Julio Iglesias de retour en France

Il avait pourtant affirmé qu’il ne rechanterait plus en France: Julio Iglesias vient d’effectuer une tournée triomphale dans un des premiers pays non-hispanique à avoir succombé son charme. Retrouvailles émues, de part et d’autre.

«Mes jambes tremblent, ma voix est sèche, puisque je suis ici chez moi.» La main sur le coeur, quelques points de suspension dans la voix avant Chez moi, Julio Iglesias lève une vague d’acclamations lorsque, après sa deuxième chanson, il parle au public du Palais des Congrès. C’était il y a quelques semaines à Paris, Paris où il n’avait pas chanté depuis vingt ans. Quant à la province, cela faisait vingt-six ans qu’il ne s’y était pas produit et, enfin, il y a effectué une courte tournée de quatre dates encadrant ses concerts parisiens.

Pourtant, il avait fait son deuil du public français, à qui il n’accordait plus que, de temps à autre, sa présence dans un show télévisé. En 1998, il déclarait ainsi au Figaro: «Je n'ai pas chanté ici depuis longtemps et je vois un grand amour chez les gens que je croise dans la rue. Quand on me demande «pourquoi ne reviens-tu pas?», j'ai un peu honte. J'ai maintenant un tour de chant à l'anglo-saxonne qui appartient autant aux Australiens, aux Suédois ou aux Israéliens, mais quand je chante en Italie, en Espagne ou en France, je dois être Italien, Espagnol ou Français. Sinon je ne peux pas chanter. En Espagne c'est facile: c'est ma langue. J'ai fait une douzaine d'albums ici et pour les Français, je suis un chanteur français, de même que pour les Italiens je suis un chanteur italien.»

Il a enfin décidé de rompre avec ses habitudes exclusives en anglais et espagnol. Car c’est en ces deux langues que Julio Iglesias est entré dans l’histoire mondiale des musiques populaires, en tant qu’artiste ayant vendu le plus de disques de l’histoire - plus de 250 millions, ce qui représente également le record de Disques d’or, de platine et de diamant, toutes catégories confondues. Empereur de la chanson d’amour partout où l’on parle espagnol, mais également dans les pays anglo-saxons, sa carrière française était passée au second plan, même s’il a laissé dans la mémoire une série incroyable de tubes en France, à partir de Manuela en 1975. Bien sûr, il a continué à enregistrer en français, notamment par amitié pour Etienne Roda-Gil, son parolier («Un génie, je ne parle pas avec lui sur la terre, mais dans les galaxies», avait-il coutume de dire), mais de manière de plus en plus sporadique.

Aussi la nouvelle de son retour à la scène en France, peu après la sortie de quelques nouvelles chansons dans notre langue sur une version spéciale de son dernier album, Divorcio, a-t-elle suscité le réveil des fans. Public ancien qui céda aux charmes du bel Espagnol il y a trente ans, mais aussi jeunes filles d’aujourd’hui fascinées par l’indestructible charme d’une voix sans âge.

Julio Iglesias s’était fixé lui-même l’enjeu, en remaniant profondément son show habituel pour y placer une bonne moitié de chansons en français. L’orchestre n’a pas changé (une demi-douzaine de musiciens sonnant très Las Vegas des années 80), ni les choristes (trois belles plantes au chant sommaire en pleine lumière, une jeune femme au timbre époustouflant mais à la plastique moins spectaculaire exilée au fond, avec les musiciens). En France, le chanteur a présenté ses nouvelles chansons (Nathalie, Cœurs de papier, La vie défile en silence) et surtout ses titres de gloire historiques (Vous les femmes, Je n’ai pas changé, Manuela, Où est passée ma bohème, Viens m’embrasser ou un titre des années 90 à la popularité presque équivalente, La Frontière).

Mais, star mondiale et polyglotte, il puise aussi à pleins bras dans tous les grands répertoires, y piochant des classiques qu’il sert de sa voix veloutée: A Media Luz et La Cumparsita pour le tango argentin (accompagné de deux danseurs époustouflants), Can’t Help Falling in Love With You, Let It Be Me et Unforgettable pour la grande variété américaine, Caruso pour la chanson italienne et même une version un peu raccourcie de «la plus belle chanson d’amour du monde», Ne me quitte pas de Jacques Brel, pour le grand répertoire français...

Triomphes à l’applaudimètre, efficacité parfaite du geste, de la voix et de l’attention portée au public: le séducteur rappelle plusieurs fois combien le touche cette longue histoire d’amour avec la France, semble essuyer des larmes, s’agenouille au bord de la scène du Palais des Congrès pour embrasser à pleine bouche deux admiratrices extasiées... En fin de concert, il s’offre un plaisir rare sur les scènes françaises: il rechante quatre ou cinq chansons du concert, bis glorieux et extatiques qui scellent des retrouvailles réussies. Des retrouvailles éphémères? Peut-être pas: le chanteur espagnol est d’ores et déjà annoncé les 15 et 16 septembre à l’Olympia.

Julio Iglesias Divorcio (Columbia / Sony) 2003