Sergent Garcia
Après avoir inauguré sa web radio au printemps dernier, Bruno Garcia, le roi du salsamuffin, est de retour dans les bacs avec La semilla escondida, un album métissé enregistré entre Kingston et Santiago de Cuba. Une nouvelle livraison fidèle à la formule qui a fait le succès Sergent - marier les riddims jamaïcains à l’énergie des bands latinos - mais qui ne se dépare pas d’un enthousiasme contagieux.
Du disque à la radio !
Après avoir inauguré sa web radio au printemps dernier, Bruno Garcia, le roi du salsamuffin, est de retour dans les bacs avec La semilla escondida, un album métissé enregistré entre Kingston et Santiago de Cuba. Une nouvelle livraison fidèle à la formule qui a fait le succès Sergent - marier les riddims jamaïcains à l’énergie des bands latinos - mais qui ne se dépare pas d’un enthousiasme contagieux.
Le but de ce nouvel album, c’est de faire encore plus distinctement une passerelle entre Cuba et la Jamaïque ?
Oui, et puis d’aller chercher les racines du son qui nous intéresse ici. Où les trouver mieux que directement à sa source? L’enregistrement a été très instructif, une étape dans mon travail. J’ai l’impression d’avoir toujours une richesse supplémentaire une fois le travail terminé. Là je me suis vraiment régalé: travailler avec le Fire House Crew qui est quand même LE son de la Jamaïque en ce moment, et avec les musiciens cubains à Santiago, c’était génial!
La tonalité est ici plus ouvertement reggae…
Un poquito quemao avait un peu cette couleur, Sin fronteras était plus latino: c’est une fusion des deux. Certains morceaux ne sont effectivement que reggae, comme Mi ultima voluntad, sur un riddim de Marley, Forever loving jah. Là, c’est vraiment pratiquement la version originale. En revanche une chanson comme Que corra la voz est un morceau ska qui au milieu se barre dans un rythme un peu tropical, revient sur le ska, repart reggae…J’aime bien ce genre de fusion, casser le style… Et puis j’avais envie avec cet album de revenir à un truc plus brut, plus direct. De surprendre encore, ne pas me répéter, aller dans d’autres directions. D’où l’idée de travailler avec des musiciens locaux, pour changer aussi de son, aller plus loin dans ma recherche de musique.
La semilla escondida a été enregistré dans les Caraïbe, peut-on considérer vos disques comme autant de notes de voyages, d’albums photo en musique ?
Oui et non. Au départ, à l’époque de Un poquito quemao, je voyageais surtout dans ma tête! Depuis, c’est vrai que j’ai vu beaucoup de pays, et que j’en retire à chaque fois des impressions dont naissent des chansons. Ceci dit, ce que je faisais au départ était le fruit des réflexions que je me faisais sur le monde. Là, c’est vrai que je le vois plus en vrai, mais ce n’est pas tellement différent de ce que je m’imaginais…
Vous imaginiez-vous par exemple que des fans cubains seraient prêts à monter un fan club à Guantanamo, comme c’est le cas aujourd’hui ?!
C’est assez incroyable, d’autant que c’est le premier qui existe officiellement! En France, comme je chante l’essentiel de mes chansons en espagnol, les gens ne comprennent pas le contenu - d’ailleurs il y a les traductions sur mon site web - et restent sur le côté groupe festif etc. Mais dans des pays comme l’Amérique du sud ou Cuba, les textes prennent une autre dimension. Je me suis aperçu de ça en voyageant: quand je suis arrivé à Cuba et que j’ai vu qu’il y avait le fan club, les gens disaient «on aime Sgt Garcia, parce que ce qu’il dit dans ses chansons, c’est notre philosophie, c’est ce qu’on a envie d’entendre!».Ça te touche quand même, c’est impressionnant!
Est-ce que d’une certaine manière votre musique prend sa vraie dimension hors des frontières hexagonales ?
Dans un sens, mais la plus grosse partie de mon public est en France. C’est la base, et c’est ici à Paris en particulier, qu’est né ce projet, parce que c’est une ville qui inspire ce genre de chose. C’est une ville super cosmopolite, une ville de mélanges, de musique. Il y a énormément de musiciens ici. Donc c’est un projet qui devait naître ici. Mais c’est clair que le message est assez universel… Qu’on est peu de temps sur terre, et qu’il faut essayer de le vivre le mieux possible, le plus dignement possible. C’est pour ça qu’on se bat.
Votre activité, c’est aussi Radio Timbo, votre propre station sur internet. Comment est venue cette idée ?
La radio c’est quelque chose qui m’a toujours fasciné. Au tout début des radios libres, j’avais fait une émission punk, sur une petite radio en banlieue. Etant musicien, de l’autre côté de la barrière, je m’aperçois de l’importance de tout ça, et je trouve ça génial cette façon qu’a la musique de voyager. C’est pareil pour les DJs: ils reçoivent des disques de pays différents, ils les jouent dans des soirées et tout à coup, ça prend une dimension qui n’existait pas avant! Mais à la radio, j’entends toujours les vingt ou trente mêmes morceaux. Je me trompe peut-être, mais j’entends beaucoup moins de programmations un peu "parallèles", d’animateurs qui font leur propre programmation, vont chercher des disques pour les faire découvrir. Ce côté qu’avait la radio au tout début, on peut le retrouver sur le net. Donc je me suis dit: on va faire une radio sur Internet! C’est assez rigolo parce qu’on fait ça chez moi dans mon salon, qui est aussi mon studio… Donc des fois, on pousse les instruments, on met la table, les micros et on dit : allez, c’est parti. Emission de radio! L’idée c’est de faire découvrir des sons, pas forcément des choses qui ne sont pas commerciales. C’est pour ça que sur Radio Timbo on retrouve du son mexicain, jamaïcain, cubain, africain, etc. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est qu’on peut aussi faire des émissions à thème, dans lesquelles j’invite des DJs, par exemple un spécialiste du reggae, ou un autre copain DJ spécialiste de musique africaine nigériane qui va nous parler de l’afro beat, etc. C’est un truc excitant parce que c’est du direct, ça va vite, trop vite d’ailleurs: je n’ai pas eu le temps de remettre la programmation à jour!
Propos recueillis par Loïc Bussières
La Semilla Escondida (EMI/Labels)