RENAISSANCE D'UN TREMPLIN

Lancé en 1987, puis stoppé trois ans plus tard par manque de soutien manifeste, le Festival International d'Expression Francophone (FIEF) a connu une seconde naissance discrète, le 12 juin dernier près de Bordeaux.

4ème édition du FIEF

Lancé en 1987, puis stoppé trois ans plus tard par manque de soutien manifeste, le Festival International d'Expression Francophone (FIEF) a connu une seconde naissance discrète, le 12 juin dernier près de Bordeaux.

Une fort bonne initiative, ce festival-là, sous-titré "Festival du premier disque". Le principe consiste à partager équitablement la programmation entre deux catégories de jeunes talents en devenir : les artistes ayant sorti leur premier album au cours de l'année écoulée, et les prétendants à la "professionnalisation" de leur carrière, venus avec un disque auto produit sous le bras.

Financé par le Conseil Général de la Gironde et la municipalité de Carcans, le FIEF n'a pas vraiment attiré les foules. De 14 h à 1 h du matin, quelque 19 mini-concerts d'une vingtaine de minutes chacun en moyenne se sont pourtant succédés sans temps mort ni faute de goût dans les choix artistiques de l'équipe du FIEF. Certes, coincé entre l'océan atlantique et le plus grand lac naturel de France, l'immense domaine de Bombannes est un lieu superbe pour accueillir un festival, sous le soleil au milieu des pins, mais bien trop excentré (à 50 kilomètres du centre de Bordeaux) pour une affiche d'artistes qui ne bénéficient pas encore d'une notoriété suffisante pour faire déplacer les foules à ce point. Mais, surtout, du rock à la chanson en passant par le reggae, le raï ou les musiques électroniques, l'affiche est peut-être trop hétéroclite pour être véritablement rassembleuse. Enfin, de par sa nature de défricheur, le FIEF ne peut construire son succès que sur la durée. Après un arrêt de neuf longues années, le succès public n'a pas été au rendez-vous mais le sera à force de persévérance, le concept relevant presque de l'utilité publique.

Cette année, le FIEF ressuscité se déroulait dans le cadre de l'Eté girondin, qui, jusqu'au 17 septembre prochain, concentre dans la région quelques 30 manifestations culturelles. Côté programmation, l'après-midi était toute dévolue aux artistes indépendants. Sélectionnés au niveau national par un comité d'écoute composé de représentants de maisons de disques et de médias, ils ne sont à l'arrivée que huit, sur cent cinquante cassettes reçues : Athman (raï, Bordeaux), Betti Lou (chanson, Albi), Lekuk (chanson, Bordeaux), Ezekiel (dub, Tours), Les Oisillons Tombés du Nid (chanson, Bordeaux), Prisca (rock, Toulouse), Lionel Trouy (chanson, Nancy) et Toma (chanson, Toulouse) - liste à laquelle il faut ajouter le groupe de reggae Exode, invité surprise du FIEF. Dès 19h30, les "vedettes" entrent en scène. Dans l'ordre : P'tit Bébert, Franck Monnet, France Cartigny, Le 3ème Œil, Jérôme Cotta, Le Tone, Faouzi Tarkhani, Rosa La Rouge, les Statics et Mister Gang.

A l'issue de la soirée, un jury composé de professionnels de la musique a attribué ses deux coups de cœur aux meilleures prestations scéniques de la journée. Vainqueur chez les indépendants, Lekuk fait preuve d'une écriture habile pétrie d'humour. Au sujet de Franck Monnet, lauréat des artistes déjà signés en maisons de disques, une aberration navrante est à relever. "Sorti en octobre, rentré en novembre", concède-t-il avec une pointe d'ironie à propos de son premier album, "Playa", réalisé l'automne dernier par Dominique Blanc-Francart. Le problème de Franck Monnet semble en effet résider dans le carcan de majors qui ne parient souvent que sur les seules ventes de disques, plus juteuses que les recettes des tournées, pour juger de l'opportunité de poursuivre leur investissement sur un artiste en développement. Signé pour quatre albums par le label Tôt ou Tard, Franck Monnet n'a ainsi pas transformé son premier essai discographique. Pourtant, il allie qualité de texte et puissance d'une voix multiforme, qui s'adonne encore trop dans les aigus, au détriment de graves qui ne demandent qu'à s'exprimer avec autant de plénitude. La scène semble son élément naturel et serait vraisemblablement son révélateur idéal. Mais aucune tournée n'a été planifiée… Pourtant, depuis deux ans, de Louise Attaque à Matmatah en passant par Tryo et d'autres, beaucoup ont acquis un succès sur les planches qui s'est mué en succès de disques, à l'inverse du schéma traditionnel des services de promotion.

Envoyé spécial,
Gilles Rio.