Les rencontres d'Africolor

C’est devenu l’un des rendez-vous pour les plus curieux des amateurs, à la périphérie de Paris (Seine-saint-Denis). Le festival Africolor élabore un programme qui, tout en proposant de classiques concerts initie des espaces de dialogue et de nombreuses rencontres inédites. Emblématique, l’union de deux trios, celui du Français Vincent Courtois et celui du Malien Zoumana Tereta, venus d’horizons a priori fort éloignés. Deux concerts de cette création intitulée Sur le fil devraient confirmer qu’il faut décidément se méfier des présupposés. Le violoncelliste Vincent Courtois s’en explique. 

Le Français Vincent Courtois et le Malien Zoumana Tereta en concert

C’est devenu l’un des rendez-vous pour les plus curieux des amateurs, à la périphérie de Paris (Seine-saint-Denis). Le festival Africolor élabore un programme qui, tout en proposant de classiques concerts initie des espaces de dialogue et de nombreuses rencontres inédites. Emblématique, l’union de deux trios, celui du Français Vincent Courtois et celui du Malien Zoumana Tereta, venus d’horizons a priori fort éloignés. Deux concerts de cette création intitulée Sur le fil devraient confirmer qu’il faut décidément se méfier des présupposés. Le violoncelliste Vincent Courtois s’en explique. 

      Comment est né ce projet ?
Nicole Seurat (directrice du centre culturel de Bamako, nda) et Philippe Conrath (directeur d'Africolor, nda) ont imaginé une rencontre entre un Français et un Malien. Nicole Seurat, que j'avais rencontré un an auparavant lors d'une tournée AFAA , a proposé mon nom et Philippe celui de Zoumana Tereta, joueur de violon à une corde, imaginant une connivence facile entre deux instruments à corde frottée ! J'ai bien sûr été séduit par cette idée, d'autant que j'avais vraiment ressenti toute la puissance artistique du Mali. J'ai juste proposé de faire la rencontre de deux groupes, deux trios, et non de deux musiciens. J’ai donc pris l'avion en mars 2005 avec mon trio (le batteur François Merville et le saxophoniste Marc Baron, nda) pour travailler une semaine avec celui de Zoumana Tereta (le joueur de gnoni Moussa Bah et le guitariste Moussa Koné, nda)

Aviez-vous étudié, écouté, leur musique avant de partir ? Et eux aussi ?
Pas énormément ! Je ne suis pas un ethnomusicologue. J'ai plutôt cherché des possibles. Des choses qui pourraient fonctionner avec eux, dans ce que je pouvais imaginer de leur musique, de manière à rester le plus souple possible. Philippe Conrath m'avait donné beaucoup de disques de musiciens maliens, que j'ai écoutés, mais je n ai pas voulu me plonger dans une véritable étude. L'idée était de ne surtout pas tomber dans le piège de l'imitation, du collage d’Européens sur de la musique africaine... ou l'inverse. Je cherchais un véritable échange. Pour cela, il semble important de partir relativement vierge, sans préjugés.

Comment avez-vous travaillé sur place ?
Nous avons d'abord improvisé pendant deux jours pour se rencontrer musicalement, que chacun prenne ses marques et puisse imaginer des choses. Ensuite nous avons commencé à structurer un plan de concert entre impro et morceau de chacun. On a travaillé comme ça une semaine à Bamako. Nous sommes aussi allés jouer en brousse dans le village de Sibi. Petit a petit, chacun a - je crois - trouvé sa place ,et finalement, chacun a pu s'approprier le répertoire. Librement. C'était l’aspect fondamental : jamais être le chef de chantier qui dit "Là, tu joues ça comme ça!"

 

 La notion d’improvisation est-elle différente entre vous et eux ?
Oui, et non. Bien entendu, de prime écoute, on peut estimer que leur musique, que l’on peut assimiler à la sphère du blues malien, est répétitive. En fait, il s’agit de variations, parfois très sensibles, autour d’un thème déterminé. Le moindre détail, le moindre changement, peut avoir une extrême importance. En gros, c’est toujours la même chose et mais ce n’est jamais pareil. Quant à mon trio, l’idée force est l’improvisation libre, autour de simples prétextes

Le rapport à la tradition est-il plus présent pour les musiciens maliens ? ou est-ce encore un cliché de penser ainsi ?
L’un des intérêts de cette rencontre est de montrer que la tradition peut être une matière vivante. Comme le jazz qui ne doit pas devenir une musique de musée, ou le classique une musique de répertoire. Les musiciens ont le devoir de faire évoluer la musique, quelle qu’elle soit. Les Maliens sont baignés dans beaucoup de traditions - il y a des dizaines de musiques très différentes au Mali... - et sont aussi inspirés par des sons venus d'autres pays d'Afrique et d'Occident. Tout arrive à Bamako, une ville grouillante et bruyante. Avec pour conséquence une évolution du son de la tradition.

Quelles sont les idées que ces musiciens vous ont suggéré sur votre propre musique ? Y a-t-il là des pistes à creuser pour le futur ?
C'est toujours la même chose qui nous manque : être capable de se sentir libre. Quoi qu'on joue. Quand Casals joue Bach, il est libre, même s’il joue un texte. A l'inverse improviser ne veux pas toujours dire être libre. Quand Zoumana chante et réagit librement, à fleur de peau, il ne se trompe jamais.

 

    Comment comprendre le titre de ce programme, Sur le fil : du rasoir ? des cordes ?
Au départ j'ai pensé à un petit jeu de mots sur les cordes frottées ... Le fil ... Et aussi le fil du funambule. C'est un programme où il y a toujours le risque de tomber : soit dans le mauvais goût de la world music mal assumée, soit dans le collage sans intérêt de deux mondes qui s'ignorent. On marche au milieu, sur le fil ...

Quel a été l’accueil du public lors du concert à Bamako ?
Fantastique. Le public malien est extraordinaire. Très ouvert et réceptif, très critique - la première qualité d'un public - et très chaleureux quand ça lui plaît. 

Qu’allez-vous améliorer ou développer pour ce deuxième essai, cette fois à Saint Denis ?
Honnêtement, refaire la même chose encore mieux... serait déjà énorme. A l'époque du tout jetable, j'ai envie d'avoir le temps de consommer et de reconsommer le plaisir de jouer avec le trio de Zoumana ! Je ne me pose pas plus de questions.

Africolor, du 25 novembre au 17 décembre
Sur le fil : le 2 décembre au théâtre Gérard-Philippe (Saint-Denis) et le 10 décembre à l’Odéon (Tremblay)