cadets. Génération après génération, on s’affirme héritier de Vian : Jacques Higelin et Brigitte Fontaine dans les années 70, Daniel Darc dans les années 80, Benoit Morel (ex-la Tordue) dans les années 90, Orly Chap tout récemment…
Les Têtes Raides chantent Je voudrais pas crever sur scène, une foule d’artistes de plusieurs générations se bousculent il y a quelques mois pour participer à la compilation On n’est pas là pour se faire engueuler. Mais comment s’en étonner, alors que Serge Gainsbourg est devenu la référence centrale de la scène française actuelle ? Car Gainsbourg dira plus tard avoir été convaincu qu’il pouvait tenter quelque chose dans la chanson après avoir vu Boris Vian sur scène. Et c’est sans doute la plus riche suite de la courte et sombre carrière de Vian dans la chanson.