Le golgotha de Meiway
Alors que son pays est toujours dans la tourmente, l’Ivoirien Meiway poursuit sa quête du zoblazo avec Golgotha, un album rythmé par les nouvelles danses en vogue à Abidjan, prudencia et coupé décalé, prouvant que l’Apollonien de Grand-Bassam a toujours un coup d’avance comme ambianceur. Entretien.
Le zoblazo à toutes les sauces.
Alors que son pays est toujours dans la tourmente, l’Ivoirien Meiway poursuit sa quête du zoblazo avec Golgotha, un album rythmé par les nouvelles danses en vogue à Abidjan, prudencia et coupé décalé, prouvant que l’Apollonien de Grand-Bassam a toujours un coup d’avance comme ambianceur. Entretien.
Votre nouvel album débute avec 800% zoblazo. L’aventure continue ?
Absolument. C’est un concept que j’ai créé. Donc il était légitime que je l’assume et que j’aille jusqu’au bout. J’ai commencé avec 100%. Aujourd’hui, au huitième album, j’en suis à 800%. Ce qui signifie que je crois toujours en l’évolution de la musique ivoirienne, et j’espère qu’elle sera enfin reconnue parmi les toutes premières. Actuellement, nous sommes bien placés, elle est très écoutée. Ce n’est donc pas le moment de s’endormir.
Il y a eu un effet Magic System pour les artistes ivoiriens ?
Ce groupe y est pour beaucoup dans la diffusion de la musique ivoirienne à travers le monde. Peu de gens connaissaient notre musique en Europe auparavant, et avec le tapage de Premier Gaou, j’ai l’impression qu’un nouveau public a les oreilles rivées sur notre musique. Magic System y a beaucoup contribué, mais un gros travail avait été réalisé auparavant.
Vous reprenez dans cet album des concepts en vogue en Côte d’Ivoire, comme la prudencia ou le coupé décalé. Le zoblazo est désormais dépassé ?
Toutes ces nouvelles tendances sont des danses. Le zoblazo lui, est à la fois une danse et une musique. C’est comme le soukouss, il vit toujours, mais il y a des tendances ndombolo, kwassa kwassa ou mayobo, qui sont des phénomènes de danse. Toutes résultent de ces musiques créées il y a une vingtaine d’années. On mène le même combat, on ne sera jamais adversaire. Le zoblazo a donné naissance à plusieurs courants et c’est pour cela que nous continuons à nous battre. Il m’arrive donc de faire des clins d’oeil à ces tendances.
Votre musique est toujours aussi gaie alors que votre pays traverse une profonde crise depuis quelques années…
C’est le contraste de la Côte d’Ivoire, son charme et peut-être sa force. Cette différence entre la politique et le civil. D’un côté, il y a le peuple, de l’autre, les politiciens. On ne mène pas du tout le même combat. Le peuple a compris aujourd’hui que cette crise est le fait d’une décadence politique. A partir de ce constat, il faut faire attention à ne pas entrer dans le système les yeux fermés. Les Ivoiriens ont compris qu’on ne pouvait pas suivre le mouvement aveuglément et qu’il fallait continuer à lutter pour que ce pays, qui était un exemple en Afrique, garde son image d’antan. La crise ivoirienne est un fait politique, pas un fait civil. Sinon, il y aurait eu une guerre civile.
Il y a malgré tout des textes très sombres. On entend des bruits de mitraillettes dans certains titres…
C’est ça KK Mou, le surnom des MI 24, ces hélicoptères avec une gueule de monstre, achetés par le gouvernement pour défendre le territoire. Dans notre argot populaire, kakamou désigne tout ce qui fait peur.
Vous avez trois invités de marque : Lokua Kanza, Kodjo Antui et Koffi Olomidé. Le zoblazo est cousin du ndombolo ?
Toutes ces musiques sont forcément cousines parce que nous oeuvrons tous pour la valorisation et la promotion de cette culture africaine. Il y aura toujours des sonorités semblables entre les musiques en Afrique puisque nous avons pratiquement tous le même père et la même mère. C’est notre continent que nous défendons. Tout est parti des tam-tam, des djembés, des balafons. Ces instruments sont utilisés partout en Afrique, et entre le ndombolo et le zoblazo, je pense qu’il y a des points communs grâce auxquels Koffi, sur ce titre, KK Mou Prudencia, s’est senti très à l’aise.
Sur votre précédent album, vous aviez eu un grand succès en Afrique, avec Miss Lolo. Cette fois-ci, vous interprétez Voilà string. C’est un peu la suite…
(Rires) J’espère que ce sera le cas. Mais si je l’avais fait exprès, j’aurais fait Miss Lolo 2, comme les Magic System ont fait Un Gaou à Paris après Premier Gaou. Je ne l’ai pas fait car cela aurait pu paraîtretéléphoné, et j’ai pensé au string. Pourquoi le string? Autrefois, en Afrique, pour voir la culotte de maman, il fallait faire des efforts. Aujourd’hui, c’est plus simple: pour voir la culotte d’une fille, il suffit d’aller à la piscine ou à la plage. Nos mamans, quand elles allaient se baigner, gardaient leur pagne noué autour de la taille. Il y avait cette pudeur, qui existe toujours encore malgré tout en Afrique. Aujourd’hui, le monde est gâté, tout est devenu plus facile.
Meiway Golgotha (Lusafrica) 2004