PARCOURS CHANTÉ EN BELGIQUE

Bruxelles, le 16 mai 2002 - Situé dans une des plus belles salles de Belgique, le Botanique, le Parcours Chanté, qui s’étire d’avril à fin mai, est l’occasion rêvée de faire un petit tour sur la scène belge, montante, très éclectique ou... rock-électrique. Daniel Hélin, Jeronimo, Arolde, autant de noms nouveaux qui pourraient enchanter vos rêves, un jour...

En avril et mai, la scène belge s’éclectise

Bruxelles, le 16 mai 2002 - Situé dans une des plus belles salles de Belgique, le Botanique, le Parcours Chanté, qui s’étire d’avril à fin mai, est l’occasion rêvée de faire un petit tour sur la scène belge, montante, très éclectique ou... rock-électrique. Daniel Hélin, Jeronimo, Arolde, autant de noms nouveaux qui pourraient enchanter vos rêves, un jour...

Pas tout à fait un festival, pas vraiment une école de scène, le Parcours Chanté, sixième du nom, entend montrer aux publics ce qui se fait de mieux aujourd'hui en dehors des voies tracées dans le béton par la grande industrie. «A côté de la grande industrie, il y a un tas d’artistes qui arrivent par des voies alternatives et indépendantes créant une culture tout à fait professionnelle. Nous misons sur une création qu’on n’entend peu sur les radios, qui bénéficient de peu de promotion de la part des maisons de disques et sont en lien direct avec le terrain» explique Paul-Henri Wouters, responsable de la programmation. Et il faut le reconnaître, «il y a une sensibilité francophone pour des projets plus personnels. Tandis que la culture anglo-saxonne est plus sensible à des projets formatés».

La quarantaine d’artistes présents partage ainsi sinon une langue, du moins une originalité propre. Des Français bien entendu, plus ou moins connus (Charlélie, Burgalat, Danyel Waro, Coralie Clément, Dionysos, Rinôçèrôse), une flopée de musiciens world talentueux (la Béninoise Angélique Kidjo, la Cubaine Maria Ochoa ou le mix brésilien-germano-néerlandais, Zuco 103), et une bonne pincée d’artistes du cru, de Wallonie et de Bruxelles. L’idée du Parcours vient d’ailleurs de la francophonie, «des amitiés avec des gens du Québec qui montraient une manière de faire la fête en chanson française, des textes, des musiques, des personnalités» raconte Paul-Henri Wouters. «C’est vrai qu’il y a un modèle québécois de vitalité». C’est ainsi qu’en 1997, le Parcours Chanté démarre sa première édition, sous la forme classique d’un festival. Quatre jours de musique essentiellement francophone. Mais très rapidement, la formule "quota" atteint ses limites : «Nous ne voulions pas nous limiter aux artistes disponibles ce jour-là. Et nous avons alors conçu un projet, plus organique, plus fluide, et peut-être moins prétentieux qui se veut, avant tout, à l’écoute des "germinations"». Et empreint d’un lyrisme, Paul-Henri Wouters conclut : «Plutôt que de tirer vers le haut à tout prix une plante, on a décidé de s’installer sur le printemps entier. On regarde ce qui pousse, quitte à ce que cela prenne deux mois».

Bonnes pousses

Au fil des années, le parcours a sinon lancé, du moins consolidé des artistes. Le premier concert de M, c’était ici. Rinôçèrôse également. Pour la foisonnante scène wallonne et bruxelloise, surtout, le Parcours Chanté représente une aire de lancement ou d’expression incomparable. Des artistes innovants comme Daniel Hélin sont ainsi passés sur cette scène. Hélin, pourrait être à la musique belge ce que Higelin a apporté à la chanson française il y a quelques années. Il produit des textes d’une rare poésie, expérimente des sons de musique classique, blues, rock, conçoit son engagement comme un fait naturel pour un gars qui réfléchit sur le monde. «Vive le Chiapas, à mort Dallas !» lance t-il sur scène. Mais il refuse pour autant de se voir porte-étendard d'un mouvement quelconque. Car son monde est avant tout celui de la musique. Dans son deuxième album Les Bulles se trouvent des chansons douces-amères qui s’épanouissent à la lecture des textes.

Dans un style plus dépouillé, mais tout aussi révolté, la chanson d'Arolde entend vous attirer de l’autre côté du miroir, dans un univers où se mêlent ambiguïté du rêve et difficulté de la réalité. Toujours fidèle à l’esprit libertaire revendiqué par son ancien groupe, les Brochettes, Zoé, la chanteuse qui exerce dorénavant ses talents en solitaire, surprend par des nouvelles chansons qu’elle interprète de façon déroutante. Noël Godin, dit le Gloupier, de profession entarteur¹, adore celle qui a été un temps choriste de Maurane (à l’Olympia en 1999). Et effectivement, il y a quelque chose de vraiment personnel dans ses chansons, une façon unique d’exprimer les choses. Son leitmotiv «déstabiliser l’économie mondiale, supprimer l’argent, vivre heureux» est son art de vivre. Pour autant, Arolde n’oublie pas qu’elle est artiste. Son spectacle créé pour le Parcours Chanté, et qui se retrouvera aux Francofolies de Spa en juillet, est à la fois ludique et féérique. Entre un limonaire, un orgue de barbarie géant fabriqué pour l’occasion, et un petit boitier électronique, l’artiste qui revendique son «ignorance du solfège» présente un spectacle tout autant visuel que musical. Là où d’autres artistes se cantonnent à leur unique prestation vocale, Zoé joue aux ombres chinoises et aux jeux de couleurs. Un vrai personnage de bande dessinée. (www.arolde.com)

Côté rock en français, il faut sûrement faire un détour par Yel. Ils ne sont pas vraiment nombreux, en effet, les artistes du Plat Pays à cultiver les sonorités anglaises et à oser chanter en français. Dans Sagesse et ivresse, le titre de leur premier album, ces quatre Wallons originaires de Louvain-la-Neuve, utilisent des textes simples. Est-ce un clin d’oeil à Godard ? Mais leur Nouvelle vague, “Assieds-toi, écoutes-moi. Je vois des choses que tu ne vois pas.” pourrait illustrer un des films du maître. Tandis que le Je suis in - “Je vis au milieu des rives. De tout bord pris à la dérive. Mon ombre, délai 10 secondes retarde sur vos longueurs d’ondes. Incertaine des nouvelles tendances. Je me fie entre deux mouvances" pourrait sonner le rappel d’une génération. Ils occupent la scène avec une bonne dose de folie. Leur rock est spontané, incisif et mélodique. (www.yel.be)

Les Hutois

Dans une autre veine, plus pop et électro, il faut aller observer les Hutois. Non pas une nouvelle tribu indienne, mais plusieurs groupes natifs de Huy, une petite ville à côté de Liège, rassemblés sous le label Anorak Supersport. Leur musique n’est pas uniforme. Et c’est ce qui fait le charme de cet habit nouveau. Mixé et mastérisé au Rising Sun par Rudy Coclet, le fidèle ingénieur du son d’Arno, le dernier album de Raphaël Grignet, Poptronic, est truffé de pop et d'électronique. Pop par ses chansons et électronique par ses influences dont certaines sont à chercher du côté de New Order. Chez Pink Satellite, on travaille à deux. Olivier compose, Cédric mixe. Après la finale du Concours Circuit, l'album Electrolidays In Levitation a vu le jour fin 2001, un album aussi fédérateur que les sets du duo, destinés aux accros du dancefloor comme aux envies de cocooning. Mais le duo est appréciable en concert, tant par la qualité de sa house que par la chaleur des atmosphères qu’il arrive à distiller, l’air de rien. (pinksatellite.anotherlight.com ).

Mais celui que nous préférons, et qui devrait vous enchanter de ses rocktournelles, c'est sans nul doute Jéronimo et son éternel "petit groupe" (soit un bassiste et un batteur). Quand il apparaît, le crâne pas bien garni, tenant sa guitare d’une main un peu gauche, on pourrait se dire : un chanteur français (pardon ! francophone) de plus. Et non ! Cette découverte belge, Jérôme Mardaga de son vrai nom, a le rock simple - avec batterie et basse à cinq cordes - intelligible (ce qui est rare) et gai. Tout comme ses textes. Occupant sans relâche ses machines pour aviver des chansons en français riches en humour acide et en propos décapants, il parle de toutes ces petites choses qui font la vie tragique, belle, drôle, moche et plus si affinités… On y retrouve également toutes les influences musicales auquel l'artiste s'est confronté (Velvet, U2, John Barry, My Bloody Valentine). Car si Jeronimo a une spécialité, ce sont les histoires tristes comme Ma femme me trompe ou J’ai peur des Américains (une reprise de Bowie, en français). Elles sont contées avec une telle aimable dérision, que le sourire affleure souvent. Quand Jeronimo regrette «l’éternel petit groupe, qui jamais ne sera grand, car trop soucieux de bien faire», le propos, un tantinet autobiographique, est plus ironique et critique... A l’image de cette Sarah rencontrée «tout à fait par hasard, le jour de mon mariage. Mon mariage est foutu, merci Sarah»… A lire au premier ou au deuxième degré.

Nicolas Gros-Verheyde

Jusqu’au 23 mai au Botanique, à Bruxelles

www.ais.be/botanique/frame2.html

¹Noël Godin s'est rendu célèbre en lançant des tartes à la crème au visage de célébrités.