Bumcello chronique les Eurockéennes

Le festival, premier mastodonte rock de l’été, fait chavirer la presqu’île de Malsaucy du 1er au 3 juillet. A la fois pointue et grand public, la programmation innove en offrant des cartes blanches à plusieurs artistes français. Le duo électro-jazz-world Bumcello, composé de Vincent Segal au violoncelle électrique et Cyril Atef à la batterie et aux percussions, anime ainsi des "Chroniques" au cours desquelles ils invitent une dizaine de musiciens originaires du monde entier. Explications avec Vincent Segal à Dijon, où le groupe répétait, et regard critique sur les festivals d’aujourd’hui.

Le festival donne carte blanche au duo

Le festival, premier mastodonte rock de l’été, fait chavirer la presqu’île de Malsaucy du 1er au 3 juillet. A la fois pointue et grand public, la programmation innove en offrant des cartes blanches à plusieurs artistes français. Le duo électro-jazz-world Bumcello, composé de Vincent Segal au violoncelle électrique et Cyril Atef à la batterie et aux percussions, anime ainsi des "Chroniques" au cours desquelles ils invitent une dizaine de musiciens originaires du monde entier. Explications avec Vincent Segal à Dijon, où le groupe répétait, et regard critique sur les festivals d’aujourd’hui.

 

 Comment est né le projet atypique des "Chroniques Bumcello", appelé à se répéter différemment trois soirs de suite ?

Lorsque j’ai enregistré l’album T-Bone Guarnerius en 2003, la Vapeur (salle de concert dijonnaise, où le groupe était en résidence toute la semaine, ndlr) m’a proposé de jouer dans divers endroits de Dijon… J’ai invité Magic Malik, Sébastien Martel et d’autres amis et ça s’est très bien passé. Sur ce, quand on a joué aux Eurockéennes avec Matthieu Chedid l’été dernier, les organisateurs nous ont dit qu’ils aimeraient bien programmer Bumcello, mais dans un cadre original. Au début, j’avais proposé de décentraliser légèrement le festival avec une formule plus intime. J’aime l’idée de proposer au coeur d’un gros festival des concerts pour 60 à 70 personnes. Mais ce n’était pas possible, parce que le son des grosses scènes ruinent tout ce qu’il y a autour. Ils nous ont alors proposé cette carte blanche. On a aussitôt fait des listes d’invités. Je ne voulais pas qu’il y ait trop de monde, c’est raté ! Et c’est le risque. 

En quoi est-ce difficile pour un groupe comme Bumcello, rompu aux rencontres à l’impro ?
Mon expérience des concerts à plusieurs montre que c’est très compliqué à gérer. On cherche à créer une vraie cohérence, ce qui n’est pas facile avec des gens d’horizons géographiques et musicaux très variés. L’autre problème est que les artistes invités apprécient de jouer dans un gros festival et sont très attentifs à leur projet personnel. Avec Cyril, nous devons faire en sorte que ce ne soit pas seulement des shows qui s’enchaînent. Sinon, autant programmer tous ces invités séparément. Ce que je désire plus que tout, c’est les révéler sous un angle différent.

 

    Est-ce que Bumcello est soluble dans l’univers d’autres artistes ?
Parfois oui, d’autres fois non ! La plupart de nos invités sont des gens avec qui on a déjà joué. J’ai joué avec Susheela Raman séparément, Tommy Jordan a beaucoup travaillé avec Cyril. Omar Hayat, le Jimi Hendrix d’Essaouira, comme on l’appelle au Maroc, nous a récemment invités aussi. Maintenant c’est clair qu’on a envie, puisque nous aussi sommes aussi invités, de faire entendre notre musique à Belfort.

Comment avez-vous pris vos marques avec des artistes aussi différents que le Jamaïquain Stanley Beckford, le Camerounais Mama Ohandja ou le New-Yorkais Chocolate Genius ?
Jouer avec eux est un exercice excitant et périlleux, qui permet de voir ce qu’on arrive à faire ou pas, et au final ce que ça donne. Une autre motivation, ce sont les différences de nationalité. Le fait d’avoir un Jamaïquain, un Camerounais ou un Américain, fait de nous les enfants des musiques du monde. On a envie d’élargir le concept des Eurockéennes, qui fait la part belle à l’Europe et au rock, au monde entier. Montrer que la musique rock regroupe aussi des musiques qui ne sont pas que du rock FM. Chocolate Genious par exemple, ne joue pas comme un joueur noir américain de base.

Les cartes blanches des Eurockéennes sont-elles une alternative pour casser le train-train de festivals ne programmant que des artistes en promo ?
Je crois. C’est aussi une façon de dire aux voisins : j’ai réussi à organiser ça là où vous vous cantonnez à une programmation commerciale. Je pense qu’il faut les deux. Avec Bumcello, on a jamais rejoué un album en live. On essaie toujours de privilégier une attitude virginale par rapport à notre musique.

 

 On vous a vu jouer seul du violoncelle, devant plus de 6.000 personnes, en soirée de clôture des Nuits de Fourvière (2003). Est-ce que ça vous motive de contourner les règles des festivals ?

Les festivals ont besoin de surprises. Aujourd’hui ils reposent sur une disponibilité très particulière et qui me gêne un peu : les gens sont en vacances, ils disent "on va faire les festivals", ça ressemble presque à du tourisme ! Ce qui me gêne aussi c’est que l’histoire des festivals en plein air, depuis Woodstock, repose sur la double idée de liberté et de proximité. Aujourd’hui la sécurité est trop présente, avec la fosse de trois mètres devant la scène ou la séparation public - professionnel. C’est trop carcéral.

Quel serait le festival idéal ?
Il devrait, comme un bon plat, brasser divers ingrédients. Ce que j’aime bien aux Eurockéennes, c’est que depuis quelques années, ils tentent de ne plus faire de grand-messes consensuelles, mais de proposer du populaire et de l’insolite. Il y a un vrai plaisir de la découverte. Quand j’étais petit, j’adorais, dans les festivals de jazz ou de rock, quand mon père me disait : Va où tu veux, fais ce qui te plaît, on se retrouve à telle heure. C’était le plaisir de la surprise au détour d’un chemin. Alors le festival parfait, je ne sais pas. Mais le principal danger pour un festival, c’est qu’il devienne une gigantesque fête de la bière.