PASCAL LAMOUR, ÉLECTRO SHAMAN
Représentant de la scène bretonne au Midem qui se tient actuellement à Cannes, Pascal Lamour est l’un des acteurs incontournables de la mouvance qualifiée de celtique. Une culture que ce compositeur-producteur défend dans un esprit de croisement musical, comme en témoigne son album Shamans of Brittany, une création ancrée en pays Armorique, mais ouverte sur le monde...
L'artiste breton fait voyager les traditions celtiques
Représentant de la scène bretonne au Midem qui se tient actuellement à Cannes, Pascal Lamour est l’un des acteurs incontournables de la mouvance qualifiée de celtique. Une culture que ce compositeur-producteur défend dans un esprit de croisement musical, comme en témoigne son album Shamans of Brittany, une création ancrée en pays Armorique, mais ouverte sur le monde...
Quel rapport y-a-t-il entre les Indiens de la forêt d’Amazonie et les paysans bretons ? La pratique du chamanisme. Telle est la théorie de Pascal Lamour, ambassadeur atypique de la scène celte. Pour lui, ce système de pensée spirituel vivace dans certaines sociétés, notamment les peuples autochtones en Amérique du Sud, est comparable au druidisme, une philosophie de prêtre guérisseur que l’on trouve en terre bretonne. Afin de démontrer cette hypothèse, cet artiste aux allures de druide des temps modernes a récemment sorti un quatrième album intitulé Shamans of Brittany (Shamans de Bretagne). Quatorze morceaux qui se veulent traditionnels dans les textes mais des plus actuels dans l’enrobage musical. Le résultat donne un style d’obédience "électro-celtique" que Lamour baptise kan-dub : "Kan signifie le chant en breton. Et dub est un mot anglais, caractéristique de cette basse très présente dans la musique dite dub, originaire de la Jamaïque, et qui fait partie des musiques électroniques. Si l’artiste ne définit pas lui-même son style, il se retrouve dans une chapelle qui n’est pas forcement la sienne. Je m’oppose à l’appellation celtique par rapport à ma musique ! Je préfère parler de racine bretonne dans un monde sans limite."
Fils d’agriculteur, ce breton vannetais qui refuse les étiquettes marketing se considère comme un passeur d’histoires plutôt qu’un chanteur. Pour étayer son propos, il a effectué des recherches de manuscrits anciens et surtout de nombreuses rencontres avec les patriarches des campagnes du Morbihan, non loin de Vannes. Un véritable travail de collectage basé essentiellement sur une transmission orale qui se perpétue aujourd’hui dans certaines familles, y compris chez les Lamour, comme en témoigne le titre Les Vaches vont parler à minuit. Narré par son père dans une sorte de voix sortie des ténèbres sur fond de beats programmés, ce morceau semble confirmer la dimension mystique de ces rituels ancestraux. "Cette histoire, traduite en français, rappelle la place prépondérante qu’occupe l’animal dans la vie. Dans le druidisme comme dans le chamanisme, l’homme a de l’estime pour les animaux et la nature. Car ils sont peut-être la réincarnation d’un humain et donc d’une âme. Ce respect de l’environnement est très important car, ici, l’animal prend toute sa force autour de l’individu", précise le barde.
De la médecine traditionnelle à la musique traditionnelle
Naturaliste, Pascal Lamour a baigné dès son enfance dans ces croyances rurales, que certains appellent superstitions. Une éducation qui l’a incité à passer un doctorat de pharmacie et une thèse sur les médecines traditionnelles, afin de compléter de manière plus scientifique son bagage culturel. Après avoir publié un ouvrage sur l’histoire des plantes en Bretagne, il exerce dans une officine. Mais très vite, il se rend compte que la science ne répond pas à ses questionnements et abandonne le domaine médical pour embrasser la matière musicale. Formé d’abord aux répertoires traditionnels (cornemuse, biniou, bombarde...), puis guitariste et saxophoniste, ce multi-instrumentiste a domestiqué les machines en poursuivant au fil des ses albums un chemin singulier : alliage de sons d’hier et de technologies d’aujourd’hui. Une manière, pour le compositeur, d’établir une passerelle entre le monde campagnard et le monde urbain dans le seul but de nous transporter dans les profondeurs de l’imaginaire...
Organique, symbolique, hors du temps, la partition de Lamour est aussi universelle. Car ce protagoniste du choc des cultures, loin des "fondamentalistes" d’une Bretagne bretonnante, se considère comme "un patriote breton et fédéraliste européen". En réalité, il dépasse largement les frontières de l’Europe, puisque, tel un pèlerin, ce sonneur-chanteur parcourt les continents avec sa thérapie musicale. Au Brésil, où il vient d'effectuer une première tournée, il a créé la surprise. "Les Brésiliens ne connaissaient pas ma musique, pas plus que la pop anglo-saxonne. Pourtant, le public a réagi favorablement aux vibrations que je propose, car il est ouvert à l’échange. De plus, j’ai trouvé des similitudes entre, par exemple, la capoera et nos danses, avec ce côté transe et répétitif. Même si chacune conserve son éthique, ces deux cultures sont cousines", constate le musicien.
Outre son oeuvre qu’il propage aux quatre coins de la planète, ce missionnaire est aussi un patron de label actif qui soutient de jeunes artistes bretons avec BNC Productions. Fondée en 1994, sa structure participe de nouveau au Midem, avec un catalogue qui s’enrichit d’année en année, aux côtés des onze "écuries" bretonnes présentes sur la croisette. Pascal Lamour offrirait-il une alternative à un courant néo-folk parfois vieillissant avec ce mouvement revival celtique ?
Pascal Lamour Shamans of Brittany (BNC Productions/Harmonia Mundi) 2004