Le <em>Flower Power</em> de Trotignon Vignolo Romano

En choisissant de reprendre des thèmes du Flower Power, Baptiste Trotignon, Rémi Vignolo et Aldo Romano renouent avec l’esprit originel du jazz, art anthropophage qui se nourrit de ritournelles populaires, chantées, rechantées, enchantées. Les trois artistes revisitent le répertoire avec leur son et leur manière de jouer, animés par l’évident plaisir de mener ensemble le projet. Rencontre avec Baptiste Trotignon, avant leur concert au New Morning le 20 novembre.

Du jazz goût patchouli

En choisissant de reprendre des thèmes du Flower Power, Baptiste Trotignon, Rémi Vignolo et Aldo Romano renouent avec l’esprit originel du jazz, art anthropophage qui se nourrit de ritournelles populaires, chantées, rechantées, enchantées. Les trois artistes revisitent le répertoire avec leur son et leur manière de jouer, animés par l’évident plaisir de mener ensemble le projet. Rencontre avec Baptiste Trotignon, avant leur concert au New Morning le 20 novembre.

RFI Musique : Quelle est l’origine de l’album Flower Power ?
Baptiste Trotignon : Je situe le point de départ de l’aventure dans notre envie commune de jouer ensemble avec Aldo Romano et Rémi Vignolo. Je connais Aldo depuis longtemps et j’ai joué avec Rémi dans diverses formations. L’idée a germé à la sortie d’un concert au Parc Floral en 2004, où nous jouions aux côtés d’Aldo. Après avoir improvisé sur des chansons, un projet en trio autour de ce thème s’imposait. Une orientation encore trop large : allait-on se limiter à la chanson française ? Privilégier la variété américaine ? Des discussions enflammées menèrent à des contraintes temporelles : un répertoire exclusivement compris entre 1965 et le début des années 1970. De nous trois, seul Aldo a connu cette période. C’est d’ailleurs lui qui a trouvé le titre de l’album.
Il n’y a au final, rien de révolutionnaire ni d’original dans le projet. Il nous fallait juste une idée pour cimenter et donner corps à la formation. C’est bien la joie de jouer ensemble qui a motivé l’album, et non le répertoire, prétexte ludique et secondaire.

Comment s’est opéré le choix des titres et la construction d’un univers cohérent ?
Chacun de nous a apporté ses envies. Pour ma part, je tenais absolument à jouer Say it ain’t so de Murray Head, The End des Doors, La valse de Mélodie de Gainsbourg ou encore Black Dog de Jimmy Page et Robert Plant. Pour le reste, j’ai relevé plus de trente thèmes. Certains de Janis Joplin ou Jimmy Hendrix que nous aimions, ne fonctionnaient pas au sein de notre trio, dans ce contexte-là. Il y avait cette contrainte supplémentaire, en dehors de la thématique, de choisir des chansons transposables, dotées du matériau nécessaire à l’improvisation et adaptées à cette forme connotée qu’est le trio jazz. Nous avons par ailleurs fait le choix d’éviter les Stones et les Beatles. Notre objectif n’était pas l’exhaustivité, mais un fil conducteur balisé par nos coups de cœur.

N’était ce pas un pari risqué de traduire ces chansons baroques, bariolées, électriques, pour une formule intimiste en trio ?
C’est par son risque même que l’entreprise était intéressante. À l’inverse de la démarche d’un artiste comme Lenny Kravitz, par exemple, nous n’avons pas cherché à reproduire le son de l’époque. Nous avons joué comme nous en avons l’habitude, avec toutefois un respect profond pour les interprètes d’origine. À l’exception de Love me, please love me de Polnareff,  jouée sur un rythme ternaire propre au jazz, toutes les expositions de thème restent littérales et dans l’esprit de la version initiale. Seul change le son. Il n’y a pas de réel travail d’arrangement.  Notre fil conducteur et notre originalité s’inscrit dans ce passage d’un son à l’autre. En fait, nous sommes trois musiciens en train de s’éclater à faire le bœuf sur un répertoire éloigné du jazz.

Vous qui n’avez pas connu le Flower Power, comment vous représentez-vous cette période ?
Pour moi, et sans être original, le Flower Power, c’est le folklore de Woodstock, la drogue, les mouvement de réaction, l’émancipation féminine. Mais aussi l’apparition de l’électricité dans la musique. Le Flower Power, c’est une phase de libération créative, artistique, sexuelle, une période love, qui transpire l’amour. Les gens n’avaient pas peur, comme aujourd’hui, de tout. Surtout, les seventies étaient hyper prolifiques en matière musicale. En France, le mouvement a certainement été moins prononcé qu’aux Etats-Unis. Mais des artistes tels Gainsbourg, Léo Ferré, ou encore Polnareff, ont participé de ce mouvement anarchique et libertaire.

En tant que jazzmen, quel est votre rapport à la chanson ?
Rémi a joué avec Nougaro. La chanson est pour lui un univers familier. Quant à Aldo et moi, c’est un truc qui nous parle, qui nous touche. Ce choix nous repose de la complexité et de la sophistication d’autres musiques que j’adore aussi, par ailleurs. À l’écoute de Murray Head quand j’étais enfant, je décollais, j’écoutais ça en boucle. La chanson procure d’autres émotions que les musiques compliquées. Des émotions à base de feeling, suscitées par des mélodies simples, mais bien fichues. Il est d’ailleurs très compliqué de faire simple. Et puis la voix, avec les paroles, demeure l’instrument le plus universel. Vraiment, tous trois, nous sommes adeptes du dépouillement de belles mélodies, avec quelques bons accords.

Baptiste Trotignon/Rémi Vignolo/Aldo Romano Flower Power (Naïve) 2006