Serge Teyssot-Gay en dialogue musical

Guitariste de Noir Désir, Serge Teyssot-Gay s'est associé au joueur de oud syrien Khaled AlJaramani pour enregistrer l'album Interzone. Au-delà des barrières de la langue, les deux musiciens osent un dialogue autour de leur amour pour leurs instruments à cordes respectifs. Récit par Serge Teyssot-Gay.

Histoire d'une rencontre inattendue

Guitariste de Noir Désir, Serge Teyssot-Gay s'est associé au joueur de oud syrien Khaled AlJaramani pour enregistrer l'album Interzone. Au-delà des barrières de la langue, les deux musiciens osent un dialogue autour de leur amour pour leurs instruments à cordes respectifs. Récit par Serge Teyssot-Gay.

 

 C’est à Damas, en 2002, lors d’une soirée privée organisée par Sylvain Fourcassié, le responsable du Centre culturel français dans la capitale syrienne, que Serge Teyssot-Gay et Khaled AlJaramani se sont rencontrés pour la première fois. "Nous étions en tournée au Moyen-Orient", se souvient le guitariste de Noir Désir. "Khaled Aljaramani avait été invité à jouer lors de cette réception. J’avais été très attentif et assez subjugué par son jeu qui laissait deviner une certaine liberté et une grande ouverture d’esprit. Comme moi, il possède un jeu très émotionnel et à la fois largement ouvert aux autres. Très pointu sur les musiques orientales et du Maghreb, il est avide de découvertes. Il se moque des barrières. Il projette sa musique. C’est un joueur de oud qui possède une superbe attaque à la main droite. Il est capable d’envoyer le boulet très loin. L’envie de travailler ensemble nous a semblé évidente à tous les deux après qu'il ait assisté à notre concert."

Khaled AlJaramani avouera plus tard au guitariste avoir été emballé par le groupe, son homogénéité et frappé, ajoutait-il, par le jeu du batteur qui n’est toujours que sur l’essentiel, offrant aux autres une véritable assise rythmique. Dernier détail, il reconnaissait avoir été séduit par les libertés que pouvait prendre Serge à la guitare qui, sans jamais perdre le rythme, pouvait inventer des digressions tout à fait personnelles. Restait donc à concrétiser ce désir de rencontre.

Les plannings du guitariste et du professeur de oud au Conservatoire de musique de Damas et à l’Institut de musique de Horms n’offrant aucun créneau immédiatement, ce n’est qu’un an plus tard, en octobre 2003 que Serge et Khaled se sont retrouvés à Damas lors d’une mini-résidence de quatre jours. "Nous travaillions de 9h00 à minuit", se rappelle-t-il. "Nous avons créé un morceau par soir, c’est dire si la communication a été bonne."

Sans idées préconçues

 

   Prolongé par un deuxième temps de travail à peine plus long en France, le duo se produit en janvier 2004 lors de deux concerts à Saint-Ouen en proche banlieue parisienne. "Khaled n’était jamais venu en Europe. J’étais très heureux de partager cet instant avec lui. D’autant que nous sommes partis de rien", confie le guitariste, avant de revenir sur le processus de création de cet étonnant répertoire : "Nous avons travaillé sans a priori. C’est en partie ce qui fait que ça a fonctionné. Je crois qu’il existe entre nous un immense respect, une forte envie de créer des ponts et une vraie écoute de l’autre. Chacun, tour à tour, a proposé un thème musical sur lequel nous avons développé ensemble. À la différence de la musique occidentale, du rock qui est plus solide, qui apparaît tel un building, la musique orientale se construit sur la route, au fur et à fur à mesure des avancées. Nous avons donc procédé ainsi, sans jamais être ou chercher à être, sur le terrain de la concession. Nous n’avions pas le temps pour ça", explique-t-il.

 

 

 Baptisé Shataraban, le premier titre de cet album fait référence à un endroit où deux fleuves se retrouvent et mélangent leurs eaux. Métaphore évidente de la rencontre entre ces deux musiciens, cette composition est, selon Serge Teyssot-Gay," le titre le plus proche de notre futur, de ce que l’on est amené à partager ensemble. C’est un morceau qui ouvre des perspectives. Notre propos est basé sur l’intention." Enregistrés en une petite dizaine jours, ces neuf plages (auxquelles vient s'ajouter un titre caché qui se termine par un grand éclat de rire) sont des lignes directrices qu’ils réinterpréteront à chacun de leurs concerts prévus au cours des deux mois à venir.

"Pour l’enregistrement, on n’a rarement fait plus de quatre prises. La dernière était la bonne. De même, sur scène, on ne cherchera pas forcément le confort, mais plutôt l’authenticité, la véracité du moment. Je travaille par exemple avec un sampler que j’actionne en direct. Je ne conserve pas les boucles, mais je les recrée à chaque concert. C’est forcément à chaque fois un peu différent. Cela nous oblige à être vraiment attentif l’un à l’autre, à ne pas jouer la redite. À être réellement exigeant."

 

Serge Teyssot-Gay & Khaled AlJaramani Interzone (Barclay/Universal) 2005