René Lacaille
Réunionnais installé en France depuis des années, l’accordéoniste René Lacaille n’a jamais oublié le goût de la canne mapou, la plus tendre et la plus sucrée de toutes les cannes à sucre qui poussent sur ce rocher volcanique perdu en plein océan Indien. C’est d’ailleurs de ce nom que ce gourmand gourmet a baptisé son dernier opus, un album à croquer sans modération.
Doux et craquant comme la canne à sucre
Réunionnais installé en France depuis des années, l’accordéoniste René Lacaille n’a jamais oublié le goût de la canne mapou, la plus tendre et la plus sucrée de toutes les cannes à sucre qui poussent sur ce rocher volcanique perdu en plein océan Indien. C’est d’ailleurs de ce nom que ce gourmand gourmet a baptisé son dernier opus, un album à croquer sans modération.
À quelques jours de Noël, entre deux séances de travail sur son accordéon, René Lacaille songe au coq à la créole qu’il va préparer pour ce repas de fête. Sans véritable recette, il se laissera aller au gré de son inspiration : "Au vin ou à l’eau, je ne sais pas encore. Le gingembre, l’ail, les petits oignons et le coup de main feront le reste", assure-t-il. Le coup de main, c’est ça le secret de cet accordéoniste qui a joué avec tant de musiciens : de Bob Brozman à Manu Dibango, de Ray Lema à Jacques Higelin, sans oublier Yuri Buenaventura, Georges Moustaki, la Familia Miranda, Khaled, Raul Barboza ou Antonio Rivas… "Le coup de main, c’est beaucoup de travail", assure-t-il tout en avouant prendre de plus en plus de plaisir à passer des heures sur son foutu instrument et de plus en plus en plus de plaisir à se régaler de sa cuisine. "Rien n’est instantané, mais le travail, ou plutôt le plaisir que tu y prends, est toujours payant. Avec un accordéon, tu peux faire la mélodie et la basse. Un peu comme le piano, mais en plus complexe car tu joues sans voir les touches, comme un pianiste aveugle."
C’est à la Réunion, aux côtés de son père, qu’il a commencé la musique à l’âge de sept ans. "J’ai appris avec de mauvaises habitudes, de mauvaises positions des doigts ; mais je me suis surtout formé à jouer toutes sortes de musiques. À l’époque, nous animions les bals au son du séga ou du maloya, mais aussi du boléro, tango, cha cha cha, samba, paso doble, calypso, valse, quadrille", se souvient-il. Pas étonnant que, plus de 50 ans après, son tout nouvel album Mapou, enregistré avec entre autres son fils Marc et son neveu Yanis, soit encore imprégné de cette diversité rythmique.
Les parfums du péyi
La musique et la cuisine sont, selon lui, des pans de la culture qui se partagent très facilement. Encore faut-il que les ingrédients de base et les condiments aient suffisamment de saveurs; comme ceux qu'il trouve au péyi, à La Réunion. Sur la chanson Kizi’n Man, neuvième titre de ce Mapou qui en compte vingt, il n'hésite pas à conjuguer ses plaisirs. "Musique et cuisine vont ensemble à La Réunion. J’ai appris les deux pour me rappeler mon pays. Seule, la mer me manque. Aujourd’hui, j’y retourne souvent. J’adore La Réunion mais au bout d’un mois, j’ai envie de partir." C'est à l'occasion de son service militaire, effectué dans les années 60, qu'il a découvert la métropole : "J’ai fait mes dix-huit mois, plus trois de rabe en prison car je jouais en même temps dans un orchestre avec un musicien pied-noir et un tunisien. Nous nous produisions dans un bar sur la Canebière à Marseille et dans les fêtes des environs. J’ai souvent abandonné mes gardes pour la musique. Mais j’étais heureux."
Sûr de son goût à lui, René Lacaille a ainsi rencontré de nombreux musiciens dont le guitariste Bob Brozman. "C’est un être exceptionnel qui donne sans retenue. C’est grâce au succès de Digdig, l’album que nous avons enregistré ensemble et qui s’est vendu à un peu moins de 40.000 copies, que j’ai pu sortir Mapou. Il m’a ouvert des portes. Nous devrions graver ensemble un deuxième volume cette année, sûrement après notre tournée en Tasmanie et Australie", pronostique-t-il. Par ailleurs investi dans un septet avec les accordéonistes Raul Barboza et Antonio Rivas qui semble le rendre particulièrement heureux, René Lacaille espère entrer en studio en 2005 avec cette formation. Autre projet attendu pour le dernier trimestre 2005 par l’accordéoniste : une rencontre à l’initiative du festival Africolor avec le chanteur nordestin (Brésil) Valdir Santos, remarqué entre autres sur le dernier opus des Toulousaines Bombes 2 Bal. "Je ne vais pas jouer comme un Brésilien mais comme un Réunionnais. C’est comme cela que ça a des chances de sonner", assure-t-il.
René Lacaille Mapou (World Music Network/Harmonia Mundi) 2004