Les Nubians
Paris, le 30 novembre 99. Pas forcément très connues dans nos sphères francophones, les Nubians, deux soeurs, LN (Hélène) et C-Lia (Célia) installées à Bordeaux, cartonnent depuis un an aux Etats-Unis. Elles étaient hier mardi 30 novembre en concert au Bataclan à Paris. Entretien avant le show.
Le rêve américain
Paris, le 30 novembre 99. Pas forcément très connues dans nos sphères francophones, les Nubians, deux soeurs, LN (Hélène) et C-Lia (Célia) installées à Bordeaux, cartonnent depuis un an aux Etats-Unis. Elles étaient hier mardi 30 novembre en concert au Bataclan à Paris. Entretien avant le show.
Les voilà qui reviennent à Paris. Qui donc ? Les deux filles qui font craquer l'Amérique. Elles sont franco-camerounaises. Elles chantent en français et ont vendu quelques 300.000 exemplaires de leur premier et seul album "Princesses nubiennes". A Bordeaux, elles font leurs débuts lors d'un festival local pendant lequel elles interprètent des gospels ; la presse en parle. Puis, un copain les programme en première partie de son propre groupe. C'est Virgin qui les signera pour un premier album.
Leur succès, elles le doivent au public américain. Dans la presse anglo-saxonne, les critiques sont dithyrambiques et on évoque à leur propos les grands noms de la scène Brit Soul comme Sade par exemple. LN commente : "Cela fait bizarre de voir notre nom associé à des musiciens qu'on adore. Quand on a commencé à parler des musiciens qu'il nous fallait pour faire notre album, notre directeur artistique nous a demandées de lui donner des noms. Au début, on n'osait pas trop et puis après…On a finalement enregistré une partie de l'album au studio Soul II Soul à Londres. Les musiciens qui interviennent sur l'album ont travaillé avec Omar ou Des'ree. Au moment de l'enregistrement de l'album, on a déjà trouvé ça extraordinaire."
On the road
Rapidement une tournée américaine a été organisée : "On a fait quelques 22 dates dans ce pays avec une moyenne de 1000 personnes par date. C'est un public qui nous a données beaucoup d'amour." La scène est un endroit privilégié pour les deux sœurs. Mais se produire dans un pays étranger comme les Etats-Unis donne des impressions et émotions fortes. "C'était difficile de ne pas être impressionnées. C'était le fait de venir chanter en français dans un pays anglophone. On pensait au départ que c'était les francophones qui avaient acheté l'album. Quand on est arrivé, on a découvert que ce n'était pas le cas. Principalement la communauté afro-américaine. Le premier concert que l'on a fait, c'était à Baton Rouge dans un club, il y avait déjà une espèce de tension, on avait la trouille au ventre, finalement cela s'est très bien passé. On a joué "Makeda" notre premier simple, les gens ont commencé à chanter et danser. Le lendemain on jouait à la Nouvelle-Orléans pour le Carnaval. Il y avait 40.000 personnes…" C-Lia enchaîne : "C'était effrayant. Heureusement que nous sommes deux et que nous sommes sœurs. Le groupe qui jouait avant nous avec des reprises funk était super énergique, groove... tout faisait peur." LN à son tour "En fait, quand on a commencé notre spectacle, les gens étaient très attentifs au début, observateurs. Petit à petit, ils sont rentrés dedans et puis, il y a eu un moment de communion incroyable. Quand on a entamé "Makeda", on a aussi entendu les gens chanter. Je suis sortie de scène, je ne pouvais plus parler, j'étais trop impressionnée. Les Etats-Unis, c'est le pays de la performance. C'est une grande expérience pour nous."
Si on essaie d'expliquer les raisons du succès (inattendu) mais réel au pays de l'Oncle Sam, on évoque leur appartenance à la communauté noire (afro-américaine comme disent les Américains) qui a pu favoriser le premier contact. Pourtant leur avis est nuancé. "On vient de faire la tournée et notre public est très mélangé. Sauf dans certaines villes comme à Atlanta par exemple. Mais là, c'est relatif à l'histoire des Etats-Unis…". Leur référence constante à l'Afrique (musique et textes) permet aux Nubians d'attirer un peu plus cette communauté noire américaine, très friande du retour aux sources. "Ils sont curieux de cette culture africaine qu'ils connaissent mal ou très peu. Ils vivent avec beaucoup de clichés. Ce sont les djembés ou même en remontant beaucoup plus loin, les pharaons et la Nubie…Du coup, ça exclut le métissage. On arrive à cette ghettoïsation. Mais ils savent que de l'autre côté, il se passe des choses. On leur donne une espèce de pont, de lien. Quand on va dans certaines radios, je suis contente que les gens me demandent des discographies (NDLR : des artistes africains)". C-Lia se prend à rêver de l'influence que peuvent avoir leur discours et leur attitude. "On leur offre une fenêtre ouverte…Certains se rendent compte qu'ils ne peuvent rester hermétiques aux autres communautés. On arrive à en discuter et à leur faire comprendre qu'il existe un autre point de vue, voire plusieurs points de vue. "
En ligne
La communication est leur cheval de bataille. Elles ont d'ailleurs un site internet en anglais : "Il a été fait par le label américain Higher Octave. On n'a pas encore eu le temps de le traduire en français. Nous sommes en train d'y travailler. Nous voulons qu'il soit un peu plus interactif aussi. C'est un excellent moyen de communication. J'avais été très épatée par le site de The Roots (groupe de rap américain) car pendant la tournée, Amir, le batteur rendait compte tous les jours du suivi de cette tournée, etc. Ça nous branche bien…" Dans les six prochains mois, nous annonce C-Lia, le site devrait donc être complété et amélioré. Les deux sœurs ont en effet la ferme intention de se pencher sur le sujet.
En scène
Il faut les avoir vues sur scène pour comprendre l'enthousiasme qu'elles peuvent déchaîner. Leur grâce, leur jeunesse (21 et 25 ans), leurs voix soul suaves, voire sensuelles transportent le public vers les confins de l'Afrique et de l'Amérique n'oubliant pas au passage l'Europe qui est le point de départ de leur aventure. En attendant la sortie du second album sur lequel les Nubians devraient commencer à plancher très vite, on pourra les voir en France lors des prochains festivals de printemps et d'été, avant une éventuelle tournée africaine…