RAP AU FESTIVAL-DE-MARNE
Paris, le 16 octobre 2001 - Rock, guinguette, métal, poésie, le festival de Marne a fêté pendant douze jours la chanson sous toutes ses formes. Bien sûr, le rap y figurait en bonne place puisqu'une nuit rap fut organisée le vendredi 12 octobre à Bonneuil-sur-Marne avec une affiche, certes modifiée (les Sénégalais de PBS avaient annulé) mais représentative : La Caution, MBS et La Brigade. Pourtant, le succès mitigé de la soirée pose le singulier problème de la programmation au sein des festivals.
Soirée rap dans un festival 'chanson'
Paris, le 16 octobre 2001 - Rock, guinguette, métal, poésie, le festival de Marne a fêté pendant douze jours la chanson sous toutes ses formes. Bien sûr, le rap y figurait en bonne place puisqu'une nuit rap fut organisée le vendredi 12 octobre à Bonneuil-sur-Marne avec une affiche, certes modifiée (les Sénégalais de PBS avaient annulé) mais représentative : La Caution, MBS et La Brigade. Pourtant, le succès mitigé de la soirée pose le singulier problème de la programmation au sein des festivals.
Trois groupes. Les premiers, La Caution, déjà entrevus aux côtés de la sulfureuse formation française Assassins lors d'une tournée monumentale, ne mâchent pas leurs mots. Débit incisif, textes percutants, musique(s) recherchée(s) : tension underground à tous les niveaux, pour ainsi dire. Les seconds, MBS, sortis du bourbier algérois, mêlent le chaâbi au reggae pour mieux scander leur rap anti-tueries. Ils sont devenus, malgré leur frêle jeunesse, les porte-voix d'une Algérie meurtrie. Les derniers, La Brigade, sont un collectif de militants pour la mémoire afro-caribéenne, dont le jeu de scène achève de ranimer les imaginaires endormis. Un plateau de choix pour un concert de qualité. Mais voilà… A l'ouverture, très peu de monde se presse dans la salle. Et au fur et à mesure, elle ne se remplira qu'à moitié. Rien à voir avec les foules de minots qui hantent habituellement les grands rendez-vous du hip hop hexagonal.
Un échec ? Deux spectateurs nous avancent leurs théories. L'un pense que "la réputation faite à la plupart des concerts rap a dû jouer", que "les gens ne viennent pas parce qu'ils pensent que ça va dégénérer", qu''Ils ont dû mal à faire confiance aux services de sécurité des établissements qui accueillent cette musique. Du coup, un concert qui devrait être une chose banale passe pour une galère d'office". L'autre penche plutôt pour le manque d'habitude : "Nous sommes dans une ville où ce genre d'événement n'a pas lieu tous les jours. Le public a du mal à embrayer. Même si le festival a quinze ans, le public n'est pas toujours présent par ici. Il y a certainement un énorme boulot de communication qui est fait mais les gens ne suivent pas forcément, sauf quand il s'agit de têtes d'affiches traditionnelles. Les jeunes talents, les nouveaux sons, les tendances actuelles, ce n'est pas leur truc". Vrai ou faux ? Les organisateurs jouent en tous cas sur toutes les possibilités. Le festival invite des artistes confirmés, tout comme il laisse la part belle aux nouveaux venus. Avec une palette de musiques de plus en plus différentes pour tendre la main au public le plus large qui soit.
Dilemme. Nombre de festivals hésitent à programmer par manque de moyens. Celui-ci pense les avoir, avec la confiance renouvelée chaque année du Conseil Général du Val de Marne, son parrain consacré. Résultat : les plateaux sont riches de surprises et sont surtout accessibles à un prix abordable. A Bonneuil-Sur-Marne, le concert était à tarif unique : 50 FF. Autant dire qu'il s'agit là d'une occasion rare pour les fans du genre. Ailleurs, la facture aurait été beaucoup plus relevée. Même des concerts plus médiatisés, avec des têtes d'affiches demeurent accessibles à un prix agréable. Cent francs pour les plus coûteux. En même temps, les organisateurs font un travail de proximité où il s'agit à l'évidence de faire partager des moments de musique à l'ensemble du département, d'où l'éclatement du festival sur une vingtaine de villes. A noter ce soir-là qu'à Fresnes, Arthur H ouvrait son concert avec Thierry Stremler en première partie, à guichets fermés. Tiken Jah Fakoly, Mamady Keïta et les Cools Croooners faisaient un assez bon chapiteau à Ivry-Sur-Seine. Et on pourrait lister ainsi le nombre de bons plans qui ont nourri la grande histoire du festival ce vendredi-là.
Problème d'image ? Que les rappeurs en concert à Bonneuil-sur-Marne n'aient pas entraîné autant de monde n'est qu'un détail qui permet de mieux saisir le travail entrepris par le festival de Marne. Un travail basé sur le long terme et non sur quelques échecs. C'est ce qui rend le rendez-vous incontournable et indispensable dans toute la région. Un fait cependant : la redéfinition probablement future de l'étiquette "chanson française" que s'est attribuée le festival dès sa naissance. Vouloir réduire une programmation aussi riche et diversifiée que celle de la quinzième édition à une seule tradition musicale sur l'affiche pourrait paraître réducteur. D'autant plus que la réalité est tout autre. Notons pour terminer, et justement, que le festival a pris fin ce dimanche 14 octobre avec une affiche réunissant Pierre Perret et les Ogres de Barback…
Soeuf Elbadawi