Une année en musique, Youssou N'Dour

Une année en musique, premier volet : en mai 2004, Youssou N'Dour se produisait au Maroc et dévoilait sur scène, accompagné de ses vingt-deux musiciens, le répertoire atypique de son album, Egypte. À travers ses nouvelles chansons, le chanteur sénégalais – par ailleurs musulman soufi – propose une plongée dans l'islam africain.

En concert à Fès

Une année en musique, premier volet : en mai 2004, Youssou N'Dour se produisait au Maroc et dévoilait sur scène, accompagné de ses vingt-deux musiciens, le répertoire atypique de son album, Egypte. À travers ses nouvelles chansons, le chanteur sénégalais – par ailleurs musulman soufi – propose une plongée dans l'islam africain.

     Le Festival des Musiques sacrées, qui se déroulaient à Fès au Maroc du 28 mai au 5 juin 2004, est un festival dont la stabilité, la longévité en terre africaine sont applaudies par les artistes. Si les répertoires sacrés sont l'esprit qui anime Fès, le festival s'ouvre aussi à toutes celles et à tous ceux qui oeuvrent pour la paix, ce qui explique, entre autres, cette année, les présences de Sapho (pour ses actions en faveur de la Palestine), ou de Myriam Makeba (symbole de l'anti-apartheid en Afrique du Sud).

Après une soirée d'ouverture consacrée aux trois religions monothéistes (concert commun de Françoise Atlan, Montserrat Figueras et Aïcha Redouane), les Fassis ont goûté le mbalax de Youssou N'Dour, qui a présenté son album Egypte.

 "Je suis musulman et pratiquant, je n'ai pas attendu cet album pour vivre ma foi." Youssou N'Dour démarre sa tournée Allah Egypte sur la grande scène de Bab Makina. "Jouer à Fès est très symbolique pour moi, car c'est dans cette ville qu'est né le tijanisme. C'est avec cette confrérie que l'Islam s'est implanté au Sénégal." Traditionnellement, les tidianes sont mélomanes. L'écoute de la musique fait partie des pratiques spirituelles. Une chance pour Youssou, dont la mère est tidiane. Et mouride par le père. "Moi, l'Islam m'a fait du bien. J'ai suivi les enseignements mourides de Sheikh Amadou Bamba (chanté dans l'album, et déporté huit ans au Gabon, sous la colonisation française). C'est lui qui m'a appris l'humilité, le respect de ce qui nous entoure et la diversité dans l'émotion. Le gospel, le chant des marabouts, les atmosphères de villages soufis, la voix d'Oum Khalsoum me bouleversent. Je suis un musulman émotif au niveau sonore. Avec cet album, j'ai trouvé la musique qui correspond à toutes ces sensations."

 

 Sur scène, Youssou remercie tout le monde, Dieu, les mourides, les tidianes, égrène le nom des saints, embellit l'image dégradée de l'islam. Il n'oublie pas de saluer Viviane Wade, fervente admiratrice du premier rang. Et première dame du Sénégal, qu'il embrassera chaleureusement à l'issue de son concert (le griot s'est réveillé mais n'en reste pas moins homme..). Il est magnifique, le pape de Dakar. Boubou blanc éclatant. L'épicentre de ses vingt-deux musiciens. Quinze pour l'Égypte, sept pour le Sénégal. Autant dire que le balafon, le djembé et la kora d'Abdoulaye Cissoko doivent se muscler pour affronter la batterie de violons, de oûd, de flûtes, de crotales et de derbouka de l'orchestre oriental dirigé par Fathy Salama.

Alors qu'ils ont tous participé à l'album, les musiciens des deux pays se rencontrent pour la première fois au Maroc. Ils n'ont eu que trois jours de répétition pour s'apprivoiser. La présence des pupitres et des partitions, sur scène, soulignent la délicatesse de l'entreprise.

Lorsque Youssou chante Touba, la ville sacrée des mourides au Sénégal, c'est l'heure de la prière à Fès. En écho, tous les muezzin de la vieille ville impériale se mettent à leur tour, à réciter le Coran. Un moment de grâce qui rompt avec la vulgarité des sonneries des portables, ou le crachat incessant des talkies walkies du service de sécurité.

Infatigable et insensible aux nuisances de la salle, Youssou poursuit ses louanges. Puis le concert terminé, il s'en va, laissant sur son passage cet étrange parfum d'islam décontracté.

Youssou N'Dour Egypte (Nonesuch/Warner) 2004