PORTRAIT DU MARDI : CLAUDE CHALLE
Paris, le 2 octobre 2001 - Claude Challe est un de ces rares personnages qui ont toujours été au bon endroit, au bon moment. Styliste sonore, propriétaire de boîte branchée, chantre de l'ethno-électro, voyageur, la sortie de sa nouvelle compilation Sun nous permet de rencontrer cet homme aux mille vies. Libère tes chakras, frère !
Parcours d'un ambianceur
Paris, le 2 octobre 2001 - Claude Challe est un de ces rares personnages qui ont toujours été au bon endroit, au bon moment. Styliste sonore, propriétaire de boîte branchée, chantre de l'ethno-électro, voyageur, la sortie de sa nouvelle compilation Sun nous permet de rencontrer cet homme aux mille vies. Libère tes chakras, frère !
Rencontrer Claude Challe est un exercice périlleux. D’abord, parce qu’on ne sait jamais dans quel état d’esprit on va le trouver et surtout à quel moment. De retour de Bali ou d’Ibiza ? Entre deux avions, c’est certain, et toujours pris entre de multiples sollicitations. Après quelques semaines de tractations et quelques reports, j’ai enfin rendez-vous avec lui et chez lui. A deux pas de la Place de la Bastille, l’ascenseur privé me mène directement dans un appartement où Shéhérazade aurait aimé passer quelques jours… L’Orient en plein cœur de Paris et sur trois étages ! Claude Challe est au téléphone, il laisse un message à un accordéoniste pour une session studio prévue la semaine prochaine. Affable, poli et grillant clopes sur clopes, l’auteur des compilations Buddha Bar est ce qu’on appelle un bavard, dans le bon sens du terme. Dans le jargon des journalistes, on appelle ça un bon client. Les écrivains diraient un personnage de roman, mais attention, pas de gare…
L’électronique ou ma seconde jeunesse
Il y a 5 ans, Claude Challe s’est retrouvé ruiné, sa banque ayant mis la clef sous la porte. Difficile quand à 19 ans, on était déjà riche grâce à un salon de coiffure où la musique était jouée plein pot. "La musique a toujours été ma passion, mon obsession. Chaque fois que j’ai ouvert une affaire, elle était omniprésente. En 96, j’ai du redémarrer de zéro, alors j’ai fait le DJ. Grâce à la musique électronique moi qui ne suis pas musicien, je suis en train d’enregistrer mon premier album. Impensable il y a 20 ans. Tu te rappelles le premier tube des Rita Mitsouko, Marcia Baila ? Il a été enregistré dans une cuisine. Les idées et l’énergie sont aujourd’hui aussi importantes que le solfège et l’apprentissage d’un instrument. C’est fantastique. C’est la bidouille pour tous."
Le coup de génie de Claude Challe aura été, sa vie durant, de penser ce que seront les modes de demain. Anticipant plus qu’il n'innovait : "Quand j’ai ouvert mes premiers restaurants, je trouvais triste d’aller dans un endroit pour manger uniquement italien, japonais ou thaïlandais, alors j’ai proposé tout cela à la fois. La world fusion était née et se déguste désormais dans tous les bars branchés du monde. C’est pareil pour la musique. Il y a 10 ans, quand on m’a proposé une émission de radio, je mixais chants mystiques et rythmes électroniques. C’est exactement la même musique que tu retrouves aujourd’hui sur mes compilations. Tout ce dont j’ai eu envie en premier, le public en a eu envie ensuite." C’est simple la vie, non ?
Double culture, multiples cultures
Le succès des compilations Buddha bar a coïncidé avec l’arrivée des musiques dites lounge. Derrière ce terme, on peut mettre à peu près n’importe quoi, c’est à dire le trip hop, l’ambiant, le nu-jazz, l’easy listening, l’ethno-world, la liste n’étant pas exhaustive… La "Challe touch" réside dans la fusion entre les beats électroniques et les sonorités orientales. "C’est cette fusion qui m’intéresse. Comme je suis né en Tunisie mais élevé dans un pays occidental, j’ai les deux cultures. La musique électronique sans instruments traditionnels, ça ne fonctionne pas selon moi. Quand je parle de musique orientale, j’intègre l’Europe de l’Est, l’âme slave. Je suis né juif mais je me sens plus proche des Maghrébins que des juifs européens. Je milite pour notre confrérie, c’est un combat passionnel. Pour moi sortir sur mon label Chall’O Music le premier album Karmix d’origine maghrébine, c’est bien sur un geste politique."
Quand on demande à l’ancien responsable du Palace et des Bains Douches, comment il explique l’explosion de ces compilations "downtempo", comprenez aux rythmes lents, sa réponse est surprenante mais non dénuée d’intérêt : "C’est très simple. Il suffit de réfléchir à ceux qui se rendent en club pour écouter de la musique aux BPM survitaminés : les gays, les jeunes et ceux qui se sont perdus un samedi soir en boite. Alors que ces compilations, qui les écoutent ? Tous ceux qui fument des joints. Ils sont nombreux, crois-moi…" On le croit.
Baba ou bobo ?
Claude Challe s’apprête à fonder un nouveau restaurant, le Nirvana dans la très chic avenue de Montaigne à Paris. Mais n’y a t’il pas une contradiction entre le Challe très porté sur le spirituel et le Challe plus jet set ? "Pas jet set", rétorque t’il agacé, "Jet "lagé", oui. Je me suis toujours senti décalé. Je me sens plutôt comme un hippy chic. Certes, on m’invite dans les soirées jet set mais c’est pour jouer. Ce qui est clair c’est que j’aime beaucoup le bien être…" Vu l’appartement, on s’en serait douté… "L’argent est pour moi synonyme de liberté. Si je courais après l’argent, avec le succès de mon salon de coiffure, j’aurais pu être rentier à 19 ans."
Personnage atypique de la scène musicale française, Claude Challe a signé avec son hommage au soleil, Sun, sa meilleure compilation à ce jour. Moins baba que d’habitude et plus éclectique que jamais. Mais c’est surtout avec son premier album en gestation que Challe doit désormais prouver qu’il n’est pas seulement un directeur artistique hors pair mais aussi un créateur. Et pas seulement d’entreprise.
Sun (Chall'O Music / Wagram)