Burgalat visite Chamfort

Après trois dates consacrées à Yann Tiersen, c'est à Bertrand Burgalat que la programmation Couleurs Printemps de la Cité de la Musique (co-création avec le Printemps de Bourges) confie ces 19 et 20 février sa carte blanche. L'occasion pour ce producteur-chanteur de faire un mariage musical des plus curieux. Des invités certes mais surtout un : Alain Chamfort ! Quand l'underground rencontre la chanson…

Les deux artistes partagent à nouveau l'affiche à Paris

Après trois dates consacrées à Yann Tiersen, c'est à Bertrand Burgalat que la programmation Couleurs Printemps de la Cité de la Musique (co-création avec le Printemps de Bourges) confie ces 19 et 20 février sa carte blanche. L'occasion pour ce producteur-chanteur de faire un mariage musical des plus curieux. Des invités certes mais surtout un : Alain Chamfort ! Quand l'underground rencontre la chanson…

A vrai dire, ce n'est pas tout-à-fait la première fois que ces deux gaillards-là chantent de concert. L'expérience avait déjà été menée brillamment l'automne dernier aux Nuits Botanique, festival de Bruxelles. C'était alors le responsable des festivités qui leur avait fait la proposition. L'idée pouvait paraître incongrue au premier abord : le fondateur du label Tricatel d'un côté, amoureux de pop et des sons électriques, électroniques, des groupes et artistes atypiques, avec le dandy de la chanson, élégant et raffiné, à l'image romantique et légère. Pourtant en y pensant bien cela n'était pas si incohérent.

"On a bizarrement trouvé chacun notre place", raconte Alain Chamfort. "C'est vrai qu'il y a quelque chose qui s'est passé d'une manière assez naturelle, alors que nous-mêmes n'y avions jamais pensé ! Finalement cela nous paraissait presque logique une fois que l'on y était !" Bertrand Burgalat y avait pourtant déjà songé. D'une autre manière : "C'est marrant parce que Chamfort a toujours été un des chanteurs que je respectais le plus. Il fut un temps où je m'étais même mis sur les rangs pour travailler avec lui. Mais je pense que l'information ne lui était jamais parvenue. Alors forcément, cette idée m'a fait très plaisir, c'est le genre de chose que je n'aurais même pas osé proposer. Même si j'ai un peu la cote actuellement, je suis quand même quelqu'un d'un petit peu en marge. Il aurait été méfiant et j'aurais trouvé cela tout à fait normal ! Comme la plupart des gens, il n'avait qu'une vague idée de qui j'étais. Mais je ne l'ai jamais vu avoir peur. Je suis sûr que c'est quelqu'un de très angoissé mais il ne communique pas du tout ses appréhensions. C'est agréable parce que nous, le groupe et moi, on travaille quand même sans filet, rapidement et sans se poser trop de questions. Je trouve qu'il est vraiment bien rentré là-dedans. "

Chamfort n'a pas eu de mal à adhérer en effet. Il était d'autant plus à l'aise qu'il s'agissait de reprendre essentiellement ses propres chansons. Et à la grande surprise de tous, c'est encore ce qui se passera cette fois-ci. Etrange Burgalat qui propose sa carte blanche avec le répertoire d'un autre ! Il y aura bien quelques-uns de ses titres, mais peu à côté de ceux de son invité principal... "C'est un peu déroutant quand on se retrouve avec autant de liberté. Je n'en ai pas toujours eu l'habitude et cela me donne un peu le vertige. Les musiciens me demandent aussi pourquoi on ne fait pas plus de nos morceaux ? Mais bizarrement, je n'y avais même pas pensé. Je ne me suis pas demandé combien de morceaux de chacun on allait faire. J'avais pris tellement de plaisir à Bruxelles que je voulais juste recommencer. Alain est tout-à-fait conforme à l'image que je pouvais en avoir, quelqu'un de très gentil. Mais tout n'est pas simple quand on veut partager une affiche. On pense par exemple qu'une partie du public est toujours déçue. Les gens venus me voir sont obligés d'accrocher aux chansons de Chamfort et ceux qui sont venus entendre Alain s'ennuient sur nos morceaux. A Bruxelles, je ne me sentais pas très bien, je me disais que le public était surtout venu voir Chamfort et que j'allais les barber avec mes trucs à moi."

Une peur visiblement non partagée par Alain Chamfort. Lui est plus serein, avoue ne jamais avoir pensé à cela : "Peut-être suis-je trop confiant mais je ne me pose pas ce genre de questions. Je crois que si les gens détestaient l'un ou l'autre, ils ne viendraient pas. A mon avis, ils acceptent d'emblée le partage. Ils connaissent la formule en arrivant."

La formule est approximativement la suivante : Chamfort pour l'essentiel, accompagné de Burgalat et de son groupe A.S. Dragon, quelques titres de l'album The Sssound of Mmmusic dudit Bertrand, dont deux interprétées par Alain (L'Observatoire et Ma Rencontre), et enfin, d'autres invités. Il faut préciser qu'à quelques jours des deux concerts, les répétitions n'ont pas commencé. A en croire Burgalat, les trois derniers jours suffisent : "Je ne sais pas trop ce que l'on va faire en fait, mais trois jours, c'est assez confortable me semble-t'il. Comme le groupe et moi avons déjà appris les chansons à Bruxelles, on les a encore dans les pattes. On doit un peu se mémoriser les choses mais cela permet aussi de ne pas donner tout-à-fait les mêmes morceaux tous les soirs. Les arrangements ne sont pas franchement figés !" Et du côté d'Alain Chamfort, c'est à peu près le même discours : "La musique, c'est comme le vélo, on a des automatismes ! Trois jours de répétitions, cela suffit à tout mettre en place. Mais il faut dire que c'est aussi dans un état d'esprit un peu particulier ! L'intérêt est de jouer plus sur la spontanéité !"
Même la liste des autres invités ne semble pas être totalement arrêtée. Bertrand Burgalat s'en occupe, il s'agit tout de même de sa carte blanche, il s'est donc réservé la tâche : "Il y aura Héléna, Etienne Charry (ex Oui-Oui), Count Indigo, d'autres encore. Mais c'est là où je me pose quelques questions parce que si on passe de choses très électriques à des chansons comme Traces de toi de Chamfort, ce n'est pas la même atmosphère. J'essaie donc de voir comment placer les invités. Ce n'est pas facile. L'idéal serait de monter cela comme un grand échiquier où chacun joue quelques morceaux avant que l'on revienne à l'invité principal. Ce n'est pas facile de faire cohabiter plusieurs genres si différents. En plus, c'est une salle assise et cela me panique toujours un peu. On a plus l'habitude de jouer dans des petits clubs un peu surchauffés. Je n'ai pas le savoir-faire, si je sens que la salle est un peu réservée. C'est souvent au moment du rappel que j'arrive à me débloquer ! Pour résumer, je suis ravi et en même temps, j'ai une certaine appréhension. Le dosage de tout cet ensemble est assez casse-gueule..."

On comprend que la présence d'Alain Chamfort rassure le grand manitou de la soirée. Il a l'habitude des salles assises, il entre dans le jeu sans problème, il a tout compris. Et on peut également supposer que Chamfort attire plus facilement les médias. Mais qu'en pense l'intéressé ? Que lui apporte Burgalat ? "Il m'amène l'attention des gens qui sont touchés par son travail, qui le suivent. Comme Claude François au début de ma carrière qui, quand il m'a permis de chanter, m'a apporté son public avec une oreille bienveillante qu'il n'aurait peut-être pas eu si lui n'avait pas été derrière. Bertrand draîne tout un univers que je ne connaissais pas. Et cela fonctionne. Mes chansons sont revisitées mais pas dans quelque chose qui ne leur appartiendrait plus. Je n'ai pas tellement de mal à entrer dans leur univers non plus. Je pense que tout cela n'aurait pas été possible si nos mondes avaient été si éloignés que cela."

Aussi étrange que cela paraisse, ces deux-là semblent donc s'être bien trouvés. Rajoutez à cela une humilité rare de part et d'autre et vous aurez la totalité de leur points communs. Reste qu'Alain Chamfort semble un peu perdu dans la programmation : "Héléna, je la connais bien sûr, mais je ne sais même pas qui va venir d'autre. Vous le savez, vous ? Etienne Charry ? Je ne le connais pas. Un autre groupe également ? Mais il n'y aura pas la place !"Reste aussi la dernière appréhension de Bertrand Burgalat : "Deux soirs de suite, ouais, ouais, ouais ! Ça, je n'ai jamais fait ! Je ne sais pas comment on parle entre les morceaux et tout ça !" Pourtant il le fait dans ses propres concerts, non ? "Peut-être mais je ne reviens pas deux fois sur le lieu du crime ! Je plie bagages !"

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