Ainsi parlait Nosfell
Salle comble à la Cité de la musique à Paris, ce mardi 27 novembre pour découvrir la création de Nosfell, le chanteur, guitariste et ambassadeur du Klokochazia, contrée presqu’imaginaire. Accompagné sur scène de 23 musiciens classiques, il nous convie au Lac aux Vélies, un conte retraçant le terrible destin de Günel, maître de guerre des plus violents. Un pur moment de féerie !
Ovation debout à la fin de la représentation. Les yeux pétillants, une spectatrice se tourne vers sa voisine : "C’est fou, non ?" Cette dernière, ravie, acquiesce. A la sortie, un couple de quarantenaire qualifie Le Lac aux Vélies d’"étonnant". Deux post ados, au vocabulaire moins étoffé, se contentent d’un "super", tout aussi laudateur. Quelques grincheux regrettent que le public ait applaudi après les morceaux chantés : "ça coupait le rythme de l’histoire".
Il ne s’agissait pas d’un concert proprement dit mais plutôt d’une annexe comme le qualifiait Nosfell avant le spectacle : "On peut aussi parler d’un hors série. J’ai choisi des chansons dans mes deux albums qui concernent l’histoire du Lac aux vélies et qui mettent en scène Günel. L’idée est d’aller sur une forme plus traditionnelle du conte alors que les concerts proposent une forme plus éclatée, où ce n’est pas grave si je ne finis pas à chaque fois l’histoire. C’est aussi un prétexte pour aller vers une esthétique musicale différente qui permet de se faire plaisir et de chercher avec mes copains."
Invité par la Cité de la musique, Nosfell a pu assouvir une de ses envies : lorgner du côté de la musique classique. Pierre Lebourgeois, son complice violoncelliste, s’est chargé d’écrire les arrangements. Un ensemble est créé pour l’occasion (avec notamment Olivier Daviaud au piano, responsable de l’orchestration du dernier album de Dionysos) et pour faire bonne mesure, 6 choristes et 10 lauréats du Conservatoire de Paris sont conviés au projet. 23 personnes qui, au total, n’auront répété que trois fois toutes ensemble. La date est complète depuis un mois, Nosfell dort très mal ces dernières nuits.
Le monde de Klokochazia
Une trompette débute, seule, bientôt suivie par les cordes. Le son enfle, remplit la salle. Loin d’un univers classique guindé, la musique évoque la bande son d’un film fantasmagorique. Changement de registre graduel… Accompagné de Pierre Lebourgeois à la basse, cris suraigus, guitare maltraitée, Nosfell propose une version quasi post-rock du titre Günel, relatant la naissance du héros. Alternant narration, thèmes de transition et titres réarrangés de son répertoire, l’artiste propose un spectacle kaléidoscopique : la chanson Shaünipul suivit d’une ambiance de musique de chambre, Le long sac de pierre qui vire en version cabaret bien barré…
Les aficionados s’enthousiasment de cette relecture, les néophytes sont visiblement séduits. S’il ne se considère pas comme comédien, Nosfell déploie de vrais talents de conteur, en plus de ceux, déjà connus, de danseur. Seul bémol, la scénographie. Habillé en noir sur fond noir dans la pénombre, l’artiste a délibérément choisi la sobriété, voire l’austérité. Quelques rectangles de couleurs apportent parfois un ou deux traits de lumières dans cette histoire joyeusement sombre. L’histoire se clôt sur un long thème épique, de ceux sur lesquels les héros se retirent. Quand les lumières se rallument, le public semble surpris, il était près pour bien plus qu’une heure et demi de spectacle !
Même si on aurait aimé un peu plus de mise en scène voire une explication des textes des chansons choisies, le Lac aux Vélies est une sacrée création. Un succès ébouriffant pour un premier essai. Les concerts de l’artiste nous avaient fait approcher le monde de Klokochazia. Avec ce spectacle, on s’est immergé dans cette contrée fantastique. Après cette très belle entrée en matière, espérons que Nosfell continuera à jouer son rôle d’ambassadeur avec des projets aussi ambitieux.
Réaction après le spectacle
Nosfell : "On a eu les imperfections d’une première avec l’intensité d’une dernière ! Parfois nous avons oublié quelques petites choses mais c’est aussi ça la force des spectacles. Je suis content qu’il y ait eu cette fragilité. Et toute cette énergie qui venait du public. Même si ce n’est pas évident puisque je ne suis pas comédien et qu’en plus, je suis timide. Ce n’est pas grave si les spectateurs n’ont pas compris tout ce qu’on voulait mettre en place. Nous ne sommes pas dans un esprit didactique mais dans celui d’un conte, traité parfois de manière surréaliste. Au début, on voulait mettre des sous-titres pendant les chansons pour que le public comprenne les paroles mais on avait peur que ça le fasse sortir du cadre artistique. Si on avait la chance de jouer à nouveau ce spectacle, on pourrait l’améliorer. Peut-être même le filmer, pour permettre un vrai travail d’adaptation des textes, en arabe, portugais, japonais…"
Varoujane Doneyan (violon, Orchestre des Lauréats du Conservatoire): "ça a été très fort et très agréable. Après une semaine de répétition, je n’ai qu’un seul regret, de n’avoir joué le spectacle qu’une fois. Je suis vraiment rentrer dans son univers et ces personnages, j’ai trouvé ça poétique. Nosfell reste très humble, il est d’une modestie délicieuse quand on voit ce qu’il fait sur scène. Comme on n’avait pas énormément de chose à jouer, je pensais que j’allais être un peu spectateur durant la représentation, mais son côté totalement engagé donnait envie de faire ressortir chaque détail. Même si on avait qu’une petite phrase musicale, on la jouait comme si c’était la chose la plus importante."