LE BIZARRE BAZAR D’ALCAZAR
Paris le 3 avril 2002 - Bien qu’aux côtés de Pascal Comelade dans le Bel Canto Orquestra depuis des lustres, on n’a pas vu venir ou débarquer le Général et ses troupes. Et pourtant, depuis Hunting Dogs en 1992, No Comment en 1995 et surtout a Position du tirailleur en 1998, Général Alcazar - alias Patrick Chenière - emporte tous les suffrages d’un public friand de ses fantaisies musicales et de son onirisme poétique. Une poésie soutenue par le son du ukulélé dont il est virtuose et d’une certaine nonchalance musicale qui cache un sens parfait de la mélodie inspiré de ses voyages outre-mer. Globe-trotter comme Annegarn, fantaisiste musical comme Hugues le Bars et léger comme un Tiersen, Général Alcazar sort, ces jours ci, son nouvel album le Rude et le sensible.
Retour discographique du Général
Paris le 3 avril 2002 - Bien qu’aux côtés de Pascal Comelade dans le Bel Canto Orquestra depuis des lustres, on n’a pas vu venir ou débarquer le Général et ses troupes. Et pourtant, depuis Hunting Dogs en 1992, No Comment en 1995 et surtout a Position du tirailleur en 1998, Général Alcazar - alias Patrick Chenière - emporte tous les suffrages d’un public friand de ses fantaisies musicales et de son onirisme poétique. Une poésie soutenue par le son du ukulélé dont il est virtuose et d’une certaine nonchalance musicale qui cache un sens parfait de la mélodie inspiré de ses voyages outre-mer. Globe-trotter comme Annegarn, fantaisiste musical comme Hugues le Bars et léger comme un Tiersen, Général Alcazar sort, ces jours ci, son nouvel album le Rude et le sensible.
Le rude et le sensible, est-ce que ce sont là les deux aspects de votre personnalité ?
On peut dire que ce nouvel album s’inscrit dans la continuité des deux précédents. Dès le départ on était parti avec l’idée de faire une sorte de triptyque. Le Rude et le Sensible, c’est ce qui arrive à tout un chacun dans la vie. C’est à dire que le rude, c’est quand votre petite amie vous crève les quatre pneus et le sensible, c’est qu’elle vous aime encore ! Maintenant à savoir si ces deux adjectifs me concernent, c’est sûr que dans la pire des bêtes, il y a un cœur qui sommeille (rires).
Votre écriture est le cauchemar des journalistes quand il s’agit d’expliquer le sens de vos chansons. On parle souvent d’écriture elliptique, vous préférez le terme d’écriture automatique?
J’ai une langue de bois, je joue beaucoup avec les mots. Je comprends que les gens aient du mal à en dégager le sens. Ce que m’inspire, c’est une simple phrase comme "libérer la piste" (sur la Position du tirailleur, ndlr) qui annonce la visite d’un chef d’état ou d’un pape. Ce sont des scénarios qui se répètent un peu partout dans le monde et qui font l’actualité. Au niveau de la scénographie, on se rend compte que les ficelles sont toujours un peu les mêmes et moi je suis très sensible à ce genre de coïncidence, de ce qui se passe dans le monde. A ce niveau, ce sont les journalistes et leur rapport des choses qui sont mes premières sources d’inspiration. Parce que j’ai passé une grande partie de mon enfance outre-mer, j’ai toujours été un gros consommateur de radio. Et puis, quand je suis revenu en France, j’ai réappris à lire (rires) en me plongeant dans les journaux et à m’adapter à la grand messe télévisuelle. Je suis un grand croqueur d’information.
Après avoir suivi votre père militaire en Nouvelle-Calédonie, à Tahiti, à Madagascar, vous êtes revenu en France en 1965. Quelle image gardez-vous de ces pays ?
Ce que j’en garde, c’est beaucoup plus fort qu’une image. Cela m’a nourri musicalement. Ce que je fais actuellement au sein de Général Alcazar, c’est le report de tout ce qui m’a nourri quand j’étais môme. D’un point de vue de l’enfant que j’étais à l’époque, j’ai un regard et un souvenir très heureux de cette période. Et puis, avec le recul, l’histoire, la prise de conscience, je ne peux pas m’empêcher de me dire que la politique coloniale française fut un véritable fiasco. De tout ce qui s’est passé dans l'après colonialisme, quand on voit ce qui ce passe à Madagascar en ce moment… Ce n'est pas de l'aigreur mais plus ,de l'ordre du constat. Une chanson comme Une vie de pillage traite de ce sujet où au nom de la civilisation, du progrès, les uns et les autres ont pillé certains pays sans rien y apporter.
Après votre retour en France, vous êtes reparti en Afrique…
Oui, j’avais du temps à vivre et non pas à perdre et j’ai suivi des amis. Du coup, j’ai rencontré des gens comme Fela dans les années 77-78 à Accra. Je suis allé en Côte d’Ivoire, au Togo. Et puis cela m’a permis de voir des choses qui laissent des traces, le désert m’a rapproché du ciel et de l’enfer. J’ai depuis longtemps en mémoire cette image d’un gamin avec un bidon en plastique que j’ai croisé au détour d’une dune, qui devait à peine avoir dix ans et qui apparemment allait chercher de l’eau. Sauf que, j’avais beau regarder autour de moi, il n’y a avait pas à l’horizon, une seule station thermale, pas un robinet, pas une oasis… rien. Ça, c’est le genre de claque qui vous remet les choses à plat.
Ce genre de souvenir, ces considérations politiques pourquoi ne les retrouve t'on pas de manière plus soutenue dans vos textes ?
Quand je suis rentré en France, j’ai eu des accointances avec le milieu libertaire : la remis en cause de la notion de pouvoir et de certaines notions économiques. Des thèmes qui refont surface à la faveur de réunion comme le G8 et des contre-manifestations, l’antimondialisation, etc.. Le discours libertaire, on en retrouve quelques bribes aujourd’hui sur le commerce équitable, le partage des richesses. Des idées assez simples finalement.
Mais je réfute un peu l’importance que pourrait avoir un artiste par rapport à ces textes engagés. Je crois qu’il y a des gens qui font cela très bien dans ce qui est la chanson militante…
Qui ?
(Longue pose de réflexion) Fela par exemple. Disons qu’il y a des musiques pour emmener des gens au combat et d’autres musiques pour réjouir les stades. Et puis, il y a la mienne et je me demande à quoi elle peut bien servir. Plus ça va, et plus je me rends compte que c’est une espèce de scénario, de synopsis où la musique sert plus de support visuel que de construction savante. Les mots y sont des personnages qui n’ont pas de rôle bien défini, c’est une sorte de petit théâtre à l’italienne.
Du théâtre à la prison…, vous avez passé une partie de votre vie à l’ombre. Pourquoi ?
Ça m’a pris beaucoup plus de temps pour en sortir que pour y rentrer. Disons que j’ai eu un rapport toxicomaniaque récréatif qui m’a amené - comme c’est prévu par la loi - à avoir les ennuis qui s’y rattachent. Je n’en tire aucune gloire mais c’est vrai qu’avec le recul, j’ai beaucoup payé pour pas grand chose. Je ne crie pas au martyr. J’en ai simplement conservé une haine des raviolis en boîte. (rires)
Malgré mon gros handicap, j’étais complètement dépendant, j’ai continué à essayer de m’en sortir. J’ai monté un groupe dans le cadre pénitentiaire et c’est en ce sens que la musique m’a sauvé la mise. C’est pour cela aussi que je dis que je ne suis pas un musicien professionnel. C’est à dire que la musique pour moi c’est beaucoup plus qu’une simple profession. C’était un moteur essentiel pour m’en sortir …. Par contre ce séjour à l’ombre m’a beaucoup apporté pour les textes. Si vous écouté la Position du tirailleur, vous verrez que l’on trouve beaucoup de thèmes récurrents liés au venin, au poison, à l’attente… On peut parler des choses sans les nommer. Est-ce que c’est cela que l’on appelle de la poésie ? Je ne sais pas…
Propos recueillis par Frédéric Garat.
Le rude et le sensible (Le chant du monde/ Harmonia Mundi)
En concert à la Maroquinerie de Paris le 4 avril, Manosque le 13, Castres, le 26, Perpignan le 27, Alençon le 30