Mathieu Boogaerts

Bricolo minimaliste, lunaire rigolo... depuis son premier album Super, il valse avec les étiquettes, forcément incomplètes. Décalées et fantaisistes, comme sa musique. Portée par sa voix d’éternel ado, elle n’a jamais dissimulé sa sensibilité angoissée, malgré le verni teinté au second degré et clins d’œil. Sa difficulté à grandir non plus. Pourtant avec ce nouveau disque, Mathieu aspire à plus de sérieux en tout cas plus d’attention. Il se livre comme il est. Voici Michel.

Michel

Bricolo minimaliste, lunaire rigolo... depuis son premier album Super, il valse avec les étiquettes, forcément incomplètes. Décalées et fantaisistes, comme sa musique. Portée par sa voix d’éternel ado, elle n’a jamais dissimulé sa sensibilité angoissée, malgré le verni teinté au second degré et clins d’œil. Sa difficulté à grandir non plus. Pourtant avec ce nouveau disque, Mathieu aspire à plus de sérieux en tout cas plus d’attention. Il se livre comme il est. Voici Michel.

RFI Musique :      Michel, c’est l’autre Mathieu ?
Mathieu Boogaerts :
C’est personne. J’ai vraiment du mal à trouver un nom pour un disque, car je ne fais pas d’album concept mais des chansons indépendantes. J’aurais tout aussi bien pu l’appeler Disque n°4. Michel est mon prénom masculin préféré. Je ne sais pas d’où ça sort, c’est très inconscient.

Tu n’as pas l’air en forme sur la pochette, c’est l’âge adulte ?
Sur les autres, j’étais noyé dans l’environnement de la pochette. Là, je voulais apparaître physiquement. Paolo Reversi, un portraitiste très connu, a fait les photos sans aucun maquillage, avec les seuls éclairages. J’étais aussi crevé par l’enregistrement. J’en suis très content parce qu’elle est exactement en phase avec le disque. Plus brut, triste, sans fioriture, avec moins d’humour et de séduction que les précédents.

C’est aussi une façon de casser ton image ?
La chanson française me fait chier. Comme je suis snob, j’ai besoin de me démarquer des autres, de sentir un truc personnel, pas à la mode. Lorsque j’ai commencé il y a 10 ans, tout le monde se prenait au sérieux et je m’en suis démarqué avec de l’humour dans les titres, les fringues… Par contre ces dernières années, j’ai plutôt l’impression qu’une trame comique s’est glissée chez beaucoup d’artistes. En réaction à ça, j’ai besoin de quitter ce terrain. J’ai donc livré un disque plus sérieux.

Tu te disais déçu des ventes de l’album précédent, comment as-tu envisagé  Michel ?
De par ses arrangements, la qualité des chansons, j’avais tous les moyens de passer au stade supérieur. Je trouve ça un peu frustrant par rapport à d’autres trucs vendus comme étant de ma famille qui marchent et que je trouve moins bien. Inconsciemment je pense avoir une petite contrariété, une aigreur. Même si j’assume complètement 2000, il y avait une sorte de séduction, comme une fille qui avant d’aller en soirée, se maquille, met des bas, choisi justement ses vêtements, mais ne rencontre personne. La fois suivante, elle décide d’y aller comme elle est. Ce disque est plus brut. Je l’assume énormément.

 

 Pourquoi ce retour à une certaine simplicité ?

Je voulais que le disque vienne du corps. J’ai enregistré les guitares-voix ensembles pour le côté sensuel. Je voulais vibrer. A chaque accord, les voix, les titres... j’écoutais ce que je ressentais non pas auditivement mais physiquement. Il fallait qu’il y ait une profondeur, une sensation. Comme la voix féminine sur quelques morceaux, une sorte de sirène. J’ai laissé plus de place à la première prise, aux approximations. Du coup, après ce disque, je ne sais pas ce que je vais faire. Je ne pense pas pouvoir aller plus loin dans le disque personnel. Soit j’arrête la chanson et je passe à la musique instrumentale. Ou je peux aussi écrire pour les autres... je n’en sais rien.

Tu as l’habitude de voyager pendant la composition. Avant l’Afrique, aujourd’hui l’Europe. A-t-elle eu une influence sur le disque ?
Je ne crois pas. Qu’elle soit écrite à Melun, à Ouagadougou ou Oslo, la chanson est la même. Si je pars ce n’est pas pour ramener une couleur locale, mais pour me retrouver en danger. Avec une mission à accomplir, celle de faire un nombre défini de chansons. Même à Paris, je reste connecté aux différentes communautés. Je suis tout le temps fourré dans le quartier japonais, chinois, indien... A n’être qu’avec des français, j’étouffe.

Comment est venue l’idée du DVD (édition limitée à la sortie du disque, ndlr) ?
J’ai toujours beaucoup aimé stocker les photos, des trucs que j’écris… j’ai peur d’oublier. J’ai filmé dès qu’il se passait quelque chose d’important dans l’écriture. En tout 8h de rushes, 2 à Barcelone, 1 à Berlin, 1 à Paris et 4 de studio, mixage. J’en ai ensuite parlé, puis montré très timidement à certaines personnes, les échos étaient enthousiastes. Un ami monteur m’a suggéré d’en faire quelque chose. Le résultat d’une heure est très juste, j’ai donc cédé à l’idée du  Michel "Spécial". Mais je ne vends pas le rêve et le mode d’emploi qui va avec.

Entre la pochette et le DVD, l’image crée un changement radical dans ta relation au public. As-tu peur de ce changement ?
Sur les disques précédents, j’entretenais un certain mystère, brouillant les pistes avec un personnage plus BD, mis en scène, toujours habillé pareil. Là, j’invite les gens à venir chez moi. C’est très impudique. J’ai très peur, moins à l’écoute du disque que de ce qu’ils vont voir.

Mathieu Boogaerts Michel (Tôt ou tard) 2005
En tournée en France, le 24 et 25 mai 2005 à Paris à la Cigale.