Polnareff est redevenu chanteur
L’événement s’annonçait comme le plus important de l’année pour la scène française : la première de Polnareff au Palais Omnisport de Paris-Bercy confirme un retour gagnant.
En concert à Paris-Bercy
L’événement s’annonçait comme le plus important de l’année pour la scène française : la première de Polnareff au Palais Omnisport de Paris-Bercy confirme un retour gagnant.
"Je n’ai pas préparé de discours mais je dirais : enfin !" Chemise blanche, gilet noir et pantalon de cuir noir, la silhouette s’est un peu épaissie, mais les boucles blondes et les lunettes blanches sont bien celles de la légende. Après l’ovation du public, Michel Polnareff commence a cappella : "La société ayant renoncé/A me transformer/A me déguiser/Pour lui ressembler". Je suis un homme, grand cri du chanteur agressé sur scène et proie constante d’une certaine presse. C’était en 1970 et, après trente-quatre ans à l’écart des scènes françaises, Michel Polnareff a choisi cette chanson pour ouvrir le premier de ses dix concerts au Palais Omnisport de Paris-Bercy, vendredi 2 mars.
La première surprise est d’entendre soudain cette musique dans le même son, la même arène, les mêmes couleurs d’éclairage qu’un Johnny ou un Bénabar : Polnareff est soudain de plein pied avec le reste de la scène française, échappe au parfum de rétrospective de chaque référence que l’on fait à son œuvre. Jusqu’ici, ses concerts n’étaient que de rares images télé en noir et blanc dans des documentaires. A Bercy, ses chansons enfin s’incarnent : pour l’immense majorité des spectateurs, entendre sur scène La poupée qui fait non, L’Amour avec toi, Qui a tué Grand Maman, Lettre à France, Love Me Please Love Me, Holidays ou Goodbye Marilou est une absolue nouveauté. Les chansons si familières deviennent enfin vivantes.
Le groupe de tournée ne cache pas ses racines américaines : les sept musiciens (dont un seul Français, le percussionniste Mino Cinelu) et les cinq choristes (dont quatre créatures en escarpins et mini-jupes) jouent un énergique funk-rock bien bridé par le chef Polnareff. Quand celui-ci s’installe au piano (L’Homme qui pleurait des larmes de verre, Le Bal des Laze, Love Me Please Love Me…), l’accompagnement ne s’interrompt pas et le soutient largement. En unifiant la pâte musicale des vingt chansons anciennes que chante Polnareff, elles y gagnent curieusement en puissance. Et on peut avoir la surprise d’un Je cherche un job survitaminé (ce fut jadis la face B d’On ira tous au Paradis), ou d’une réponse incroyable du public à Y’a qu’un ch’veu, chanson farceuse à laquelle le chanteur reprocha longtemps d’avoir fait de l’ombre à sa face A, Le Bal des Laze.
Quant aux nouvelles chansons, on note un Positions tout à fait inédit, plaisanterie jazzy sur les sens divers du mot "position", et Ophélie flagrant des lits, sorti en décembre dernier et servi – mieux qu’au disque – par le chant de Polnareff. Deux chansons sur les vingt-deux du spectacle, comme pour rappeler que le reclus de Los Angeles affirme continuer à écrire et pour rompre avec la seule célébration d’un répertoire dont les chansons les plus récentes n’ont pas loin de vingt ans.
En tendant l’oreille, on surprend aussi de petites plaisanteries de Polnareff, comme dans Tam tam : après "J'en ai marre, j'en ai marre de lire des trucs moches dans les journaux", il lâche à toute allure "surtout sur moi". Il est vrai que cela a presque cessé : il a bénéficié d’un bel ensemble promotionnel dans les médias à l’approche du concert "historique", tout autant que son succès commercial était assuré avec dix Bercy complets et une tournée qui pourrait se jouer un peu partout à guichets fermés. En confirmant dès son premier concert sa belle forme vocale et sa générosité d’artiste, Polnareff échappe à ce qui était jusqu’alors sa destinée : être un mythe, une légende, une espérance. Il est redevenu chanteur, ce qui était le meilleur que l’on pouvait lui souhaiter.
Paris-Bercy, jusqu’au 14 mars, tournée à partir du 17 à Limoges.